Entretien : « La compréhension des besoins des futurs acquéreurs est la clé du succès de la relance de marché immobilier ».

William Simoncelli, expert en immobilier et directeur général d'une agence immobilière

 

L’immobilier est l’un des secteurs les plus impactés par la crise sanitaire liée au covid-19. Analyse du  directeur général du carré immobilier, William Simoncelli.

 

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : Quel impact de la pandémie du Coronavirus sur le secteur du conseil en immobilier d’entreprise au Maroc ?

William Simoncelli : Pour caractériser l’impact de cette crise du covid-19, je pense à deux mots forts « brusque » et « brutal ». Brusque car dès mi-mars, du jour au lendemain, la majeure partie des entreprises ont pris, par prudence et elles ont eu raison, la décision de mettre leurs collaborateurs en télétravail. Brutal car nous n’avons pas vécu un ralentissement mais un arrêt net de la majeure partie de nos activités. Cette crise sanitaire a engendré une baisse de plus de 80% de nos activités. Rencontrer nos clients, nous rendre sur les sites immobiliers ou encore effectuer des visites, cela n’est plus possible. Il faut comprendre que nos activités repose en grande partie sur la relation, avec nos clients, nos collaborateurs ou partenaires, mais aussi tous les acteurs de la chaine de création de valeur de l’immobilier, tels les notaires, les avocats, les administrations… Ce lien abimé, il nous est très difficile de travailler.

 

 Le digital peut-il amortir l’impact de la pandémie du coronavirus dans l’immobilier au Maroc ?

 Je pense que ce moment va agir comme un accélérateur pour la transformation digitale des entreprises et concernant l’immobilier, il y a de nombreux chantiers. Comme beaucoup d’entreprises, nous avons réagi très tôt en mettant nos équipes en télétravail dès le 16 mars, créant ainsi une distanciation nécessaire pour la préservation de la santé des collaborateurs. Puis rapidement, nous avons mis en place des outils digitaux tels la visio-conférence ou les visites virtuelles afin d’assurer une continuité de nos services. Néanmoins, bien qu’efficace au début de cette crise, ces outils digitaux ne se sont pas révélés comme une seule alternative peu suffisante à l’accomplissent de nos missions. En effet, après 3-4 semaines d’utilisation, nous constatons les limites de ces outils. Finalement, cette crise nous a permis de comprendre que ces outils digitaux accompagnent l’évolution de nos métiers mais ne remplacent pas leurs fondamentaux.

 

Quelles prévisions de recul pour ce mois de mars et avril? Et quelles leçons à tirer de cette crise pour le secteur?

Il est encore trop tôt pour chiffrer précisément l’impact de cette crise sur notre marché, surtout en l’absence de transactions, pour connaître la façon dont vont réagir les prix. Les prévisions sont à la fois moroses et pleines d’espoir. Il est fort probable qu’à la sortie de crise, les acquéreurs diffèrent leurs acquisitions ou revoient l’utilisation de leurs budgets du fait d’une baisse de leur pouvoir d’achat. Le risque est que l’achat immobilier ne soit plus une priorité. Cela nourrit une grande source d’inquiétude, c’est le risque de la double peine, un ralentissement des rythmes de vente puis une baisse des prix. C’est pourquoi, le moment est venu pour notre secteur de se réinventer et d’appréhender ce marché en étant plus à l’écoute du besoin. Oui, il y a une demande certaine d’environ 2 millions de logements sur le Royaume, mais a-t-on compris quel est le besoin ? Depuis une dizaine d’années, nous entendons parler d’inadéquation entre l’offre et la demande. La compréhension des besoins des futurs acquéreurs est la clé du succès de la relance de ce marché immobilier.

 

Quels scenarios envisagés pour l'après crise ?

 A ce stade de la crise et étant toujours confiné, tout est envisageable. Et puis, chaque type et standing d’immobilier aura sa propre réaction. Néanmoins, sur la base des grandes tendances, je pense que concernant l’immobilier d’entreprise, l’hypothèse la plus probable est un scénario en V, c’est-à-dire une chute puis une remontée rapide en relation avec la relance économique. Par contre, pour l’immobilier résidentiel, l’abondance de l’offre, pas toujours adaptée, aura un impact probablement négatif sur la reprise et prendra le chemin d’un scénario en L, c’est-à-dire une chute forte et maintient à un niveau plus faible qu’avant la crise. Une chose est certaine, nous traversons cette crise sanitaire de la meilleure des manières et nous devons tout tenter pour relancer notre marché.