« Il est nécessaire d’investir dans le développement vert »

Ghalia Mokhtari

Avocate et experte en énergies renouvelables

 

Elle est avocate et agit principalement pour le compte d’institutions financières et de sociétés dans le cadre de financement de projets d’infrastructures et d’énergie. Elle appelle aujourd’hui à une nouvelle marche verte. Détails de sa vision.

Entretien réalisé par Mounia kabiri Kettani.

 

L’Observateur du Maroc et d’Afrique: Quels enjeux du changement climatique à l’heure actuelle ?

Ghalia Mokhtari : Le changement climatique menace d’exacerber la pauvreté et de nuire à la croissance économique. C’est en ce sens qu’il pose fondamentalement un problème de développement. Mais, selon leur modèle de croissance et les investissements réalisés en vue de couvrir les besoins en énergie, en nourriture et en eau d’une population en croissance, les Etats vont soit aggraver les risques de changement climatique, soit, à l’inverse, contribuer à y remédier. Le Maroc, à travers diverses initiatives a exprimé son adhésion à cet esprit de mobilisation en faveur de la protection de l’environnement des conséquences du dérèglement climatique. La Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD) réfléchit à l’heure actuelle à un modèle pour le développement du Maroc sachant que tout modèle de développement a pour ultime finalité de réduire les injustices et d’améliorer la qualité de vie des populations. Prendre sérieusement conscience des conséquences du changement climatique et les intégrer dans la structuration de notre modèle de développement tend à atteindre cette même finalité.

Afin de pouvoir s’ériger en « modèle », vous préconisez le recours à un nouveau contrat vert. Plus de détails…

Il est indéniable que le Maroc doit placer la santé et l’éducation au cœur de ses politiques économiques et de développement. Mais, en plus, il faut prendre en considération les risques de dégradation environnementale que posent le changement climatique et son impact négatif sur le quotidien de la population. D’après l’Organisation des Nations Unies, le changement climatique pourrait laisser 140 millions de personnes sans abri dans les pays en développement d’ici 2050. Durant les deux prochaines décennies, on construira davantage d’infrastructures, plus que ce qui a été construit durant les six derniers siècles. Le Maroc n’échappera pas à ces grands changements. D’après les estimations de l’université de Stanford, le changement climatique entraînerait des pertes allant de 10% à 50% du PIB au Maroc d’ici 2100. Les choix de croissance durable requièrent des financements et supposeront, pour leur bonne mise en œuvre, des réformes législatives, voire constitutionnelles. Ils nécessiteront avant tout de l’adaptation. C’est inéluctable pour éviter le chaos. L’adaptation concernera plusieurs aspects, dont notamment l’daptation de nos us et habitudes alimentaires, l’adaptation de la réglementation liée au bâti, et l’adaptation comportementale à travers l’éducation. Aussi, en plus d’investir dans l’éducation, la santé et l’amélioration des services publics, il sera nécessaire d’investir massivement dans le développement d’infrastructures vertes et de projets de production d’énergie renouvelables.

Suite à votre expérience sur le terrain, comment réussir ce cap selon vous ?

En effet, les risques de remontée du niveau marin et de raréfaction des ressources en eau sont les conséquences probables des changements climatiques sur le Maroc. Par conséquent, les projets d’usines de dessalement d’eau de mer devront être privilégiés pour soutenir notamment le secteur agricole. Tout en limitant la pollution atmosphérique et ses effets nocifs, l’enjeu d’un contrat social vert est aussi de faire accéder les pauvres aux emplois et aux opportunités, en vue d’atteindre la finalité ultime de tout modèle de développement.