CSMD : Vers un projet de modèle structurel axé sur la justice sociale
Confu00e9rence virtuelle de la CSMD

 

A cinq mois et quelques jours de la fin de ses travaux, la Commission spécial sur le modèle de développement (CSMD) est confiante. Cette entité consultative éphémère promet un document final reflétant les vraies attentes des Marocaines et des Marocains.

Par Mohammed Zainabi

 

Dans une conférence presse virtuelle de plus de trois heures, donnée ce mardi 14 juillet 2020, Chakib Benmoussa, Ghita Lahlou, Mohamed Fikrat, Mohamed Tozy, Larbi Jaïdi et Adnane Addioui ont fait le point sur l’état d’avancement des travaux de la CSMD.

«La commission a été certes privée des rencontres directes, de terrain, qu’elle avait programmées à cause de la crise sanitaire, mais a intensifié ses rencontres virtuelles», assure son président. Chakib Benmoussa a rappelé qu’en tout, 180 séances d’écoute ont été déjà organisées, que la parole a été donnée à 1200 personnes, que 6 mécanismes de concertation élargie ont permis notamment à des élèves et à des étudiants de s’exprimer et que pas moins de 6200 contributions ont été recueillies.

Il y a donc déjà de quoi se faire une idée sur les attentes des Marocains(es) quant au Maroc qu’ils veulent. En voici le résumé tel qu’il a été présenté par Chakib Benmoussa et complété par les autres membres de la commission qui étaient présents à la conférence virtuelle.

Le rétablissement de la confiance ressort en premier. Il est tout aussi dominant que la revendication de la justice sociale et territoriale, les Marocains voulant en finir avec la société marocaine qui est aujourd’hui polarisée. L’enseignement, l’emploi et la couverture sociale ressortent aussi comme principales attentes. Les Marocains espèrent aussi voir leur pays en finir avec les systèmes d’assistanat, consacrer l’équité et l’égalité des chance comme nouveau fondement de son développement, libérer les énergies des jeunes, respecter l’égalité hommes-femmes, valoriser l’esprit d’initiative, l’innovation et la créativité dans le monde de l’entreprise, comme celui des arts et de la culture. Le tout dans le strict respect des libertés individuelles et du droit de toutes et de tous à la participation politique.

La réhabilitation de la notion de bonne gouvernance et la moralisation de la vie publique s’imposent aussi, avec comme corollaires la reddition obligatoire des comptes, la lutte contre la rente et la corruption, l’élimination des conflits d’intérêt, la levée des barrières administratives et l’établissement de nouvelles règles de jeu respectant le mérite et la concurrence loyale.

A travers les attentes exprimées auprès de la CSMD, les Marocains se montrent conscients des enjeux climatiques et environnementaux. Ils sont notamment sensibles à la problématique de raréfaction des ressources hydriques qu’ils préconisent de préserver de la dilapidation. Ils sont aussi conscients de la nécessaire connexion entre le monde agricole et celui de l’entreprise au monde académique et celui de la recherche scientifique. Le Maroc qu’ils veulent est celui du savoir et de l’innovation.

C’est aussi sur ces facteurs clés qu’a insisté Mohamed Fikrat. Ce dernier a noté qu’au Maroc d’aujourd’hui, la croissance ne crée pas suffisamment d’emploi et participe aux inégalités sociales. Il a relevé aussi la persistance de poches de corruption et prévenu du danger qu’elles représentent. Fikrat a pointé aussi du doigt la faiblesse réglementaire dont pâtit le climat des affaires dans le pays, la domination de l’esprit rentier des investisseurs…

Parmi ses recommandations est d’asseoir dans le royaume une transformation structurelle qui serait stimulante pour la concurrence et facilitatrice des affaires. «La culture de la rente est contreproductive et nécessite un changement de mentalité», a-t-il insisté.

Dans ses préconisations libérales et libératrices, Fikrat n’a pas omis de préconiser, en même temps, le renforcement du rôle organisationnel de l’État de la vie socio-économique.

De son côté, Ghita Lahlou a axé son intervention sur le capital humain et son importance dans tout processus de développement. Elle a soulevé les problématiques, structurels, dont souffrent l’enseignement et la formation dans le pays. Là encore, il a été recommandé de mettre fin aux inégalités entre le privé et le public, mais aussi celles liées au genre et aux territoires. «Il faut aussi casser les murs entre le monde académique et celui de l’entreprise», a conclu Ghita Lahlou.

Le secteur de la santé a constitué l’autre volet de son intervention. Elle a recommandé de revoir les systèmes de couverture médicale, d’investir dans la Santé comme secteur porteur pour l’économie du pays, d’améliorer la qualité des soins…

Justice et solidarité sociales

Larbi Jaïdi, Adnane Addioui et Mohamed Tozy se sont complétés en insistant sur le changement de paradigmes sans lequel le développement ne serait pas possible. Tous ont rappelé les mêmes éléments de diagnostic pour mettre en exergue la nécessité d’une vision globale, intégrant l’ensemble des difficultés relevées pour être suffisamment intégrée et consensuelle, mais surtout opérationnelle. L’accent a été mis sur le monde rural et le secteur agricole, les jeunes dans l’esprit desquels la graine de l’entrepreneuriat doit être semée dès leur plus jeune âge, la complémentarité qui doit marquer l’action publique devant être obligatoirement ciblée, bien coordonnée et suivie. Ce sont autant de conditions nécessaires qui sortiront, certainement, dans le rapport final de la CSMD. Document qui tient compte de la mauvaise conjoncture de la crise pandémique, mais qui la transcende puisqu’il se veut un recueil de recommandations structurelles et structurantes pour le Maroc de 2030.