Vidéo - McDomania : Un syndrome psychologique ?

 

 

Comment expliquer la récente ruée vers les McDo à Casablanca ou le rush sur les boutiques Zara à Paris ou à Tunis ? Réponses d’une psychologue.  

 Par Hayat Kamal Idrissi

 

Que ce soit à Ain Diab, à Mâarif, au Boulevard Ziraoui ou ailleurs, on a vu, vendredi dernier, des files d’attente à ne pas en finir devant les restaurants de McDonalds, mais pas seulement !

D’autres enseignes de fastfood ont été également toutes prises d’assaut le jour même de leur réouverture, après plus de deux mois de confinement.  Les images des foules s’agglomérant devant les portes, en l’attente d’être servies ont fait le tour du web.

Un comportement d’ailleurs incompréhensible pour de nombreux internautes. Perplexes,  ils n’ont pas hésité à juger et à stigmatiser les « adorateurs de hamburgers » incapables de se maitriser et de se retenir en attendant que la situation sanitaire se stabilise.

https://twitter.com/ImRaito/status/1266766844242903042

Attitude transitoire

Largement partagées, les images suscitent ironie et dérision. Pourtant d’après les psychologues, cette attitude reste assez « normale » vu les conditions actuelles. Loin d’être l’expression d’un véritable besoin ou d’une nécessité vitale, attendre patiemment pendant des heures, pour pouvoir déguster un simple hamburger, est significatif à plus d’un titre.

« C’est justement l’effet du déconfinement. Quelqu’un qui a été trop et pour longtemps dans les limites de son périmètre de confinement, une fois ces dernières éliminées ou assouplies, il va verser automatiquement dans le « sans limites » et dans l’excès », nous explique Dr Souad Dahani, psychologue clinicienne.

Un comportement qui, selon la spécialiste, ne sera pas pour autant durable ou installé à l’infini. Explication ? « C’est un comportement transitoire. Cette attitude extrême est en effet un passage nécessaire pour certains individus avant de retrouver l’équilibre naturel. On peut passer d’un extrême à l’autre avant de pouvoir regagner le juste milieu », analyse la psychologue.

Réapprendre à vivre normalement

 Un retour à la normale qui ne peut être établi qu’après une prise de conscience graduelle et progressive, comme l’affirme la spécialiste. Le contact avec « la réalité », le fait de réapprendre à vivre « librement » et sans limites, la réinstallation des anciennes habitudes et le fait de retrouver les repères antérieurs au confinement, sont autant de facteurs qui vont « rééquilibrer » les comportements. « Surtout ceux liés à la consommation.

C’est une question de temps » nous assure Dr Dahani. Ceci dit, la spécialiste insiste toutefois sur l’importance d’un véritable accompagnement pour un retour en douceur et sain à la vie « normale ».

« Les campagnes de sensibilisation sont vitales et essentielles pour que cette période transitoire se passe dans les meilleures conditions. Il faut absolument préparer psychologiquement les gens au déconfinement comme on a l’a déjà fait pour le confinement », insiste-t-elle. Si avant et pendant le confinement, les médias, l’Etat, le ministère de la santé, la société civile et l’OMS, ont joué un grand rôle dans la sensibilisation et la préparation des foules, il serait vital selon Dr Dahani, d’emprunter le même chemin pour en sortir.

 

L’autre extrême : les anxieux

«Comme il y a des gens qui seront tentés de trop sortir, trop consommer, il y aura ceux qui n’auront plus le courage de franchir leurs seuils tellement anxieux et inquiétés par le danger guettant dehors », note la psychologue. Une attitude remarquée et enregistrée non seulement ici mais ailleurs, dans des pays où le déconfinement n’a pas fait le bonheur de tout le monde.

« J’ai trop peur de sortir. L’idée de quitter la maison pour me rendre au bureau me donne des palpitations, j’en suffoque presque. Affronter la rue, la foule, se frotter au virus de près, la circulation… tout me fait peur. Je préfère nettement rester chez moi, travailler à distance en toute sécurité loin de tout risque », nous avoue, Amal, auditrice qualité dans un centre d’appel à Casablanca. Une attitude paranoïaque ? « Cette angoisse, cette anxiété par rapport au déconfinement peut être remarqués chez des gens qui se sentaient à l’abri du danger chez eux. Ils se sont habitués à la tranquillité et la rue représente désormais, pour eux, un  milieu anxiogène et phobogène », analyse la psy. Pour cette catégorie aussi, cette attitude peut être transitoire dans le processus d’adaptation au nouveau mode de vie.

Pour arriver à gérer cette situation exceptionnelle, la psychologue insiste sur la nécessité de se mettre volontairement dans la situation anxiogène. Traduction ? « Affronter sa peur en sortant, en se déconfinant progressivement. Braver son anxiété en réapprenant à vivre parmi la foule et à co-exister avec l’idée du virus. Ceci tout en se protégeant bien évidement », conseille la psy. Cette dernière insiste d’ailleurs sur l’accompagnement  de ces personnes et spécialement des enfants. Longtemps incités à respecter les restrictions du confinement, à ne pas sortir, à rester à l’abri, aujourd’hui de nombreux enfants ne ressentent plus le besoin d’aller dehors. « Ils ne réclament plus de sortir car l’idée du danger est incrustée dans leurs esprits. Maintenant les parents doivent la désincruster, les rassurer et les aider à réapprendre goût à sortir et à vivre normalement. Un processus progressif qui devrait les préparer à ressortir tout en respectant les règles de prévention », conseille Dr Souad Dahani.

Enfants ou adultes, tous, devraient se déconfiner psychiquement avant de le faire physiquement et de franchir le seuil de leurs abris. « Un nouveau défi à relever et une période transitoire nécessaire avant de retrouver un certain équilibre », conclut la psychologue.

 

LIRE AUSSI

https://lobservateur.info/societe/travailleuses-du-sexe-les-oubliees/