Mercredi, Rome
Vincent HERVOUET

Berlusconi assis à sa place, le visage dans les mains. Il surjoue sa souffrance. On s’attend à le voir fondre en larmes. Le vote de confiance au gouvernement est son supplice. Il a échoué à le renverser. Il voulait provoquer de nouvelles élections qui lui auraient évité d’être déchu de son immunité et rattrapé par les juges qui le poursuivent depuis quinze ans. Plusieurs des élus de son parti l’ont trahi. Ce matin, il a fait les comptes. Ce soir, il fait volte-face, votant lui-même la confiance. Rome est tragique. Personne n’est dupe. Berlusconi endure. Une jeune femme vient le réconforter et lui caresse la main. Mama Mia ! Ce n’est plus le cavalière, mais Caliméro, le petit poussin noir du dessin animé portant un reste de coquille sur la tête et qui geint en permanence : « c’est vraiment trop injuste ! ». Philippe Ridet (« L’Italie, Rome et moi » Fayard) vient de passer cinq ans à Rome. Il rappelle que Caliméro est né en Italie en 1961. Est-ce un hasard ? Si les Italiens ont gardé un clown aussi scandaleux que Berlusconi pendant si longtemps au pouvoir, c’est justement parce qu’il excellait à jouer les victimes. Des juges. Des jaloux. De son bon coeur. De ses faiblesses de macho. Il tendait aux italiens un miroir déformant et ils lui pardonnaient ses frasques. Il semble que le clown ait fait aujourd’hui son dernier tour de cirque. Philippe Ridet est devenu italien au cinéma quand il était adolescent. Il a régularisé ses papiers en épousant une italienne. Mais quand le Monde l’a envoyé en exil dans son pays d’adoption comme correspondant permanent, il ne lui a pas rendu service. Au bout de cinq ans, Philippe Ridet ne sait plus du tout ce qu’il pense des Italiens. Au moins, il les raconte magnifiquement. Comme dans les comédies des années 70, sur un ton un peu amer mais irrésistible.