« Il est indispensable d’inclure les entreprises de propreté dans la liste des métiers dits essentiels ».
Amine Kabbaj, PDG JamainBaconn

ENTRETIEN

Même s’ils sont en première ligne dans la lutte anti-covid-19, leur métier est  souvent relégué au second plan. Pourtant, leur rôle est primordial pour combattre la pandémie. Ce sont eux qui se chargent d’assurer la décontamination des locaux et la désinfection des espaces les plus exposés au risque. Ils évoluent dans un secteur stratégique. Amine Kabbaj, le PDG du groupe JamainBaco explique comment le secteur participe à la lutte contre la pandémie. 

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : De nombreux secteurs ont été fortement impactés économiquement par la crise actuelle. Qu’en est-il de l’activité de la propreté ? 

Amine Kabbaj :Nous vivons une crise sanitaire et économique inédite. Pour freiner la prolifération du virus, notre gouvernement a dû prendre des mesures essentielles et salutaires, mais qui ne sont malheureusement pas sans répercussions sur notre activité, nos collaborateurs et leurs familles. Notre entreprise, bien que très fortement impliquée dans cette crise, a subi de plein fouet l’arrêt d’activité de nombreux clients, partiellement ou totalement.

Nous sommes dans un secteur où la masse salariale représente 85% du coût de revient de nos prestations, la suspension de tout contrat impacte donc très fortement nos résultats. Le surcroit de demandes en désinfection de locaux, qui est relativement temporaire, est très loin, malheureusement, de compenser cette perte de chiffre d’affaires.

Dans un contexte pareil avez-vous changé votre organisation pour vous adapter?

Nous avons eu à nous organiser afin de palier à certaines pénuries en produits et matériels d’hygiène. Pour cela, nous avons pris toutes les précautions en constituant des stocks et en revoyant l’organisation de toute notre chaine d’approvisionnement. Même si nous parvenons à résister, nous sommes aujourd’hui confrontés à plusieurs enjeux. Tout d’abord des enjeux sociaux, avec la mise en arrêt de travail de centaines de salariés. Ensuite, des enjeux d’approvisionnement, liés à la disruption des chaines logistiques internationales, mais pour lesquels nous avons pu trouver des solutions. Et enfin, des enjeux économiques, principalement liés à des questions de trésorerie. Plus que jamais, la problématique du recouvrement des factures est centrale. Sans l’appui de nos clients, nos partenaires financiers et administratifs, nous pouvons nous retrouver dans l’incapacité de payer des milliers de salaires et honorer nos engagements vis-à-vis du fisc et de la CNSS.

Trouvez-vous des arrangements avec les clients ?

Certains de nos clients font preuve d’une grande responsabilité par rapport à cela, d’autres malheureusement non. Nous sommes donc dans une situation inédite : contribuer à la mobilisation nationale, en répondant à l’urgence sanitaire et en même temps, faire face à l’arrêt d’activité de certains de nos clients et à des difficultés de recouvrement. Pour cela, il nous semble aujourd’hui indispensable d’inclure les entreprises de propreté dans la liste des métiers dits essentiels au maintien de la salubrité civique, afin qu’elles puissent également bénéficier en priorité des aides publiques, des moyens de protection et de transport pour ses salariés.

En tout cas, vous êtes en première ligne dans la lutte contre la pandémie du Coronavirus. Comment assurez-vous aujourd’hui cette mission sur le terrain ? 

Nous sommes une entreprise 100% marocaine qui a bâti sa réputation sur son savoir-faire technique, en termes de propreté et de nettoyage industriels. Nous avons été pionnier du nettoyage hospitalier à côté de feu P. Abderrahim Harouchi, lors de son passage au ministère de la santé entre 1992 et 1995. Il a été l’initiateur de la sous-traitance de l’hygiène des SEGMA à l’époque. Je tiens à rappeler, que dans le contexte actuel, les métiers de la propreté sont un maillon indispensable pour garantir l’hygiène de sites stratégiques actuellement en activité dans notre pays. Nous intervenons dans les secteurs qui sont en première ligne tels que les laboratoires pharmaceutiques, mais également dans le domaine agro-alimentaire (filières sucrière, laitière et dérivés etc…) et industriel (semi-conducteurs, automobile, aéronautique etc…), où l’ultra propreté est fortement demandée. Une partie importante de nos prestations se déroule également dans le réseau banques-assurances, en agences et aux sièges ainsi que dans les collectivités.

Avez-vous pris des mesures spéciales au moment du déclenchement de la pandémie?

Dès les premiers jours de la crise sanitaire, nous avons établi des règles strictes afin de nous conformer aux consignes des autorités publiques, dans le but d’assurer la sécurité de nos employés, de continuer à répondre à nos engagements auprès de nos clients et de contribuer ainsi à l’effort national. Nous accompagnons aujourd’hui nos clients dans la continuité et la reprise de leur activité pour leur permettre de travailler dans les meilleures conditions d’hygiène possible. Pour nous joindre à l’action collective et contribuer à l’effort national, nous avons créé l’opération Jamain Baco CH-Unis, à travers notre filiale Baconet, fabricant de produits de nettoyage professionnels. Ainsi, nous mettons à la disposition des établissements de santé CHU et CHR qui se trouvent en première ligne, une dotation mensuelle en eau de javel et en produits de nettoyage, afin de les aider à faire face aux besoins sanitaires les plus urgents.

Quels sont vos pronostics pour l'après crise ?

Nous pensons qu’il y a déjà une prise de conscience globale de l’importance des services et des solutions offertes par les entreprises de propreté. Nous avons pour ambition de continuer, malgré toutes les contraintes à venir, à aider nos clients à maintenir un niveau d’hygiène indispensable dans leurs locaux. J’espère que l’on reconnaîtra le rôle essentiel de ces milliers de femmes et d’hommes évoluant dans le secteur de l’hygiène et de la propreté, se révélant aujourd’hui indispensables pour notre pays, tant sanitairement qu’économiquement. En attendant, en tant qu’entreprise marocaine citoyenne, nous travaillons sans relâche pour relever ces défis qui sont les nôtres. Nous comptons sur la mobilisation et le soutien de nos clients, de nos partenaires financiers et des pouvoirs publics, avec la conviction que c’est main dans la main que nous dépasserons cette crise. Plus que jamais, notre responsabilité est de tenir ensemble, pour notre futur à tous, et celui de notre pays.