Covid-19 : Zoom avant sur le calvaire des photographes

 

 

La crise n’a pas épargné le secteur de la photographie. Intimement liée à l’événementiel, cette activité agonise.  Gros plan

 

Par Hayat Kamal Idrissi / Vidéo : Abdelhak Razek

 

Sidi Bernoussi, en cette fin d’après midi, ce laboratoire de photos vient juste d’accueillir son deuxième client… en toute une journée ! Après avoir pris son cliché, le photographe Abdellah Ouazzani, partage avec nous son dépit. « Depuis le 16 mars 2020, c’est la paralysie totale du secteur. Nous avons fermé nos laboratoires et depuis, nous vivons une crise suffocante », s’insurge, le photographe, en lorgnant la porte en quête d’un éventuel client.  Déçu, il ne cache pas son insatisfaction par rapport à l’effet  escompté de l’autorisation d’ouverture exceptionnelle accordée au secteur.

 

Stand by

 

« Même avec cette autorisation d’ouverture le 1 mai, pour servir les candidats au baccalauréat, ce n’était nullement suffisant. Actuellement, c’est comme si on n’a pas vraiment ouvert. Notre profession est très liée à l’événementiel, tant que ce secteur est en stand by, nous sommes également condamnés », résume Ouazzani. Vivoter avec des recettes ne dépassant pas les 40 ou 60 dhs par jour… Les photographes, qui ont l’habitude d’arrondir leur fin de mois avec la couverture photographique et audiovisuelle de fête de mariage, de baptêmes, circoncisions sans parler des événements professionnels, se retrouvent aujourd’hui pratiquement sans sources.

« Nous n’avons plus de vrai boulot. Juste des petits bricolages pour vivoter en attendant l’éclaircie. Plus de fêtes ni de cérémonies, les administrations fermées, les cartes nationales et les passeports… tout est à l’arrêt. Nous avons été profondément affectés. Nous n’avons plus aucune source de revenu », décrit de son côté Zakaria Kessam, propriétaire de laboratoire photos à Casablanca. « Même avec cette ouverture « partielle », il n’y pas de véritable demande à part les quelques clichés des candidats au baccalauréat, rien de consistant ! Nous avons juste ouvert pour la forme », regrette le Kessam. Pour lui, pire encore que la crise, c’est le fait d’être délaissés pendant qui rend la situation aussi insoutenable. « Nous n’avons bénéficié d’aucune aide, rien !  On a été livré à notre sort sans aucun soutien durant ces trois mois ! », s’insurge-t-il.

 

Revendications

 

Moral en berne, les photographes n’ont pas baissé les bras pour autant. En faisant une ronde auprès de certains laboratoires, Mohamed Mekouar, président de l’association des propriétaires de laboratoires de photographie, nous assure que  l’association a déjà adressé plusieurs lettres aux autorités concernées. « Nous constatons chaque jour l’ampleur de la crise et les lourdes retombées socioéconomiques du confinement sur le secteur et ses travailleurs. L’administration à l’arrêt, l’événementiel paralysé, le chiffre d’affaire est arrivé à des taux alarmants pour la majorité des photographes. Certains en sont arrivés au point qu’ils ne peuvent même pas couvrir leurs propres charges sans parler de celles de leurs entreprises », insiste le président.

 

 

 

« Nous dépendons fondamentalement du secteur de l’événementiel que ça soit les fêtes familiales, les conférences ou les séminaires. Tant que ce dernier est à l’arrêt, sa crise se reflète directement sur notre secteur et d’une manière frappante », explique-t-il avant d’ajouter. « En tant qu’association et représentant des photographes et des propriétaires de laboratoires, nous avons adressé différents courriers aux autorités concernées à savoir la commission de veille, le chef du gouvernement, le ministère de l’emploi, le ministère des finances, de l’Extérieur, celui de l’artisanat avec une liste de réclamations réalisables et surtout susceptibles de sauver le secteur de l’arrêt cardiaque ».

 

Crédit Oxygène

 

Des requêtes que Omar Imlil, le secrétaire général de l’association, résume en deux points essentiels : L’octroi de crédits à des taux revus à la baisse et l’exonération d’impôts. « C’est surtout le cumul de plusieurs problèmes qui a mis le secteur en cette impasse. C’est une profession qui n’a pas de véritable statut légal et manque d’organisation. Un état des lieux  qui a été mis à nu par la crise en aggravant encore son impact. Résultat : Beaucoup de laboratoires sont en train de faire faillite, après avoir cumulé charges et dettes durant ces derniers mois » analyse-t-il.

D’après Imlil, l’octroi de crédits sans conditions contraignantes, avec des taux d’intérêt revus à la baisse, peut vraiment sauver le secteur. « Les photographes ne peuvent supporter les taux pratiqués pour les crédits Oxygène et relance (4%). Nous réclamons que pour un montant de moins de 100.000 dhs, le crédit soit sans intérêts pour les professionnels du secteur. Une manière de les aider à décoller et préserver les emplois dans leurs entreprises », argumente le secrétaire général. Aussi, l’exonération des impôts de 2020 et le report de celles de 2019, sont-ils sur la liste des  requêtes vitales des photographes, « pour alimenter nos fonds de roulement et  redémarrer enfin notre activité » conclut Omar Imlil.

 

https://www.youtube.com/watch?v=tpWFqKNbqe0&feature=youtu.be