Transformer la crise du COVID 19 en opportunité ?
Gen (ret) Dominique Trinquand a faitu00a0partie du groupe des conseillers du Pru00e9sident franu00e7ais Emmanuel Macron lors de la campagne pru00e9sidentielle.

 

Par Dominique Trinquand

 

La pandémie du COVID 19 a ceci de particulier que pour la première fois une maladie touche en un court moment toute l’espèce humaine et que vaincre la pandémie devint un objectif commun pour la planète. Cela nous apprend au moins deux choses : l’explosion des échanges rend l’espèce humaine extrêmement vulnérable à la propagation de toute maladie et l’émotion qui en résulte est devenue insupportable pour l’Homme.

Beaucoup de beaux sentiments se sont exprimés ces dernières semaines, en prophétisant un monde qui ne serait plus comme avant, une planète qui devrait se réinventer… Essayons plus pragmatiquement d’analyser les opportunités que provoque le choc que nous subissons. Les échanges, la relativité et l’essentiel sont les points que je soulignerai.

Les échanges sont à l’origine de l’extension de l’épidémie pour devenir une pandémie. La mondialisation, sous la forme de voyages planétaires sans frein, devra inventer un autre modèle. Les voyages à bas coûts provocant le tourisme de masse ou autorisant trois rendez-vous d’affaires en une semaine sur trois continents devront être reconsidérés. Le contrôle dans les aéroports ne pourra plus seulement se concentrer sur la lutte antiterrorisme mais devra aussi s’intéresser à la santé et la propagation des maladies. Le tourisme de masse subira certainement un frein puissant et les rendez-vous d’affaires devront plus raisonnablement privilégier les contacts à distance pour ne plus accepter que des voyages d’approfondissement plus longs. L’industrie aéronautique a un grand chantier de transformation devant elle et le transport aérien devra profondément se modifier.

Sans sous-estimer les changements décrits ci-dessus, le partage des informations sera très certainement plus difficile à modifier. Relativiser les événements n’est pas au cœur des chaînes d’information en continue ni des réseaux sociaux. C’est aux utilisateurs d’être capables de faire preuve d’objectivité et d’avoir la capacité de se faire un jugement autonome en prenant le recul nécessaire. Dans ce domaine, un exemple exceptionnel nous est donné par les médecins. Alors que la parole leur est donnée à longueur de journées en quête de certitudes, très humblement, un grand nombre d’entre eux rappelle que la médecine n’est pas une science exacte et qu’ils ne savent pas ou pour le moins qu’ils ne savent pas tout. Quel contraste avec les réseaux sociaux où n’importe qui assène des certitudes ! Il n’y a que l’éducation qui puisse modifier l’attitude des utilisateurs des réseaux sociaux et les spectateurs des chaines d’information. L’éducation, qui est au cœur de la scolarité mais aussi des familles. Le confinement aura probablement rapproché les parents de l’éducation de leurs enfants. Le lien entre parents et enseignants doit s’en trouver bonifié. Ces échanges entre générations doivent permettre un retour à la discipline et au respect pour ne pas laisser les réseaux sociaux envahir la vie de jeunes esprits tellement sensibles au lot commun et leur offrir la chance de pouvoir développer leur personnalité.

Bernanos dans la France contre les robots  disait : « un esprit ne peut évidemment rester libre qu’au prix d’un effort continuel. Qui de nous peut se vanter de poursuivre cet effort jusqu’au bout ? »

Espérons que les semaines de confinement ne déboucheront pas sur un « bon débarras », mais sur une continuation des efforts engagés pour préparer une génération responsable.

Venons-en enfin à l’essentiel. Que deviendra la société post-confinement ?

Une seule grande leçon peut être retenue : la société est faite pour l’Homme et c’est lui qui la constitue. Aristote disait que « même s’ils n’ont pas besoin d’aide réciproque, les hommes aspirent à vivre ensemble », et d’ajouter : « le choix de la vie en commun, c’est l’amitié ». Le confinement nous a fait redécouvrir ce besoin d’amitié, encore faut-il ne pas le réduire à son environnement proche, mais l’étendre à toute la société. La période qui vient de s’écouler a mis en valeur ceux qu’on ne voyait pas. Les mots de remerciements envers les éboueurs, les sourires aux aides-soignantes et les applaudissements de 20H ne doivent pas être oubliés. La société est faite de tous ses constituants, qu’ils soient sous les projecteurs ou dans l’obscurité.

La leçon majeure de cette crise est que la société a pu se remettre totalement en question pour sauver des vies. Arrêter toute activité, au risque de casser un système dont l’objectif majeur était la croissance, démontre assez que notre organisation doit maintenant avoir pour horizon la survie de l’Homme. C’est dans cette perspective que nous devons nous placer pour faire en sorte que la société s’organise au profit de tous les Hommes. Le redressement sera difficile non seulement parce que notre mémoire est courte et que la facilité de revenir au système antérieur est tentante, mais aussi parce que l’effort doit être considérable et qu’il y aura des perdants. Mais écoutons Gandhi : « c’est dans l’effort que l’on trouve la satisfaction et non dans la réussite. »

L’humanité est-elle en péril avec la pandémie ? Peut-être ! Ce qui est certain c’est que cette crise nous offre l’opportunité de nous remettre en question. Ne laissons pas passer cette chance.

« Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer »  (Guillaume d’Orange)