Déconfinement : Pourquoi on va dévaliser les magasins

 

A la veille de leur déconfinement, des Marocains se préparent déjà au grand rush aux Malls et autres surfaces commerciales. Auto-récompense ou vengeance pour des mois de privation ? L’éclairage du psy.  

 

Par Hayat Kamal Idrissi                                                                                                          

 

« Dès jeudi, dès que je peux aller au Mall je vais dévaliser les boutiques de vêtements (rires). Ca me manque tellement le shopping, le plaisir de suivre les tendances et de porter de nouveaux habits. J’ai pris d’ailleurs du poids et mes anciens vêtements deviennent trop serrés », partage avec nous Amal, professeur de français. Pour Nabila, attachée de presse, c’est les produits de beauté qui l’emportent. « Pendant ces quatre mois, je me suis trop privée ! En plus du confinement, mes finances ont été également plombées vu l’arrêt total de tous types d’événements. Dès jeudi, je vais me faire plaisir et me venger : Rouges à lèvres, mascara, contouring, parfum…ah et des chaussures.  Une belle mise à jour est à l’horizon », rigole la jeune femme.

 

Rattraper le temps perdu

 

De son côté Oussama, ne rêve que d’une  seule chose : « Voyager partout où je peux. J’étouffais pendant tout ce temps. La nature, la route, les restaurants, les cafés,  les hôtels et les nouveaux visages… tout me manque », nous confie, la voix pétillante d’excitation, le jeune informaticien. Avec un sourire complice, il nous souffle son petit secret : «Le confinement m’a aidé à épargner une belle somme. En télétravail, je ne dépensais plus d’argent en sorties et en shopping. Du coup, je me récompense après toute cette abstinence, en m’achetant la moto dont je rêvais il y a longtemps. La vie est courte ! », ajoute Oussama avec un clin d’œil.

Résumant l’état d’esprit de nombreux Marocains au bout de trois mois de confinement, le jeune homme a tout dit. Bousculant les habitudes des consommateurs, le confinement a révélé certains traits cachés de leur personnalité. Si les uns sont portés sur une consommation compulsive et excessive, d’autres ont découvert les vertus de la « déconsommation ». « La privation, les moyens ostensiblement réduits, l’incertitude des lendemains et l’importance cruciale de l’épargne… sont autant de raisons qui m’ont fait comprendre combien j’étais dépensière. Aujourd’hui, trêve d’achats inutiles. Que les boutiques ouvrent ou non,  je me concentre dorénavant  sur l’essentiel », argumente Nadia, journaliste. Cette mère de deux enfants a découvert pour sa part l’importance de la frugalité pour survivre dans un monde peu sûr. « Cette pandémie a été une révélation pour moi », ajoute-t-elle, sereine.

 

 

Excès « normaux »

 

D’après les psychologues, ces attitudes restent assez « normales » vu les conditions actuelles. Loin d’être l’expression d’un véritable besoin ou d’une nécessité vitale, l’achat d’une robe ou d’une moto procure du plaisir : Une sensation un peu oubliée durant tous ces mois de privation et d’angoisse. « C’est justement l’effet du déconfinement. Quelqu’un qui a été trop et pour longtemps dans les limites, une fois ces dernières éliminées ou assouplies, il va verser automatiquement dans le « sans limites » et dans l’excès », nous explique Dr Souad Dahani, psychologue clinicienne.

Une attitude extrême qui est en effet un passage nécessaire pour certains individus avant de retrouver l’équilibre naturel. « On peut passer d’un extrême à l’autre avant de pouvoir regagner le juste milieu », analyse la psychologue. Frugalité ou surconsommation, ce comportement sera, selon la spécialiste, provisoire. « Ces attitudes ne seront pas pour autant durables ou installés à l’infini. Le temps et la réadaptation permettront une meilleure modération », analyse la psychologue.

Un retour à la normale qui ne peut être établi qu’après une prise de conscience graduelle et progressive, comme l’affirme la spécialiste. Le contact avec « la réalité », le fait de réapprendre à vivre « librement » et sans limites, la réinstallation des anciennes habitudes et le fait de retrouver les repères antérieurs au confinement, sont autant de facteurs qui vont « rééquilibrer » les comportements. « Surtout ceux liés à la consommation. C’est une question de temps » nous assure Dr Dahani.