Pauvre culture !

ETAT DES LIEUX La culture a son ministère, son ministre, ses structures centrales et régionales ainsi que ses fonctionnaires. Elle a même sa politique, mais pas l’argent nécessaire pour l’appliquer. Décryptage de Rabia Hajila, enseignante chercheur à l’INSAP à Rabat qui vient de signer une étude détaillée sur le sujet.

Nombreuses sont les attributions et les ambitions du ministère de la Culture, mais son budget ne dépasse guère 1% du budget général de l’Etat. En 2013, son budget de fonctionnement a été fixé à 354.313.000 dirhams dont 202.393.000 dirhams ont été réservés au personnel et 151.920.000 dirhams réservés au matériel et dépenses diverses. Ces chiffres s’inscrivent certes en augmentation de 9,48% par rapport à l’année 2011 et une augmentation de 4,52% par rapport à l’année 2012, mais madame culture n’a pas encore les moyens de sa politique. Surtout que le budget d’investissement a été ramené cette année à 216.750.000 dirhams, soit une baisse de près de 8% en comparaison avec le budget 2012. Dans le détail, le budget alloué au patrimoine culturel en 2013 est fixé à 4.810.500 dirhams. Ce montant est réservé au fonctionnement pour la conservation et le développement du patrimoine culturel, représentant ainsi 3,16% du budget de fonctionnement de ce département. 16.550.000 dirhams sont réservés à l’investissement pour la mise en valeur du patrimoine architectural et archéologique, soit 7,63% du budget d’investissement du département de la Culture. Cette enveloppe budgétaire reste insuffisante pour restaurer, protéger et valoriser le patrimoine culturel et naturel.

Ce patrimoine marocain très diversifié, qui comprend un patrimoine matériel tels les musées, les sites et kasbahs, les villes anciennes, les palais… S’y ajoute un patrimoine immatériel avec les aspects culturels intangibles hérités du passé qui se manifestent dans les domaines des traditions et expressions orales, des arts du spectacle, des savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel… Sans oublier le volet écologique du type parcs et jardins nationaux, parcs naturels, réserves naturelles et réserves biologiques… Dans ce domaine, des efforts colossaux sont nécessaires afin de protéger et de valoriser ce patrimoine. La pauvreté de la Culture a pour conséquence la dégradation que connaît notre patrimoine et plus particulièrement les monuments et sites historiques. Ceux-ci font souvent l'objet de démolitions et de réfections prohibées, de constructions et d'adossements interdits ainsi que de nombreuses autres infractions. Parfois, ce sont des mécènes qui pallient au plus urgent pour éviter le pire. Ces aides doivent être encadrées et légalement encouragées à travers la réduction d'impôts, l’amortissement et la déductibilité, à l’image de ce qui se passe en France, par exemple.

Réorganiser oui, mais…

Rappelons que sur la base de sa nouvelle organisation, objet du décret 2- 06-328 du 18 chaabane 1427 (10 novembre 2006), le ministère de la Culture est tenu d’élaborer et de mettre en oeuvre la politique du gouvernement dans le domaine du patrimoine et du développement culturel et artistique. A cet effet, ce département est chargé de poursuivre et d’intensifier, par les moyens appropriés, toute action et mesure tendant à la conservation, la préservation et la mise en valeur du patrimoine culturel national. C’est dans ce but que la direction du patrimoine culturel s’est donnée pour mission de veiller à la protection, la conservation, la restauration, l’entretien et la promotion du patrimoine architectural, archéologique, ethnographique et muséologique ainsi que les différentes richesses artistiques nationales. A cet effet, elle est chargée d’entreprendre des études, des recherches et des enquêtes nécessaires à l’identification des éléments qui composent le patrimoine culturel et de prendre les mesures adéquates pour sa conservation et sa mise en valeur. Elle doit également assurer le suivi des études et des interventions techniques et leur évaluation. Le tout en coordonnant les travaux de gestion technique des inspections des monuments historiques et sites naturels.

Ce faisant, elle doit programmer les recherches archéologiques, organiser et contrôler les chantiers de fouilles en coordination avec les services compétents du ministère; mener les activités d’animation relatives au patrimoine culturel; rassembler la documentation nécessaire pour dresser l’inventaire du patrimoine culturel matériel et immatériel… Et parce qu’une direction ne peut pas à elle seule accomplir toutes ses missions et bien d’autres, trois divisions ont été mises en place. Il s’agit de la division des études et des inventaires techniques ; celle de l’inventaire général du patrimoine et celle en charge des musées. Toutes ces structures ont besoin de gros moyens pour accomplir, comme il se doit, leurs tâches. Et bien sûr, le tout doit être rigoureusement contrôlé.

Le vrai levier de la Culture

L’élément humain demeure le vrai moteur du développement dans tous les domaines dont celui de la culture. D’où la nécessité d’assurer un cadre de travail motivant pour les ressources humaines travaillant dans cet univers à part en leur prévoyant la formation adéquate et continue. A titre indicatif, le Maroc a un énorme besoin en cadres spécialisés en sciences de l’archéologie et du patrimoine, en particulier en archéologie, en ethnologie, en muséologie… Et aussi dans divers domaines liés aux monuments historiques. L’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine a un grand rôle à jouer dans ce cadre. Créé par décret ministériel n°2-83-705 du 31 janvier 1985, cet institut a été réorganisé le 19 octobre 2011 dans le cadre de sa bifurcation vers le nouveau système connu sous le nom LMD. Le rôle des quatre centres relevant directement de l’administration centrale du ministère n’est pas non plus à négliger.

Il s’agit du Parc national des gravures rupestres dans la région de Marrakech-Tensift- Alhaouz, du Centre de restauration et de réhabilitation du patrimoine architectural des zones atlasiques et subatlasiques CERKAS dans la région de Souss-Massa- Daraâ, du Centre d’études et de recherches du patrimoine Maroco- Lusitanien dans la région Doukkala- Abda et du Centre des études et de recherches alaouites dans la région de Meknès-Tafilalet. Il y va de même des centres relevant directement des directions régionales, tel que le Centre des études et de recherches sur le patrimoine al malhoune dans la région de Meknès-Tafilalet, le Centre des études et de recherches hassanies dans la région de Laâyoune-Boujdour et le Centre des études et de recherches andalouses dans la région de Tanger-Tétouan. Les inspections des monuments historiques et des sites ainsi que les conservations de musées peuvent être également des points nodaux dans le développement et la préservation du « secteur culturel » dans le pays. Encore faut-il qu’on leur donne les moyes