Le jeu de l’équilibre

La constitution du gouvernement met fin à plusieurs semaines d’incertitude. Laquelle incertitude, dans le contexte régional où les islamistes arrivés au pouvoir par les urnes étaient contestés en Tunisie, déposés en Egypte, suscitait des inquiétudes. En politique, les comparaisons hâtives ont rarement du sens. Les similitudes existaient. Dans les trois pays, les islamistes ont accédé aux affaires à la faveur de ce qu’on avait appelé le Printemps Arabe, sauf qu’en Tunisie et en Egypte, il y a eu un changement de régime et qu’au Maroc, il y a eu adoption d’une nouvelle constitution. Dans les trois pays, les islamistes ont eu deux torts : le premier concerne leur conception de la démocratie diabolisant toute opposition, le second, c’est leur manque de compétences dans la gestion des affaires économiques. Les similitudes s’arrêtent là. Si aujourd’hui le PJD a pu s’allier avec un parti libéral, c’est en partie parce qu’il connait le mode de scrutin et qu’il sait qu’il est impossible d’avoir un parti majoritaire.

Mais c’est aussi parce que la construction démocratique est en marche depuis longtemps. Les partis politiques ont une réelle existence, malgré leurs faiblesses, l’espace des libertés s’est élargi depuis le gouvernement d’alternance, l’IER a permis de solder le passif des années de plomb. La crise politique que le Maroc a traversée n’a rien à voir avec ce qui s’est passé chez nos voisins. Il n’y a eu ni violence, ni contestation de la légitimité des institutions. Rien de tout cela, juste une négociation qui a trop duré entre deux partis, pendant longtemps ennemis. La configuration, l’architecture institutionnelle, est capable d’absorber ce genre de crises, parce qu’elle répond à la recherche des équilibres nécessaires, autour d’une institution pivot à la légitimité indiscutable qu’est la monarchie. Aujourd’hui, les projections sont claires. Les partis USFP, Istiqlal et PAM veulent durcir l’opposition, pour représenter une alternative. Mais aucun parti n’est dans la perspective de chasser le PJD du gouvernement. On est dans la continuité de la réponse politique qu’a constitué le discours du 9 mars. La législature va jusqu’au bout, sans ruptures. Après, ce sont les électeurs qui décident, comme dans toutes les démocraties. La constitution du 1er juillet a passé avec succès l’examen de la première crise politique de son histoire.