Point de vue. On a troqué une bête politique contre une…tout court
Saadeddine El Othmani, chef du PJD.

On savait le chef de gouvernement frileux, mais là, en plus, il fait peur par sa maladresse. Qu’est ce qu’il a dit déjà? Qu’il consulte les partis politiques pour élaborer une stratégie pour l’après 10 juin. Il y a de quoi se poser des questions.

D’abord, cela veut dire qu’il n’a encore aucune stratégie de déconfinement et de relance, à treize jours de cette date fatidique. Ce qui est déjà un gros problème. Et supposons que ces consultations ont lieu, à qui va-t-on reconnaître la paternité de la stratégie? Certainement pas au gouvernement seul. Et puis, s’il en est ainsi, la discussion au Parlement n’aurait plus aucune utilité. Or, la constitution permet au gouvernement de faire des choix et de les assumer.

Ensuite, un gouvernement est investi pour élaborer des politiques qu’il devra soumettre au parlement pour discussion et vote. Le chef de gouvernement dispose, grâce à sa large coalition, d’une majorité confortable pour faire passer ses décisions.

Enfin, on peut jeter un oeil sur les expériences des pays démocratiques où le gouvernement prend entièrement ses responsabilités et soumet ses projets au Parlement. On n’a jamais entendu parler de consultations avec les partis de l’opposition, par exemple. Le rôle de l’opposition n’est pas d’aider le gouvernement à élaborer de bons projets mais d’évaluer et contrôler ces derniers.

Du temps de Abdelilah Benkirane, qu’on soit avec ou contre lui, on avait affaire à une bête politique. L’ancien chef du gouvernement n’avait pas peur de choquer par ses déclarations et ses décisions. Mais avec El Othmani, on commence à comprendre qu’un chef de gouvernement peut paniquer à la moindre bourrasque médiatique, comme le débat sur la nécessité d’un gouvernement technocratique pour piloter la sortie de crise.

Si ça peut le rassurer, on peut lui rappeler qu’une décision aussi importante que le changement de gouvernement est une prérogative royale constitutionnelle. Ce n’est pas une affaire d’éditorialistes. 

Mais bon, c’est El Othmani. On savait bien qu’en l’investissant de cette mission, on n’allait pas décrocher le gros lot. Et au fait, il vient juste de démontrer qu’un gouvernement technocratique n’aurait pas perdu son temps en consultations inutiles. On comprend pourquoi il insiste pour faire précéder son nom de « Docteur ». Ça ne lui a rien rapporté mais si c’est pour l’égo, il n’y aucun mal. Il y aura certainement un avant et un après 10 juin, mais on se demande si on doit garder tout le monde.

Hakim Arif