Réponse majestueuse à une provocation excessive
Le Roi Mohammed VI

Par Ahmed Charai

Publié dans le HuffingtonPost.com

Les deux Etats arabes qui ont résisté à la tempête du printemps du même nom sont la république militaire de l'Algérie et le royaume du Maroc voisin. Le royaume a réussi à endurer la vague des révolutions en 2011-2012, comme je l'ai décrit précédemment, grâce à une longue expérience en matière de réformes progressives favorisant un Etat de droit, un gouvernement constitutionnel parlementaire, les droits de l'homme ainsi que l’égalité des minorités et des sexes. Un bilan qui a attribué au Roi une crédibilité et une confiance lorsqu’il a présenté, puis mis en œuvre, un processus électoral constitutionnel conduisant à un gouvernement parlementaire élu. En revanche, en Algérie, ce fût plutôt la peur d’une répression sanglante qui a refréné le soulèvement de la population : Dans les années 1990, le régime a initié ses armes sur sa propre population civile suite à l’annulation des élections remportées par les islamistes. Le nombre de morts a atteint 150,000 - la plus grande tragédie humaine dans l'histoire de la région. Un record que même la guerre qui fait rage aujourd'hui en Syrie n'a pas encore éclipsé.

Aujourd'hui, l'Algérie reste une société fermée. Sa population se voit refuser l'accès aux technologies de communication nécessaires pour participer au marché mondial des idées. La corruption et les violations des droits de l'homme sont monnaie courante. Et comme le djihadisme se développe dans les Etats voisins du Sahel africain, les frontières de l'Algérie sont de plus en plus instables. Une station de trafic des idéologies radicales et des armes. Cependant l’Algérie profite d'une frontière sûre et sécurisée, celle qui la sépare du Maroc voisin. Et pourtant, dans le discours politique des élites algériennes, le Maroc est considéré comme un adversaire. C'est parce que, comme tant d'autres dictatures militaires dont notamment la Syrie d'Assad et l'Irak de Saddam et bien au-delà de la région arabe, le leadership d’Alger s’appuie sur un conflit externe pour détourner l'angoisse de sa population au sujet de la brutalité domestique et la corruption.

Le conflit de choix pour le régime algérien réside dans le désert du Sahara. Pendant des décennies, Alger a fourni un soutien financier et militaire à un mouvement paramilitaire connu sous le nom de Polisario. Ce mouvement revendique une partie du Sahara qui représente la moitié de la carte du Maroc. La vision politique du Polisario pour la région est, sans surprise, le modèle militariste de son patron algérien. Mais un grand nombre de Sahraouis ne veulent pas qu'un tel système leur soit imposé. « La capitale » du Polisario, Tindouf, est un lieu qui connait d'atroces violations des droits de l'homme comme le signalent régulièrement les émigrants de cette enclave aux groupes internationaux de défense des droits de l’homme.

Pendant ce temps, dans la région du Sahara marocain, le gouvernement a injecté des milliards dans des projets de développement économique. Il a développé les mêmes institutions de la société civile et de la participation politique que l'on trouve dans le reste du pays. Evidemment, il existe aussi des Sahraouis pro-Polisario au Maroc : Ils en sont venus aux mains avec le gouvernement, d’où des affrontements violents qui ont causé d’immenses dégâts des deux côtés. Mais ils ne représentent pas les réalités de la vie au sens large dans la région. Le gouvernement souhaite parvenir à un règlement négocié pour mettre fin au conflit avec le Polisario. Mais depuis des décennies, cette milice a été encouragée par son bailleur algérien pour rejeter les initiatives marocaines dont notamment le plan d'autonomie du Sahara qui bénéficie de l'appui des Nations Unies, des Etats-Unis et de la France. Un gouvernement responsable s’investirait pour mettre fin au conflit, qui a mobilisé l'énergie, les talents et les ressources des deux pays depuis si longtemps.

Les Marocains étaient écœurés, la semaine dernière, d'apprendre les nouvelles manœuvres militaires algériennes alarmantes dans les environs de la zone où sévit le Polsario, accompagnées d'un discours qui a été lu au nom du président algérien Abdelaziz Bouteflika devant des syndicalistes pro - Polisario dans la capitale nigériane Abuja. Le discours rejette la responsabilité du conflit sur le Maroc et appelle à une surveillance internationale des droits de l’homme dans la région du Sahara marocain tout en évitant les demandes pour une enquête parallèle dans l'enclave malmenée par le Polisario sous contrôle algérien. Les paroles de Bouteflika semblent également refléter la négation des violations des droits humains perpétrées contre sa propre population dans les villes et les villages de l'Algérie.

Les Marocains ont exprimé leur colère à travers le pays, face à ce discours, qui a suscité des protestations à Casablanca et ailleurs. Peut-être est-ce en partie pour calmer ces manifestations en sublimant les émotions des Marocains à travers une voix nationale que le Roi Mohammed VI a fait un discours hier en réponse aux déclarations du leader algérien.

Le monarque a affirmé l'engagement de son pays en faveur de « la coopération avec l’envoyé de l’ONU, et les pays amis pour définir une solution politique au conflit ». Il a évoqué les réussites, dont le royaume est fier : « consolider les droits civils et politiques et promouvoir une nouvelle génération de réalisations économiques, sociales culturelles et environnementales ». En se tournant vers le Sud, il a également rappelé à son auditoire l'engagement du Maroc à promouvoir le commerce, l'investissement et la culture de la modération et de la tolérance dans les pays africains subsahariens en difficulté. Il a également noté que certaines zones dont notamment le Mali, la région élargie du Sahel, et aussi des parties du Sahara dont l'Algérie assume la responsabilité « sont devenues un espace dédié aux groupes extrémistes et terroristes, au trafic de drogue et d’armes, et à la traite des êtres humains, avec des conséquences néfastes sur le développement et la stabilité de la région. « Ces extraits du discours ont servi à mettre en contexte une réponse aux déclarations faites par le président algérien Bouteflika. Le Maroc ne recevra pas de leçons martèle-il, « encore moins de ceux qui bafouent systématiquement les droits de l'homme».

Bientôt il y aura une nouvelle série d'efforts diplomatiques pour négocier une fin au conflit du Sahara. Les Marocains, dont moi-même, sommes convaincus que notre Roi nous représentera admirablement, avec compassion pour tous les Sahraouis, que ce soit au Maroc ou en Algérie. J'espère et je prie pour que le pouvoir algérien fasse de même.