The Wanton Bishops « Seul l’amour peut résoudre les problèmes d’Ego ! »

The Wanton Bishops

« Seul l’amour peut résoudre les problèmes d’Ego ! »

Fondé en 2011 par Nader Mansour et Eddy Ghossein, le groupe de rock libanais déjanté, The "The Wanton Bishops” -Les évêques dévergondés-, connu pour son côté excentrique et son brin provocateur a de nouveau déchainé la foule à la 20e édition de Tanjazz. Son nouvel album dont la sortie est prévue en avril 2020 est un mix coloré de Rock, de Blues, de psychédélisme sur fond de rythmes orientaux. Un opus où les musiciens s’essaient à l’exercice des balades à l’image d’un Western Spagetti à la sauce Ennio Morricone. Un retour aux sources plus qu’évident qui a permis au chanteur de se retrouver, histoire de se réconcilier avec ses démons et de se réinventer des talents de poète !

C’est la 4e fois que vous vous produisez au Maroc, et votre 2e fois à Tanjazz. Vous êtes un peu un habitué ?

Je commence à l’être, je connais les lieux qui sont magnifiques, je connais les organisateurs, les journalistes, ça devient un peu la maison, ça fait plaisir de se retrouver, faire de la musique et s’amuser ensemble. Le public marocain nous réserve toujours un accueil surprenant.

Comment s’est constituée votre formation avec Eddy Ghossein ?

Ça s’est fait suite à une bagarre. J’avais un groupe de Blues à l’époque qui faisait des reprises dans les bars à Beyrouth et j’avais besoin d’un guitariste. J’ai donc invité Eddy, on a joué ensemble et en sortant, je vois qu’il se faisait tabasser par 5 mecs, du coup j’interviens, on se fait tabasser tous les deux… Une semaine après, on m’arrête à cause d’une bagarre et c’est son frère qui me libère. Et c’est comme ça qu’on est devenu potes.

Pourquoi le Rock ?

Le Rock, c’est une énergie et on est des fils du Rock tous les deux. Après, le Blues, c’était par facilité ; moi, je n’étais pas musicien. Bien que facile d’accès, le Blues n’est pas facile à comprendre ni à sentir. Le fait de venir d’un pays qui était en guerre depuis 30 ans m’a facilité la tâche pour le ressentir. C’était une porte d’accès à la fois simple et riche en même temps.

Les artistes qui vous ont donné l’envie de suivre cette voie ?

Tous les Bluesman venus du Mississipi, Johny Lee Hooker, Jim Kimbrough, …toute la vague Chicago après, de la Nouvelle Orléans, …mais après, il y avait cette quête pour la liberté dans les années 60, véhiculés par des révoltés blancs. Les sons étaient intéressants, le lien avec les littératures Beatnik était très intéressant, avec le Blues, c’est devenu plus élaboré.

A quel moment vous avez décidé de tout laisser tomber pour embrasser une carrière musicale ?

J’étais ingénieur financier à Paris et j’étais plutôt doué dans ce que je faisais. Un jour, j’ai trouvé un harmonica par hasard, j’ai commencé à écouter des disques et à jouer avec, c’était très surprenant, je jouais aussi bien que le mec sur le disque. Alors, j’ai commencé à faire des jams de Blues sur Paris et ça ne s’est jamais arrêté. C’était un kidnapping musical total, la musique est une femme qui s’accapare, elle est très jalouse, très possessive et ne laisse pas d’espace à autre chose, mais elle vaut le coup !

Au début, vous ne chantiez qu’en anglais ?

Oui, c’était un refus total, comme tous les artistes libanais de la scène alternative, on a un refus complet de la culture arabe, et on tombe dans le piège. Donc, pour le 2e album, on devait faire un choix : rester sur la lignée des anciens ou retrouver qui on est vraiment. Moi, je viens de la Vallée de la Beka, qui est très imprégnée par la culture arabe classique. Du coup, ça m’est revenu et j’ai plongé dedans pendant 2 ans (littérature, disques, musique, lectures préislamiques…) et c’est là où je me suis retrouvé, pas complètement mais ça fait une grande partie de moi. Vous savez, j’ai été élevé dans le folklore bédouin du levant, je sais chanter l’arabe, j’ai été bercé par les chansons de Oum Keltoum, …J’avais tout cela en moi sauf que je l’avais enfoui quelque part !

Vous vouez un amour inconditionnel à Oum Keltoum. Pourquoi ?

Je ne pense pas qu’elle soit humaine, vu la capacité technique de sa voix. En plus, le choix des textes et des musiques qu’elle a fait, c’était très « picky », la sensibilité et surtout le manque d’amour qu’elle avait, elle n’arrivait pas à être aimée. Elle me touche énormément ! En l’écoutant, on a l’impression qu’elle va se casser la gueule à chaque fois qu’elle essaie des acrobaties vocales, mais ça n’arrivait jamais !

Le choix des mots, c’est important pour vous ?

Ça l’est devenu, au début, avec le Blues, ça ne l’était pas. Après, la littérature est venue avec le Rock, et l’arabe s’est imposé de lui-même ! C’était donc important d’avoir du texte, avant ça ne cadrait pas avec les rythmiques du Blues. J’écrivais du texte moins élaboré, moins poétique. Ce que je fais maintenant se prête mieux à du beau texte et enfin, ça me libère.

Quels sont les poètes qui vous inspirent et que vous admirez ?

Allen Ginsburg de la Beat Generation, Arthur Rimbault, Goethe, et surtout Nizar Qabbani, qui est une école à lui seul. Je trouve qu’il est d’une beauté interne qu’on perçoit dans ses textes super bien dosés. Comme Oum Keltoum, il marche sur le fil, il prend des risques surtout à l’époque ; il était rebel, amant, mais tellement simple ! J’aime sa rupture avec la poésie classique arabe, c’est lui qui nous a ouvert les portes.

Vous pensez un jour chanter du Nizar Quebbani ?

J’aimerais bien, cela dit, je ne suis pas Kadim Saher. Par contre, j’aimerais que mon livre puisse lui parvenir et qu’il chante un de mes poèmes. Pour se le procurer, il suffit de me contacter sur mon compte Instagram !

Justement, on vous découvre des talents de poète dans « Lasstou cha3ir » sorti en septembre dernier ?

Je ne prétends pas être poète, d’ailleurs, c’est ce que dit le titre. C’est une femme qui me l’a offert, elle était ma muse et sur la couverture, c’est elle qu’on aperçoit, moi, je n’étais que le médium. D’ailleurs, je ne sais si j’arriverais à écrire un autre !

Entre les lignes, on décèle un peu l’artiste engagé ?

Oui, j’ai beaucoup fui cela dans ma musique, maintenant c’est devenu important pour moi. Je prends la responsabilité de ce qui se passe au Liban, je trouve qu’on a une opportunité en or de récupérer ce pays et de le débarrasser de cette bande de politiques corrompus qui le gouvernent. Il est temps de reprendre ce pays, il faut qu’on soit prêts. Nous les artistes, il faut qu’on récupère au moins la culture, qu’on passe d’une scène alternative à une scène plus écoutée pour toucher un large public. Le monde entier reconnait la qualité de notre musique, mais dans notre pays, on n’a même pas 3 mn pour passer à la radio !

Vous dites que vous ne vivrez nulle part qu’à Beyrouth. Pourquoi ?

J’ai vécu partout, Beyrouth pour moi est une femme qui a des problèmes de drogues. Et comme vous l’aimez beaucoup, vous avez envie de la sauver. En plus, je suis attaché à ma famille, j’ai envie de faire le ménage chez moi et de vivre avec de la dignité, on y a droit !

Pour quand la sortie de votre prochain album ?

Il est terminé. Le 1er single sort en février, le 2e en mars puis l’album en avril 2020. Depuis peu, je me retrouve dans un mood spirituel où je considère qu’on n’existe pas vraiment, il n’y a rien qui nous rend unique dans cette vie, on est vide, c’est vraiment un effacement presque total de l’égo et la solution à tous ces problèmes d’égo sur terre (guerres, famine…), c’est l’amour.

Beyrouth est aussi très présente dans cet album ?

Oui, je lui dédie un morceau qui est le centre de l’album. Je dis de Beyrouth qu’elle ne sait plus comment elle est, on l’a tellement blessée et trahie qu’elle ne fait plus confiance, elle n’arrive plus à aimer, d’où l’importance de l’aimer sans contrepartie. Et peut être qu’un jour, elle peut réapprendre à aimer. Il y a beaucoup de couleurs, de psychédélisme, j’ai écrit un morceau sur la période où je fumais de l’opium il y a 8 ou 9 ans de cela, là c’est fini et ça fait 3 ans que je ne bois plus. On a aussi les 1ères balades un peu à la Ennio Morricone, une sorte de western spaghetti, mêlant Rock, Blues, avec beaucoup de rythmes orientaux.

Enfin, le ciel s’éclaircit pour vous ? Plus de problème d’égo ?

Oui, le plus possible, vraiment, on n’existe pas…une fois qu’on a tout essayé, on se demande c’est quoi le but de la vie ? Les Indiens prétendent que « l’Etat source de l’humain c’est la gaieté totale et que le seul but de la vie c’est d’y retourner ». Une sorte de retour à la source, pour recevoir de l’amour et de la beauté au fond de nous.

Vous êtes marié ? des enfants ?

Non, je suis un grand enfant ! C’est la première fois depuis des années que je suis en relation, et c’est un travail de tous les jours. Vous savez, on peut quitter un boulot, un pays, une femme mais pas des enfants, pour moi, c’est le seul engagement total. Ça me fait flipper en tout cas pour l’instant !