Prix du pain: le gouvernement dans le pétrin

« La seule politique vraie est celle de la vérité », c’est possible, sauf que la vérité des prix a un prix politique et social. Nous sommes face à un problème grave, celui de l’augmentation du prix du pain.

La « khobza » est très symbolique. A moins de revenir à une structuration urbaine antique où les familles préparaient leur pain, ce qui est impossible. La précarité rend impossible la liberté des prix sur le pain. Or, le problème est très simple. Les professionnels perdent l’argent. La structure des charges étant très claire, les boulangers sont déficitaires sur le produit de base. Le pain ne sert plus que de produit d’appel pour d’autres produits où ils ont des marges loin d’être bénéfiques. Les boulangers n’ont pas le droit, au nom de la loi, de procéder à des augmentations sauvages, sur un prix encadré. Aucun démocrate légaliste ne peut soutenir une telle démarche. Mais le gouvernement a lui-même créé la zizanie. Il y a eu d’abord l’histoire du lait. Boulife, alors en charge des Affaires générales et de la gouvernance, méconnaissant la réalité, les lois en vigueur, avait donné l’espoir du refus d’une augmentation des prix que les entreprises du secteur avaient adoptée. Les Marocains ont appris ensuite qu’il n’avait aucun pouvoir sur cette question. Le gouvernement est politiquement fautif. Il a lui-même accepté d’endosser toutes les hausses de prix. Or, les prix flambent, pour des raisons objectives, liées à l’intégration partielle de l’économie nationale au marché international. Le discours politicien du gouvernement, même populiste, est un frein au débat. L’Etat n’encadre les prix que de certains produits jugés essentiels. Sur le reste, il n’a aucune emprise. Sur les médicaments, il y a une véritable lutte entre le ministère de la Santé et les lobbys des industriels du secteur. Les chiffres sont implacables : le Maroc est plus cher que la France, elle-même rendant les médicaments plus chers que le reste de l’Europe. L’Exécutif fixe le prix du médicament. Il est donc en droit de se montrer exigeant. On ne peut que le soutenir. Mais on ne peut pas demander à une activité d’aller vers la faillite. C’est le cas des boulangeries. Il est clair que les mécanismes de la compensation ne suffisent plus pour maintenir les prix au niveau qui était le leur il y a vingt ans. En même temps, on comprend la gêne de l’Exécutif face à la demande de créer un nouveau poste de dépense au titre de la compensation. Les boulangers ont tort quand ils violent l’encadrement des prix. Benkirane doit trouver une solution qui ne peut-être qu’un soutien étatique, une augmentation des prix ou un mix entre les deux. Parce qu’il a trop tardé à prendre sa décision, parce que le pain est symbolique et parce que la stabilité en dépend, il doit réagir et vite.