Montagne. Encore plus d’écarts

L’Etat d’urgence sanitaire et la crise liée à la pandémie ont creusé davantage les écarts entre les zones citadines et les régions montagneuses dans notre pays. C’est ce que nous affirme Dr Mohamed Dich, coordinateur national de la Coalition civile pour la montagne.

Pauvreté, isolement et marginalisation socio-économique, au temps du Corona la situation dans les montagnes est encore pire. Dans un appel à la mobilisation, la Coalition civile pour la montagne réclame l’élaboration immédiate de formules de solidarité nationale durable basée essentiellement sur la justice territoriale. Evoquant les grands écarts socio-économiques entre les régions montagneuses et le reste du pays, le coordinateur déplore l’aggravation de la situation au temps du Coronavirus. « Nous déplorons le grand taux de déperdition scolaire dans les villages reculés et même dans les quartiers pauvres de certaines villes où les élèves, n’ayant pas les outils nécessaires pour un apprentissage à distance, sont privés de leur droit à la scolarisation », s’insurge Dich. Une situation qui remet à jour la grande problématique de la justice territoriale et sape l’égalité des chances pour les élèves des différentes régions.

Autre point crucial relevé par la coalition et toujours dans ce sens, l’affaire de l’hôpital de Ben Smim à Azrou. « C’est une grande bâtisse désaffectée qui a été cédée à un investisseur étranger dans la cadre de la vision touristique 2020, dans le but de le transformer en une institution hospitalière destinée au tourisme médical. Aujourd’hui encore ça reste parole sur papier. Aucune réalisation sur le terrain. Vu cette grave crise sanitaire, nous trouvons qu’il est temps d’activer les choses », insiste le coordinateur de la coalition. Cette dernière a d’ailleurs, à plusieurs reprises, alerté sur le grand besoin de structures hospitalières dans la région. « Il suffit de savoir que chaque malade de toute cette région montagneuse doit se rendre à l’hôpital universitaire de Fès sinon à Meknès pour recevoir les soins médicaux nécessaires. Avec la pandémie et la grande pression exercée sur les hôpitaux des deux villes, la réhabilitation et l’équipement de l’hôpital de Ben Smim devient une urgence », nous explique-t-on auprès de la coalition.

Sur un autre plan, Mohamed Dich note la situation socio-économique de la population gravement affectée par la pandémie et par l’arrêt des activités commerciales liées aux marchés ruraux et hebdomadaires. « Ces derniers constituaient une occasion de commercialisation de produits et une source de revenu aux agriculteurs et éleveurs de la région. Or aujourd’hui, tout est paralysé au grand dam des populations pauvres. Ces dernières sont également privées des guichets de proximité pour pouvoir bénéficier des aides offertes par le gouvernement dans cette lutte contre le Covid 19 », regrette-t-on à la coalition.

Pauvreté, isolement, manque ou absence de sources de revenu, situation socio-économique difficile… les localités et bourgades de l’Atlas et celles du Rif vivent retranchées en ratant encore et toujours le train du développement humain et économique. « C’est une affaire d’échec de politique publique incapable de prendre en considération la particularité de la situation dans les régions montagneuses de notre pays. Pour y remédier, il faut élaborer une stratégie de développement multidimensionnelle sans quoi les sources naturelles de la montagne disparaitront par abus, au plus tard, dans 30 ans. Mais bien avant, c’est la montagne qui sera désertée par sa population si rien n’est fait », alerte auparavant Mohamed Ousserghine, vice-coordinateur de la Coalition civile pour la montagne.

« Nous avons déjà destiné une requête au chef du gouvernement avec comme objectif principal l’élaboration de politiques publiques adaptées à la Montagne et à sa particularité, nous attendons toujours le retour mais ça ne nous empêche pas d’œuvrer et de creuser de nouvelles pistes pour faire adopter la loi de la montagne, notre grand combat. Cette dernière garantira en effet une meilleure justice territoriale tout en protégeant les sources de richesse en montagne », affirme de son côté le président de la Coalition qui mène aujourd’hui aux côtés des populations locales, un combat double : Contre la marginalisation et contre la pandémie.

Hayat Kamal Idrissi