Dans un camp d’exilés syriens... à Casa

RÉCITS Fuyant la guerre dans leur pays, des Syriens se réfugient au Maroc. Nous avons rencontré quelques uns qui nous ont raconté leurs longs périples, leur peur et leurs espoirs.

Nous sommes à une heure du centre ville de Casablanca, dans un des nouveaux quartiers de la ville. Des logements sociaux à perte de vue dessinent un urbanisme à grande vitesse. Les transports en commun ne desservent pas cette zone encore et les infrastructures publiques émergent à peine de terre. Des migrants subsahariens et syriens ont trouvé refuges dans cette périphérie. Au moins une cinquantaine de familles syriennes y résident. Elles vivent dans une extrême précarité, la peur au ventre.

Homs-Casablanca

«Depuis une année, je fuis le régime et la misère», nous confie Mahmoud, 32 ans, un Syrien originaire de Homs vivant au Maroc depuis quatre mois. Avec ses parents, son épouse et ses quatre filles, cet homme a passé douze mois en cavale, fuyant le régime de Bachar El Assad et les conditions d’exil difficiles au Liban. «J’ai quitté vers l’Algérie, sauf que la position du régime algérien, en faveur d’Al Assad, nous complique la vie. J’ai décidé alors de gagner le Maroc, par la frontière terrestre», poursuit-il. Un passeur sur la frontière maroco-algérienne exige entre 800 et 1000 dollars par personne. Mahmoud n’avait pas ces sommes, «ils nous ont permis de passer la frontière parce qu’ils ont eu pitié de nous», se rappelle-t-il. Arrivé à Oujda, les sept membres de la famille de Mahmoud prennent la route vers Casablanca. «C’est ainsi qu’on a atterrit dans ce quartier aux loyers accessibles », résume Mahmoud. Avec d’autres pères de familles, ils se rendent dans les mosquées de Casablanca pour demander la charité. «Aux yeux des gens, nous sommes des mendiants. La réalité, c’est que faute de papiers en règle, personne ne veut nous embaucher», lâchet- il, confus.

Bachar au… Maroc

Mahmoud nous invite à prendre un thé syrien avant de poursuivre son histoire. Dans son appartement, la déco est réduite à sa plus simple expression. Au salon, un «hssira», un tapis de rotin et des matelas en mousse en fin de vie et une télé. «Des voisins nous ont offert ces meubles et le proprio nous a laissé sa TV pour suivre l’actualité du pays», explique-t-il d'une voix nouée. «Dès mon arrivée à Casa, je me suis présenté au poste de police du quartier pour leur remettre le document attestant mon statut de réfugié au Liban. Ils ont juste noté mes coordonnées et c’est tout», nous confit-t-il. D’autres migrants syriens débarquent pour nous confier leur calvaire. Samir, 58 ans, père de six enfants est arrivé au Maroc il y a deux mois. Ce commerçant, également de Homs nous montre son passeport taponné de plusieurs visas Schengen, «il y a quelques mois, je me baladais dans les rues de Berlin, aujourd’hui je suis mendiant devant les mosquées», crie-t-il de colère. Même amertume chez Mohammed, fraichement arrivé il y a 20 jours depuis la Syrie après un passage par l’Egypte et l’Algérie. «Le régime a détruit notre pays et a gâché nos vies», déplore-t-il. Et d’ajouter, «j’ai épuisé mes maigres économies, je me prépare à sortir mendier avec mes compatriotes». Ces Syriens sont surtout hantés par les possibles fidèles présents au Maroc. «Nous n’allons jamais demander de l’aide à nos compatriotes déjà installés au Royaume de peur qu’ils soient membres des services de Bachar. Ça mettrait en péril notre sécurité», nous chuchote Mahmoud, craintif.

Le bureau des réfugiés voit enfin le jour

Ces familles sont otages de l’absence d’une législation marocaine sur le droit d’asile et des réfugiés. À cela, s’ajoute l’arrêt des inscriptions, depuis janvier 2013, par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) des demandes d’asiles des Syriens. «Suite à des discussions avec le gouvernement marocain sur ce sujet, on nous a demandé d’arrêter les inscriptions. On espérait un programme spécifique pour ces ressortissants», explique une source au HCR. Avant l’arrêt des inscriptions, 843 demandes ont été reçues par le bureau du HCR à Rabat. Par la suite, environ 200 familles syriennes ont pris contacts avec cet organisme onusien. Les derniers développements sur le dossier de la migration pourront-ils apporter des bonnes nouvelles pour les Syriens ? Le 25 septembre, le bureau des réfugiés et des apatrides, domicilié au Ministère des Affaires étrangères ouvre ses portes de nouveau, après 7 ans d’absence. Leila Jane Nassif, représentante au Maroc du HCR se réjouit de cette décision : «c’est une grande réalisation dans le domaine des droits humains et de la protection des réfugiés et demandeurs d’asile». La responsable onusienne tempère : «beaucoup de travail reste à faire, mais le Maroc a pris les bonnes décisions pour protéger les personnes vulnérables». Cette décision importante fait suite au rapport du Conseil national des droits de l’homme (CNDH) appelant à «une politique d’asile et d’immigration radicalement nouvelle ». Le HCR reçoit ce rapport et toutes les annonces politiques qui l’ont suivi avec enthousiasme : «C’est une évolution très positive. Depuis, nous avons un contact régulier avec le Ministère des Affaires étrangères pour créer un comité ad hoc et commencer de travailler sur cette question. Nous espérons que cela aura un impact positif sur la situation des Syriens au Maroc», souhaite-t-on auprès du HCR. Du côté des Syriens, on s’impatiente de voir les résultats, «la crise syrienne est partie pour durer. En attendant de rentrer chez nous, nous demandons l’accès au marché du travail, au système de santé et à l’éducation pour nos enfants», exigent-ils d’une même voix. D’ici fin octobre, d'autres bonnes nouvelles sont à prévoir…