Les Commerçants et artisans de Kénitra menacés de faillite

 

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Alors que le pays se déconfine progressivement et l’économie essaie de reprendre son souffle, le spectre de la faillite plane sur l’activité des commerçants et des artisans de Kénitra. Reportage

 

Par Hayat Kamal Idrissi / Vidéo Khalid Chouri

 

Samedi, Khebazate, le cœur battant de l’activité commerciale à Kénitra, est presque déserte. Des boutiques ouvertes certes mais point de clients. Des tenues et tissus traditionnels aux produits alimentaires à l’électroménager en passant par le prêt à porter… les clients ne se bousculent pas aux portes comme à l’accoutumée.

 

Entre le marteau et l’enclume

 

« Comme vous le constatez, pas de clients à l’horizon. La crise a été fatale pour le pouvoir d’achat du citoyen et par conséquent pour nos commerces », nous lance d’emblée Abdellah Idrissi, commerçant de tissus. Le verbe abattu, Abdellah nous énumère les grosses pertes causées par la crise liée au Covid-19. « Nos marchandises non commercialisées, et qui sont saisonnières, ont perdu leur valeur. Aujourd’hui même après la reprise et avec tous les efforts pour rester dans le coup, les clients ne suivent pas », ajoute pour sa part Khalil, jeune commerçant de tissus pour tenues traditionnelles. « Les fêtes et les mariages annulés, l’occasion de commercialiser nos produits s’envole. L’année est carrément perdue  surtout si l’on considère nos pertes pendant ramadan et Aid al Fitr. Nous sommes nombreux à nous retrouver  face au mur », nous explique Lahssen Gadiri, coutrier traditionnel.

Croulant sous les charges cumulées depuis 3 mois, les commerçants et les artisans de Khebazate vivent une crise étouffante. « Il y a des commerçants et des artisans qui sont menacés de faire faillite.  D’autres risquent d’être expulsés de leurs boutiques pour non payement de loyer. La situation est très critique », regrette Mina Alaoui, présidente  de l’Association des commerçants de Kénitra. De son côté Aziz Ellaoui, de l’Association « Anamile moubdiâa pour la couture traditionnelle», ne mâche pas ses mots pour dépeindre « les conditions catastrophiques » dans lesquelles vit actuellement le secteur.

 

Les fardeaux de la crise

 

« C’est aujourd’hui que commence la vraie crise pour nous.  La fermeture de nos ateliers et boutiques pendant cette longue période a épuisé nos épargnes. En rouvrant, nous étions surpris par les factures bien gonflées de loyers, d’impôts, d’eau et d’électricité sans parler de nos charges familiales et les frais de scolarité de nos enfants », explique le couturier.  De lourds engagements financiers qui viennent se rajouter aux chèques et aux créances des fournisseurs en aggravant davantage la situation déjà délicate, comme nous l’affirme Ahmed Ellaoui président de l’association.  « L’enjeu dépasse la continuité de nos entreprises. Des milliers de familles vivent de ces activités. Nos employés ne peuvent pas reprendre leur  travail car nous sommes incapables de les payer  », ajoute pour sa part Gnioui Mohamed, couturier employant auparavant 20 travailleurs.

 

 

 

Arrivés au bout du rouleau, les commerçants et les artisans de Khebazzate lance un appel de détresse. « Nous réclamons l’intervention de l’Etat pour encadrer cette période post-Corona, sous forme de soutien et d’accompagnement. Objectif : Préserver l’activité, protéger l’emploi et l’identité et la culture marocaine », réclame Ellaoui et ses collègues. « Si nous sommes livrés à notre sort, que l’on ne vient pas se lamenter demain si ce savoir faire ancestral disparait. C’est l’artisanat national qui est menacé au-delà de l’importance socio-économique du secteur », argumente Mostapha Fretssa, couturier pour femmes.

Ce dernier rappelle le rôle vital de l’artisanat national dans la stabilité socio-économique d’une large catégorie de la population. Aziz Ellaoui, pour sa part, nous affirme que des travailleurs ( metâalem ) ont déjà changé de profession en vendant des légumes ou en se convertissant en maçons journaliers dans les chantiers pour gagner leur vie. « Nous n’avons pas de quoi les payer pour les retenir », justifie, impuissant, Gnioui.

 

Doléances

 

Des pistes pour sortir de cette situation ? « L’Etat doit intervenir par la législation  pour bien gérer cette période transitoire. Afin de calmer les créanciers et nous donner du temps pour reprendre notre souffle et éviter la faillite pour un bon nombre », suggère le président d’Anamile Moubdiâa. Les artisans et les commerçants réclament également le report et la révision des impôts et l’octroi de crédits sans intérêts avec payement différé. « Nous réclamons que les Chambres de commerce, les ministères de tutelle s’acquittent de leur mission et accompagnent  les commerçants et les artisans dans cette crise. Les politiques publiques concernant ces deux secteurs doivent être revues en prenant en considération leurs difficultés, leurs besoins et surtout leur développement. C’est devenu une nécessité » conclut Mina Alaoui.