La stratégie d’Obama
Ahmed CHARAI

Le discours du Président américain lors de l’assemblée générale de l’ONU a constitué une véritable rupture. C’est donc une nouvelle Amérique qui se profile à l’horizon, avec une nouvelle stratégie, alors que depuis ce que l’on a appelé le Printemps Arabe, tout le monde s’accordait à dire que la politique américaine manquait de visibilité. Barack Obama a tenu d’abord à rompre avec le passé. Il a précisé le rôle de son pays. Les Etats-Unis ne se voient plus comme un gendarme capable de régler tous les problèmes, en intervenant unilatéralement. Mais en même temps, ils n’abdiquent pas. « Je crois que nous pouvons rarement atteindre nos objectifs grâce à une action unilatérale américaine, en particulier avec l’action militaire. L’Irak nous a montré que la démocratie ne peut-être imposée par la force. Au contraire, ces objectifs sont plus accessibles quand nous travaillons en partenariat avec la communauté internationale et avec les pays et les peuples de la région. » En disant cela, Obama se livre à une autocritique, mais il va plus loin.

Il explique que le danger n’est plus de voir les USA intervenir pour imposer leur point de vue, mais de se retirer du jeu, ouvrant la voie à une absence de leadership, alors qu’aucune autre nation n’est prête à prendre le relais. Il prend en exemple le cas syrien où la population américaine s’est montrée très réticente à une intervention militaire. Selon ses mots, l’opinion publique ne veut plus de guerre. L’Amérique d’Obama s’inscrit dans un processus multilatéral autour de valeurs communes. On en arrive à ce qui intéresse notre région D’abord, la question de la Palestine. Pour la première fois, un Président lie la sécurité d’Israël, dogme américain, à l’existence d’un Etat palestinien souverain. C’est un nouveau projet politique que le Président Obama est en train de construire : La solution de deux Etats. Ce qui est nouveau, c’est qu’il affirme sa volonté de voir un Etat palestinien jouissant de sa totale souveraineté et qui ne fait pas de suivisme aux Israéliens, malgré le pacte stratégique qui lie les deux nations et l’engagement historique envers l’Etat hébreu. Dans son discours, il précise que les questions de Jérusalem et des refugiés, qui ont fait capoter les négociations entre Ehud Barak et Yasser Arafat, font partie des sujets.

En même temps, et c’est une autre nouveauté, il refuse de laisser la seule responsabilité à Mahmoud Abbas et à Netanyahu. Il demande aux soutiens des deux camps de faire preuve de responsabilité, en faisant pression sur leurs alliés pour qu’ils acceptent le compromis. Sur la question du Printemps Arabe, Obama a été encore plus clair. Il a reconnu que son pays a été, comme les autres, pris de court. Non, ni les services de renseignement, ni les diplomates n’avaient prévu ce qui allait se passer. Mais il ajoute, et c’est ce qui est intéressant, que la nouvelle situation recommande une nouvelle attitude. Comment l’Amérique, chantre de la démocratie, du libéralisme économique, peut-elle défendre ses valeurs, ses intérêts parfois égoïstes, dans une telle situation ? Le Président Américain n’a pas éludé la question. Il a pris comme exemple ce qui se passe en Egypte. Son pays se trouve au milieu du gué. Parce qu’il défend les institutions élues, certains croient qu’il est pour les frères musulmans.

Ceux-ci, au contraire, l’accusent, vu les relations avec l’armée égyptienne, de soutenir le dernier soulèvement qui a fait tomber Morsi. Ce qu’il explique, c’est que Washington veut soutenir la démocratie, sans apporter au désordre, encore plus de désordre. Le discours d’Obama dépasse ce cadre. Il propose une vision stratégique de la diplomatie de son pays qui sort de l’unipolaire, telle que Bush a cru le faire. Mais en même temps, il n’abdique pas le rôle essentiel des USA. Nous assistons à la naissance d’une diplomatie moins agressive, plus consensuelle. C’est peut-être l’acte le plus important de la présidence d’Obama.