Catastrophe écologique. Le Viagra marin rapporte gros

 

Plus connu sous le nom de viagra marin, le concombre de mer attise l’appétit des braconniers au Sahara… Alerte sur une surexploitation sauvage qui menace tout un écosystème. 

 

Par Hayat Kamal Idrissi   

 

Après la baie de Dakhla, Mrissa de dar Bouazza, c’est au tour du port de Lâayoune de voir se développer la pêche abusive et le commerce illicite du concombre de mer. Aux aguets, l’Association Anafis, active dans la protection de l’environnement dans la région de Lâayoune, sonne l’alarme et met en garde contre une catastrophe écologique à grande échelle à cause du braconnage sauvage subi par cette espèce marine. 

 

 

«Le concombre de mer est un trésor national. C’est le poumon de la mer et  sa collecte est interdite par la loi au niveau mondial », nous explique Salek Kharraj, secrétaire général d’Anafis. Joint au téléphone, il ajoute « Cette espèce est réputée pour son rôle primordial dans la purification des eaux marines, dans la préservation de l’équilibre naturel des océans et dans la protection de la vie marine en général. La survie des autres espèces est tributaire de sa protection». D’ailleurs, le concombre de mer est aussi un agent écologique  très efficace dans l’assainissement des eaux de mer et leur purification suite aux fuites pétrolières des navires, souligne S. Kharraj. 

 

Economie locale menacée

 

Un rôle crucial que cette créature marine joue dans la protection de son environnement mais aussi de celui des autres espèces. Et en particulier les poissons constituant une véritable fortune pour les provinces du Sud. «Ce trafic illicite est d’autant plus dangereux car il nuit aux ressources halieutiques et à toute une économie locale qui en dépend à grande échelle», s’alarme le secrétaire général d’Anafis qui ne se contente pas de simples paroles. Elle passe à l’action en dénonçant ce braconnage auprès des autorités. «Nous avons déjà adressé plusieurs lettres aux responsables pour dénoncer ce trafic et appeler à son éradication… Nous attendons toujours des actions», ajoute-t-on auprès d'Anafis . 

 

 

Une interdiction de pêche et des appels de détresse à répétition qui ne semblent nullement inquiéter les braconniers et les pêcheurs travaillant pour leur compte, au port de Lâayoune et plus loin à la baie de Dakhla et même à Dar Bouaaza ; à quelques kilomètres de Casablanca. «Malheureusement, le port de Lâayoune constitue actuellement une cible privilégiée de ramassage abusif de holothurie qui est déjà menacée d’extinction. Derrière ce massacre, des propriétaires de barques de pêche artisanale avides de gains rapides. Ils s’y adonnent à fond sans aucun scrupule», lit-on dans l’une des lettres adressées par Anafis aux responsables locaux.

 

Trafic international 

 

D’après les membres de l’association sahraouie, les braconniers du concombre opèrent avec l’aide d’intermédiaires locaux. « Ils font appel aux services de plongeurs professionnels avec des équipements, interdits d’ailleurs dans la pêche, pour procéder à son ramassage excessif » affirme Salek Kharraj. On évoque des chiffres (approximatifs) qui avoisinent les 700 kg ou plus par jour. Des quantités qui peuvent être bien supérieures si l’on considère que le gros des opérations de collecte se fait dans le secret. Un véritable massacre qui rapporte gros. Un business sans grande peine où  tout le monde gagne sauf l’environnement.   

 

 

Appelé également holothurie, le concombre de mer n'est ni un légume ni un fruit de mer, c'est un animal marin. Prisé depuis des millénaires par les Chinois pour ses qualités curatives, nutritionnelles et aphrodisiaques, il compte une trentaine de variétés comestibles. Avec une apparence de concombre, il est toutefois plus gluant et  assez mou. Que ça soit à Laâyoune, à Dar Bouaaza ou à Dakhla, ce sont des clients chinois qui sont les plus demandeurs comme l’affirment les membres d’Anafis. «Le kilo peut couter jusqu’à 1000 dhs. Ce qui explique en partie cette grande ruée vers le littoral sahraoui», explique Kharraj. 

 

Dilemme 

 

Un trafic mondial dont les tentacules dépassent les frontières des plages du sud marocain. Le produit s’exporte mais ses bénéfices dépassent largement les miettes jetées aux petits pêcheurs et aux intermédiaires locaux», nous explique, avec amertume, ce pêcheur qui a préféré taire son nom ; mais qui réclame toutefois la légalisation de la collecte du concombre. Pour lui, c’est la seule manière de mettre fin à ce trafic et pour en faire profiter tout le monde.

Une revendication qui ne risque pas d’être satisfaite vu que l’espèce est protégée par des pactes mondiaux grâce à son caractère vital pour les ressources halieutiques et pour la vie marine en général. Une interdiction qui a pris effet depuis l’année 2000 et qui a en quelque sorte participé activement à la flambée des prix de ce puissant «Viagra marin» mais également au développement du braconnage et de tout un trafic tentaculaires à travers le monde. Si à Dakhla et à Mrissa de Casablanca les effets de la surexploitation sont de plus en plus en visibles, à Lâayoune le risque est grand et «avec cette cadence, on court vite à la catastrophe», met en garde Anafis.