Le sarcasme au temps du Corona

Affronter sa peur et surmonter sa panique en tournant en dérision l’épidémie et son  virus, les Marocains semblent bien manier l’humour en temps de crise. Un signe de bonne santé « mentale » ou simple mécanisme de déni en face du danger ?

Trolls, blagues, caricatures, répliques tueuses, humour noir… Les Marocains, loin de céder à la psychose, s’attaquent à l’épidémie à leur manière: En la tournant en dérision. Mécanisme de dédramatisation, le sarcasme semble être le meilleur antidote contre le Coronavirus pour nos concitoyens. Un simple tour sur les réseaux sociaux le démontre et laisse perplexe quant à cette capacité étonnante de manier l’humour en temps de crise. Sans retenue, et sans se laisser freiner par les limites du « Politiquement correct », ils n’y vont  pas de main morte. Tous les moyens sont bons pour démonter la peur et pour railler le virus et son spectre menaçant. Efficace d’ailleurs, l’ironie aux arômes bien marocains dissèque le Coronavirus et l’offre, à la population des réseaux sociaux, dénué de son aura mortelle. Si les uns le montrent comme un minus devant le puissant héros le remède traditionnel à base de gingembre et d’huile d’olive à l’ail, les autres affirment être prêts à l’affronter en brandissant la fameuse « pommade jaune », remède miracle à tous les maux tandis que d’autres l’associent à une marque connue d’alcool en montrant un homme ivre comme premier cas déclaré.

Une fois le premier cas déclaré, malgré une certaine note d’inquiétude, le sarcasme redouble de virulence et prend les allures  d’une ironie plutôt  résignée. En effet, les trolls et les blagues  mettent en scène une population pas tout à confiante par rapport aux mesures de prévention instaurées et recommandées par les autorités sanitaires. Mieux encore, on brandit tel un épouvantail, cette immunité  légendaire du Marocain contre un virus aussi novice et inexpérimenté que le Corona. Mais la meilleure reste les tubes chantant le virus. Des chansons satiriques tournant l’épidémie en dérision. Humoristes, blogueurs, youtubeurs  et simples utilisateurs de réseaux sociaux… chacun y va de son grain pour « démystifier le virus » et le banaliser. Applications et Smartphones à l’appui, ils n’épargnent aucun moyen et redoublent d’ingéniosité pour venir à bout de cette peur qui pourrait effleurer les cœurs et ébranler cette foi et cette « certitude » que « ça n’arrive qu’aux autres » et que toute catastrophe est « passagère ». « La pensée des catastrophes globales donne fréquemment lieu à des sarcasmes, parce que l’existence présente du monde serait la preuve en chair et en os que les catastrophes ont été évitées ou que leurs effets n’ont été que très partiels. « Pas de quoi fouetter un chat », « balivernes de prêcheurs d’apocalypse », diront alors les soi-disant penseurs réalistes », explique Florent Bussy dans son livre « Penser nos catastrophes ». Grand Courage de la part de nos concitoyens ? Inconscience ou simple mécanisme de déni du danger afin de déjouer le sentiment de menace ? Dr Mohcine Benzakour, psychosociologue apporte, dans l’entretien ci-contre, des réponses à ces différentes interrogations.