L’Iran joue avec le feu
Ahmed Charai

Par Ahmed Charaï

L’attaque contre deux tankers a fait monter de plusieurs crans la tension dans le golfe. Les USA et la Grande Bretagne accusent nommément l’Iran d’être le commanditaire de l’agression. En conséquence, Washington a décidé d’envoyer mille soldats en plus dans la région.

Ce regain de tension cache mal les fissures au sein du régime iranien. La classe moyenne subit de plein fouet l’impact des sanctions américaines. L’accord nucléaire de 2015 n’a pas produit les effets attendus sur le plan économique. Le seul soutien est celui de la Chine et de la Russie et il est surtout politique. Dans ce contexte, l’implication de l’Iran dans l’agression des pétroliers n’est pas très compréhensible, car le soutien de l’Europe et du Japon lui est indispensable pour résister à la très forte pression américaine et à la coalition régionale. Si l’accord nucléaire tombe définitivement, que les autres occidentaux reprennent les sanctions, l’économie iranienne peut sombrer même avec le soutien de la Chine.

L’administration Trump veut forcer l’Iran à négocier sur son programme balistique et ses interventions dans les pays de la région. L’option du changement de régime n’est plus affichée. A Téhéran, Hassan Rohani paraît prêt à passer

par les faucons qui jouent la tension, quitte à renforcer la dépendance vis-à-vis d’autres puissances.

L’Iran comptait sur le marché du pétrole pour inciter les pays non producteurs à intervenir, une importante hausse des prix servirait les intérêts iraniens.

Mais cela n’a pas eu lieu, parce que l’Arabie saoudite inonde le marché. C’est dire si la marge de manœuvre de Téhéran est réduite. En face, la stratégie de Trump, celle d’une pression maximale, sans la guerre, comporte un risque, celui d’une déflagration imprévue. Si la présence militaire américaine est ciblée, il sera difficile d’éviter un conflit généralisé aux conséquences néfastes pour les équilibres régionaux et sur la route qu’emprunte le quart du pétrole utilisé dans le monde.

C’est donc une partie très serrée qui se joue en ce moment. Personne ne veut l’embrasement. L’Union européenne veut sauver ce qui reste de l’accord de 2015, tout en réclamant un assagissement de l’Iran.

Et si au final, la solution venait de l’Iran lui-même ? Quarante ans après la révolution islamique, les slogans ne mobilisent plus les foules.

La jeunesse rêve d’une autre époque où la liberté serait une valeur cardinale. Les tentations impériales de l’oligarchie religieuse sont antinomiques avec les rêves de la jeunesse. La tension actuelle pourrait renforcer la classe moyenne et la jeunesse dans leur désir de changement.

Quoi qu’il en soit l’Iran ne peut que négocier. Le rapport de forces ne lui est pas favorable et le soutien européen s’effrite. Le probable futur Premier ministre anglais, Boris Johnson, veut se retirer de l’accord nucléaire. Toutes les grandes entreprises se sont retirées de l’Iran de peur des sanctions américaines. Si Téhéran veut négocier, en gardant des cartes, c’est le moment. Sinon l’Iran joue avec le feu.