Transport, la guerre interbranches se profile

Le transport touristique va mal. Pour relancer le secteur, les professionnels veulent l’obtention d’une autorisation exceptionnelle pour l’exercice de façon ponctuelle en tant que transporteurs de personnel et de voyageurs.

En attendant l’ouverture des frontières et l’arrivée de touristes, les transporteurs touristiques demandent une dérogation pour pouvoir transporter le personnel et les voyageurs. Alors que jusque là, ils n’en avaient pas le droit. Cette doléance crée de la panique chez les professionnels des branches concernées qui ne comptent pas partager leur « gagne-pain » avec les autres même à titre provisoire. «Nous sommes déjà en crise. Et l’activité tourne à 20% de sa capacité réelle. Seule 40% de la flotte est en circulation. Et nous sommes tenus de respecter les conditions de distanciation sociale donc le taux de remplissage ne doit pas dépasser les 50%. Nous roulons tout simplement à perte », nous confie l’un des acteurs du transport du personnel. Et il ajoute «au moment où nous cherchons des moyens pour s’en sortir et relancer notre activité, les transporteurs touristiques viennent demander cette autorisation qui va nous paralyser encore plus. Nous refusons catégoriquement cela et nous n’allons pas nous laisser faire ». Même son de cloche de la part des acteurs du secteur du transport interurbain, qui sont en arrêt total depuis le mois de mars sur décision administrative suite à la suspension des liaisons inter-villes. « C’est une demande aberrante et inacceptable de la part de la filière touristique. Notre branche est touchée déjà de plein fouet et nous n’avons aucune visibilité quant à la reprise de l’activité », s’insurge l’un des professionnels.

Une bouffée d’oxygène

Les transporteurs touristiques eux, ont un autre avis. Selon eux, l’absence de circuits touristiques suite à l’adoption de l’état d’urgence sanitaire dans le pays a impacté lourdement l’activité. Cette crise s’annonce durable et sans perspectives de reprise dans le court et moyen terme. «Demander une autorisation du genre est juste pour exercer de façon ponctuelle pour donner au secteur une bouffée d’oxygène en attendant l’ouverture des frontières », nous confie le dirigeant d’une société de transport touristique. « Sinon nous serons contraints de mettre la clé sous la porte et licencier notre personnel », prévient t-il. La guerre est donc déclarée !

Des pertes colossales

Selon les données de la fédération nationale de transport touristique, le secteur compte près de 1.450 entreprises  avec un total de véhicules en exploitation estimée à 9.165 à raison de huit véhicules en moyenne par entité. La valeur du parc global dépasse les 3 milliards dirhams et le chiffre d’affaires annuel avoisine les 2,5 MMDH.  Le nombre d’emplois directs  est de plus de 11.000.  Sur la base des données du HCP, la valeur ajoutée du transport aurait été impacté par la pandémie du covid-19 avec une perte de l’ordre de 0,7 point en termes de croissance durant le premier trimestre de l’année en cours.

Doléances de la FNTT…

Parallèlement à l’autorisation d’exercice provisoire dans le secteur de transport de personnel et de voyageurs, les transporteurs touristiques veulent une batterie de mesures d’urgence pour éviter la liquidation des PME-TPE et relancer l’activité sur des chapeaux de roue. La FNTT suggère ainsi la mise en place d’un véritable contrat progress à l’horizon 2025. Sur le plan bancaire, les opérateurs demandent outre une exemption des intérêts et loyers intercalaires au titre des engagements bancaires et de leasing, la mise en place de produits d’appui tenant compte des spécificités du secteur. Pour le volet fiscal, les acteurs du secteur proposent l’adoption d’un moratoire sur les prélèvements fiscales, parafiscales et sociales avec la conversion d’une partie des sommes dues à l’état en primes d’investissement et l’annulation du reliquat afin d’appuyer leurs capacités financières, le tout avec le recours à une fiscalité sectorielle incitative. Concernant la partie opérationnelle, la FNTT suggère de diminuer la mise en circulation des véhicules d’occasion de 5 à 3 ans à compter de l’année 2022, de fixer une nouvelle décision d’agrément de l’entreprise touristique de 7 à 10 ans, de créer un fonds de soutien pour la prime à la casse par exemple…

…et des transporteurs de voyageurs

De leur côté, les transporteurs interurbains ne veulent plus payer les prestations sociales jusqu’à fin décembre. Aussi, ils proposent la suspension des droits d’exploitation des agréments au profit des détenteurs durant toute la période d’arrêt d’activité. Autre réclamation capitale : la compensation du manque à gagner du à la limitation de la capacité de remplissage par l’Etat. Autrement l’Etat est appelée à payer les 50% de sièges vides. Jusque là, rien n’est encore décidé. Les différentes doléances sont envoyées à la fédération du transport de la CGEM qui se chargera de les présenter aux différentes parties concernées notamment le ministère de tutelle et le comité de veille économique pour approbation d’un plan de relance sectoriel. En attendant, chacune des branches d’activités campe sur ses positions et compte aller jusqu’au bout pour défendre les intérêts des acteurs !