Confinement. Grand danger pour les yeux

 

Alors que les Marocains entament leur dixième semaine de confinement, la question de la lumière bleue et les dangers qu’elle représente pour nos yeux refait surface du fait qu’elle est émise par les écrans omniprésents au quotidien. Ordinateurs, smartphones, tablettes, télévision ou consoles de jeux, nous sommes plus que jamais exposés, adultes et enfants, à ses méfaits. Comment se protéger contre ses effets néfastes ? Le port des lunettes anti lumière bleue est-il vraiment nécessaire ?  Eléments de réponse avec Lahcen Zafad, ophtalmologue et oculoplasticien.

 

Confinés chez eux pendant cette période de crise sanitaire, les Marocains n’ont eu d’autre choix que de passer la majorité de leur temps devant des écrans. Une grande partie de la population (âgés de 5 ans ou plus) s’est tournée vers la télévision, et a donc passé quotidiennement, selon les derniers rapports de Marocmétrie, presque 6 heures devant son petit écran, soit 2 heures de plus qu’avant le confinement.

Les personnes qui se sont retrouvées du jour au lendemain en mode télétravail, se sont retrouvées elles, scotchées pendant plus de 8 heures devant leur poste d’ordinateur. Pour leur part, les enfants ont été contraints à utiliser davantage leur ordinateur ou téléviseur pour suivre les cours à distance de l’école, et pendant leur temps libre, se sont rués sur leur tablettes ou consoles de jeux !

Lassés par le confinement, les ados regardent à longueur de journée un nombre infini de films sur leur PC, sans parler des nuits blanches qu’ils passent à visionner leurs séries préférées, dans un noir absolu.

L’utilisation accrue des écrans est dangereuse pour nos yeux

Cette surexposition aux écrans constitue un réel danger pour nos yeux, alerte les spécialistes qui tirent la sonnette d’alarme quant aux méfaits des lumières bleues sur la rétine et le cristallin.

« Qu’elle soit émise par la lumière naturelle du soleil ou par des sources lumineuses artificielles comme les ampoules LED ou écrans (tablettes, télévisions, ordinateurs, smartphones), la lumière bleue peut avoir des effets néfastes sur les yeux, notamment pour la rétine et le cristallin, et ce, à cause de sa forte énergie et la longueur de ses ondes bleu-violet », nous explique Lahcen Zafad, ophtalmologue et oculoplasticien. Pour la rétine, elle peut constituer un facteur de risque pour développer une dégénérescence maculaire lié à l’âge (DMLA), qui est une atteinte maculaire sur la partie centrale de la rétine. Certaines cellules rétiniennes qu’on appelle les photorécepteurs se retrouvent abîmées ainsi que les différentes couches de la rétine ce qui peut causer des problèmes des Scotomes (tâches) au niveau de la vision. Cette lumière peut donc être à l’origine de petites lésions discrètes qu’on observe au niveau de la partie centrale de la rétine.

Pour ce qui est du cristallin, elle peut être à l’origine de réactions chimiques, de modifications au niveau de la structure du cristallin et ça peut entrainer le développement de la cataracte, surtout chez les personnes âgées ou exposées à outrance aux écrans ».

La surexposition aux écrans peut également provoquer des brûlures, de la sécheresse et de la fatigue au niveau des yeux car, lorsque les gens abusent de leur ordinateur ou smartphone, ils ont tendance à ne pas cligner des yeux et à fixer l’écran, du coup, leurs yeux et leurs paupières sont écarquillées et au lieu de cligner normalement à un rythme de 17 fois/minute, ils clignent à peine 2 ou 3 fois.

Les gens qui abusent des écrans ont également la mauvaise manie de travailler sur leur lit et placent leur PC ou smartphone dans une mauvaise position par rapport au niveau des yeux, les appareils se retrouvent donc à une hauteur plus haute que celle des yeux, ce qui force ces derniers à rester ouverts et deviennent ainsi susceptibles à sécher plus rapidement et à engendrer des problèmes au niveau de la surface oculaire !

Quel est le « seuil de tolérabilité » à ne pas dépasser ?

 Généralement, il n’y a pas vraiment de consensus international quant aux nombres d’heures à respecter lorsqu’on est exposé à des écrans. Ceci étant, selon le Dr. Zafad, « les enfants âgés de moins de 7 ans ne doivent pas dépasser 1h/jour devant leurs écrans, ceux qui ont moins de 20 ans ne doivent pas aller au-delà de 2 h. Les personnes qui travaillent avec ne doivent pas dépasser 3 h/jour ». Or, on sait très bien que tout le monde dépasse largement ces nombres d’heures ! Et selon les statistiques des études internationales, un enfant de 7 ans passe presque une année de sa vie devant les écrans, -PC et smartphones confondus-, soit le 1/7e de sa vie !

 

Quels moyens pour se protéger ?

 

Tous les spécialistes s’accordent à dire qu’il faut impérativement réduire au maximum les nombres d’heures passées face à nos écrans et éviter l’exposition continue à la lumière bleue. « Les salariés qui ont recours au télétravail, doivent procéder par priorité et ne pas utiliser leur PC pour l’ensemble de leurs activités, précise Dr. Zafad. Certaines opérations peuvent s’effectuer à l’ancienne, comme écrire sur du papier par exemple ».

Le port des lunettes de protection anti-lumière bleue sont aussi préconisé. Il faut cependant opter pour des verres de qualité et demander conseil à son opticien. Ceci étant, « ces lunettes ne filtrent que quelques spectres de la lumière bleue, et donc, il y a une partie des ondes qui passe malgré tout et atteint la rétine, affirme Dr. Zafad. C’est une protection qui reste finalement relative et non totale contre la lumière bleue. Mais c’est le seul moyen de protection dont nous disposons en attendant une nouvelle génération d’écrans intégrant une protection anti-lumière bleue ».

Conscients que nous sommes arrivés au pic de l’exposition à cette lumière néfaste pendant ce confinement, les spécialistes insistent sur l’importance de reposer ses yeux.  « Pour ceux qui font du télétravail, il est impératif de s’accorder des pauses. Quelqu’un qui travaille régulièrement sur son PC doit normalement passer ¾ d’heure sur son PC et ¼ heure à faire une autre activité, loin des écrans, ce qui permet de réduire l’exposition à la lumière et fractionner cette exposition », prévient le Dr. Zafad.

Ceci bien entendu sans oublier que la vision de près demande une accommodation exagérée ce qui finit par fatiguer les muscles des yeux. Résultat : les gens se plaignent de maux de tête, ressentent des crampes au niveau de la région frontale de la tête, les yeux comment à rougir, à larmoyer et tiraillent un peu. Et tout ceci est en rapport avec une insuffisance de convergence. « Dans ma consultation, je suis amené à voir chaque jour, 3 ou 4 personnes qui se plaignent du fait qu’ils ne peuvent plus se mettre devant un écran vers midi, parce qu’ils n’arrivent plus à voir ni à distinguer les lignes. Ces dernières leur apparaissent entremêlées et ondulées. Les patients sautent ainsi les lignes, ce qui est le résultat d’une grosse fatigue. Lorsqu’on fait un bilan orthoptique, on remarque une forte insuffisance de convergence, et dans ce cas-là, on prescrit des lunettes et on les envoie chez l’orthoptiste pour démarrer des séances de rééducation pour retrouver la force de leurs muscles ». Tout cela ne peut bien sûr ne peut donner de résultat que « si la personne optimise ses nombres d’heures devant un écran de PC et essaie de fractionner le travail en faisant des breaks pour reposer ses yeux ».

Doit-on porter des lunettes dans la rue pour éviter de contracter le covid-19 ?

A la question s’il faut se protéger les yeux lorsqu’on se retrouve dans la rue, afin d’éviter de contracter le virus du covid-19, le Dr. Zafad précise que rien n’a été prouvé qu’on puisse choper le virus dans la rue par nos yeux.  « Le port de lunettes n’est obligatoire que lorsqu’on est en contact direct avec un porteur du virus, et qu’on se retrouve dans un espace où il y a une charge virale très importante, ce qui est le cas pour le personnel médical par exemple, car le virus peut pénétrer via la voie conjonctivale », conclut-il.