La première pandémie du XXI ème siècle (suite)
Gen (ret) Dominique Trinquand a faitu00a0partie du groupe des conseillers du Pru00e9sident franu00e7ais Emmanuel Macron lors de la campagne pru00e9sidentielle.

 

Faisant suite aux épidémies de grippe (espagnol, asiatique, Hong Kong..) du XX ème siècle et Ebola en 2015, la pandémie COVID 19 est réellement la première du XXI siècle. Non pas tant par la crise sanitaire que parce qu’elle souligne les travers de ce siècle débutant : l’explosion des moyens de transport (en particulier aériens), la mise en scène médiatique, l’influence des réseaux sociaux et le refus de la mort. Ce ne sont donc pas seulement des traitements médicaux et un vaccin qu’il faut trouver mais surtout un antidote pour permettre à l’Homme de surmonter cette crise et d’en sortir plus fort.

Après la crise les avions revoleront, les réseaux sociaux et les media ne s’arrêteront pas. Dans la lutte engagée la science et la médecine sont évidemment importantes, mais comprenons que ce n’est là qu’un aspect du sujet. La crainte de la mort qui pourrait toucher toute l’humanité ne peut être vaincue que par des ressources internes à l’Homme, par sa capacité à relativiser et à se concentrer sur l’essentiel. De même que l’Homme est le vecteur de transmission du virus, c’est en lui qu’il doit trouver les ressources pour affronter la crise. Plusieurs semaines de confinement, nous rappellent deux évidences : la relation humaine est au cœur de la société et le travail est une nécessité économique bien sûr mais aussi sociale.

« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé », disait le poète. Que dire lorsque tous les êtres vous manquent ? Phénomène extraordinaire, alors que les réseaux sociaux tournent à plein régime, c’est la relation humaine directe, physique qui manque aux individualistes que nous sommes. Il n’est qu’à voir les sourires échangés entre inconnus lors de la promenade autorisée qui invitent à un échange même s’il est réduit au minimum. Paradoxe, cette proximité sociale artificiellement supplantée par les réseaux retrouve sa raison d’être alors que la distanciation sociale est imposée. Dramatiquement, dans les EPAD nos ainés meurent autant de solitude que du virus. L’Homme retrouve là ce qui est à l’origine de son développement si bien décrit par Yuval Noah Harari, la relation sociale. C’est peut-être le premier aspect positif qu’il faut retenir de cette période de confinement, ce retour aux sources. Nous avons besoin les uns des autres pour faire société.

Le travail sous toutes ses formes fait aussi partie de cette relation sociale, c’est un moteur qui nous pousse au dépassement et donne un rythme à la vie. Là aussi, quel bonheur de voir les sourires de ces ouvrières qui ne s’étaient pas vues depuis plusieurs semaines se retrouver pour produire ensemble et ainsi contribuer à la lutte par une œuvre commune. Les dirigeants aussi étaient là pour partager l’inquiétude de la reprise mais aussi la joie de contribuer à cette œuvre. Il est beaucoup question du télétravail et de nombreuses leçons seront à tirer de son utilisation extensive, mais outre le fait que celui-ci ne s’applique pas à tous les emplois, il ne remplacera jamais complètement la relation directe entre collaborateurs.

Comment un monde en plein développement, sûr de lui et de sa réussite peut-il en quelques semaines voir s’écrouler toutes ses certitudes et se reposer des questions fondamentales ? Il est probable que l’Homme n’était devenu qu’un objet et non le sujet autour duquel le monde devait se construire. Pour retrouver ce sujet, il convient probablement de reconsidérer tout son cheminement, de la naissance à la mort avec la totalité de son parcours fait de succès et d’échecs mais surtout de relations humaines. « …il n’est qu’un luxe véritable, c’est celui des relations humaines ». Ce luxe nous est vital. Méditons cette citation d’Antoine de Saint-Exupéry ou relisons Terre des hommes avant le 11 mai pour ne pas repartir comme si rien ne s’était passé.

Gen (ret) Dominique Trinquand