Séparatistes de l’intérieur qui sont-ils ? Que veulent-ils ?

Comme d’habitude, à Laâyoune et Smara, certains activistes ont profité de la visite de Ross, représentant de Ban ki-moon pour le Sahara, pour provoquer des heurts qui ont occasionné la blessure de nombreux agents de forces de l’ordre. Ils ont aussi tenté de porter atteinte à des édifices publics. Ils étaient quelques centaines à Laâyoune, quelques dizaines à Smara. Il faut essayer de bien comprendre de qui il s’agit pour ne pas mettre tout le monde dans le même sac portant l’étiquette : «Polisario de l’intérieur ». Il y a bien évidemment, des séparatistes vivant au Sahara, mais il faut faire le distinguo entre trois catégories. D’abord ceux qui sont directement liés à la direction du Polisario et aux services algériens. Ils sont connus non seulement des services, mais de tout le monde. Ensuite, ceux qui sont déçus, à titre personnel, et donc facilement manipulables par le premier groupe. Enfin, ceux qui sont convaincus que le séparatisme n’a aucun avenir, mais qu’il constitue une bonne carte pour faire pression en vue d’acquérir des situations de rente. Pour ces trois catégories, ni les Des photos montrant certains actes perpétrés à Laâyoune par un groupuscule séparatiste, lors de la visite de Ross.

Motivations, ni l’engagement, ni la formation politique ne sont les mêmes. En tout cas, tout ce beau monde ne mobilise que quelques centaines de personnes à Laâyoune. Mais il est bon de comprendre la réalité sur le terrain, pour pouvoir évaluer objectivement les politiques publiques mises en oeuvre. Le premier cercle existe depuis les années 70. Il est le fruit de la propagande séparatiste. Le Maroc accepte son existence, dans le respect des lois, non par défaitisme, mais parce que la constitution démocratique le permet, et la diplomatie l’exige. Défait, militairement, le Polisario l’a été. Il ne faut pas accorder de crédit aux fanfaronnades de Abdelaziz. Plus aucun cadre du Polisario ne croit en la lutte armée, ni en son utilité. Diplomatiquement, malgré le soutien massif de la machine algérienne, il est dos au mur. Ses propres manoeuvres lors du processus d’identification ont rendu impossible la tenue du référendum. L’ONU n’y croit plus et a demandé aux deux parties de proposer des alternatives. Le projet d’autonomie est jugé crédible par les grandes puissances, certaines y voyant la solution du conflit.

Alors, il s’est rabattu sur la question des droits de l’homme en réclamant l’extension du mandat de la Minurso à la protection de ceux-ci. Manoeuvre intelligente puisqu’elle contredit la souveraineté marocaine, voire même la légitimité internationale de la souveraineté marocaine. A Tindouf, les refugiés ne sont pas recensés, ne bénéficient d’aucun droit, les unionistes, en nombre, sont embastillés. Exemple édifiant, Ouled Salma a été expulsé parce qu’il a émis un point de vue en faveur du plan d’autonomie, comme base de négociation. La diplomatie marocaine n’a pas encore réussi à établir ce parallèle, même auprès des ONG, tels que Human Rights Watch qui se limite dans ses rapports à écrire « Nous n’avons pas été autorisés à visiter Tindouf ». Mais pour utiliser cette arme, les services algériens ont besoin de « martyrs ». Les manifestations se transforment en provocations musclées. Pour rappel, on a vu dans l’histoire du camp de Gdem Izik les forces de l’ordre déplorer 11 morts sans riposter par un seul coup de feu. C’est fort de ce constat que les manifestations provoquent des dégâts. La solution : créer des richesses Au Sahara, il ya très peu de gens qui croient en une résolution rapide du conflit.

Pire, il y en a qui plaident ouvertement pour le statu-quo, parce qu’ils estiment qu’il leur profite. Il faut savoir que le Maroc a sédentarisé les Sahraouis, qu’il a fait des efforts énormes au niveau des infrastructures pour mettre les provinces du Sud au niveau du reste du pays. La solution choisie s’est révélée pernicieuse. Une aide directe, sous forme de cartes de la promotion nationale, qui donnent droit à près de 2000 DH par mois a été mise en place. Ensuite, on y a ajouté « les plans » comme on les appelle dans les provinces du Sud. C’est-à-dire des lots de terrains, stratégie pernicieuse, parce qu’elle a fini par alimenter elle-même les tensions. En quarante ans, la population a plus que doublé. Des jeunes réclament aujourd’hui le même traitement. D’autres réclament du travail pour s’assurer un revenu dans la dignité. Mais il est difficile de travailler au SMIG quand on peut gagner autant grâce à la carte « tout en restant chez soi ». Ce qu’il faut maintenant, ce sont des plans sectoriels incitatifs pour attirer les investisseurs locaux, nationaux et étrangers. Le plan élaboré par le CES va dans ce sens. Il faut l’appliquer. Les effets de l’urbanisation L’autre stratégie à effet pervers, c’est le rôle des chefs de tribus. Nul doute qu’avant et après la Marche Verte, ce rôle était primordial, parce que le tribalisme était la structure sociale adaptée au mode de vie.

Mais la sédentarisation et l’urbanisation ont atténué ce rôle au fil du temps. Les ONG, actives, ne sont pas constituées sur des bases tribales. Les jeunes critiquent ouvertement leurs propres chefs de tribu, les accusant de népotisme et de s’être indûment enrichis. Ces critiques sont fondées parce que Basri avait ouvert les vannes au-delà de l’entendement. Dans sa dernière mouture, le Corcas avait partiellement tenu compte de cette réalité-là. Mais le chaînon manquant, ce sont les partis politiques et les ONG. Basri avait pratiquement interdit toute activité partisane. Il désignait lui-même la couleur des candidats et « affectait » chacun à un parti dans un souci d’équilibre dont il avait seul le secret. Aujourd’hui, le CNDH local est très actif dans le respect de sa mission, c’est-à-dire la défense des droits de l’homme. Mais ni les associations de jeunesse, ni celles qui s’occupent de culture ne sont présentes, suffisamment. D’ailleurs, s’il y a un désert au Sahara, c’est bien dans le domaine culturel. La constitution impose la mise en valeur de la culture hassanie comme un affluent de l’identité plurielle. Cette tâche là n’est prise en charge par personne, sauf par la radio-télévision de Laâyoune. Comme tous les jeunes, les sahraouis ont besoin d’espaces éducatifs culturels, d’échange... Ils ont aussi besoin d’assurances sur leur avenir. Les séparatistes, par conviction, ne sont qu’une infime minorité et ils le savent. Ils surfent sur les insatisfactions d’une partie de la jeunesse et l’existence de réseaux mafieux, contrebandiers essentiellement, qui sont prêts à tout contre de l’argent. Le Polisario de l’intérieur c’est cela, mais ce n’est que cela. Il ne faut pas être naïf et tomber dans le piège de la propagande algérienne et donner à des événements sporadiques une importance qu’ils ne méritent pas.