Affaire Sarah. Le pédophile cachait bien son jeu

 

Une énième affaire de pédophilie, une énième victime et un énième accusé qui, cette fois-ci, a la particularité de porter la casquette de défenseur des droits des enfants. Détails

 

Par Hayat Kamal Idrissi

 

Sarah a quinze ans. Elle vit avec sa mère à El Kliâa aux environs d’Agadir. Elle avait l’habitude de se rendre aux locaux de l’Organisation marocaine pour la protection de l’enfance pour bénéficier des services et des activités proposés aux enfants. Au début du confinement, la mère remarque des signes alarmants sur sa fille. Le doute la ronge et elle se rend avec Sarah dans un cabinet de gynécologie à Agadir, le 17 mars 2020. Le médecin confirme ses doutes : Sarah est enceinte de 3 mois.

 

Viol à répétition

 

« La mère était sous le choc et elle ne savait pas quoi faire. Elle nous a contacté à l’association « Femmes du Sud » et nous avons aussitôt déposé une plainte électronique sur la plate forme dédiée vu les conditions restrictives du confinement », nous explique Maître Lamiaa Faridi, l’avocate représentant Sarah dans cette affaire. Une procédure qui n’était pas assez réactive, selon l’avocate qui a opté finalement pour la méthode classique. « Nous avons déposé une plainte auprès du procureur le 16 juin 2020 pour viol de mineure  aboutissant à une grossesse. L’accusé n’est autre que le président de l’organisation », rajoute l’avocate.

Des accusations lourdes qui ont poussé d’ailleurs l’avocate et les assistantes sociales du centre d’écoute des femmes et des enfants victimes de violences, à interroger à plusieurs reprises l’adolescente. « Vu la situation très difficile de Sarah et la pression psychique qu’elle subissait au sein de sa famille, nous avons tout fait pour la rassurer et l’encourager à dire la vérité. Nous avons insisté sur l’importance de ne pas lancer des accusations non fondées contre le présumé coupable.  Elle était catégorique : C’était lui », déclare Maître Faridi. Enceinte aujourd’hui de 8 mois, la jeune fille affirme d’ailleurs lors des interrogatoires, qu’elle était victime d’un viol à répétition.

 

Protecteur prédateur

 

« D’après les témoignages de Sarah, il l’a même aidé à mentir à sa mère en prétendant que l’association organise une excursion, pour passer la nuit avec lui à Agadir », raconte Najia Adib, présidente de l’Association « Mat9iche wladi » et suivant de près cette affaire. « Les affaires de viol d’enfants  et d’abus sexuels sur des mineurs sont devenues légion. Ce qui fait mal encore plus au cœur concernant celle là, c’est que celui qui est présumé protéger les enfants devient le prédateur. C’est vraiment triste et inacceptable », s’insurge Adib.

 

 

Inacceptable et surtout alarmant. Cette affaire soulève en effet un tas d’interrogations quant aux critères d’autorisations accordées aux associations œuvrant auprès des enfants. Des organisations au rôle particulièrement délicat qui nécessitent un contrôle permanent et rapproché pour éviter toute dérive. « Il faut savoir qu’un pédophile fait toujours en sorte d’être en contact permanent avec les enfants. Il cherchera des lieux, des activités et des circonstances qui le rapprochent des enfants et de leurs familles. C’est là son terrain de chasse », met en garde Dr Mohcine Benzakour, psycho-sociologue.

 

Riposte de l’accusé

 

« Sarah est confiée actuellement à un centre d’accueil pour femmes en situation difficile pour l’éloigner des différentes pressions. L’accusé, lui, devrait être incarcérer suite à l’annulation par le tribunal de la décision du juge d’instruction de sa mise en liberté provisoire sous contrôle judiciaire », nous explique Lamiaa Faridi.

Pour sa part l’accusé, qui est toujours en liberté malgré cette décision, il réfute catégoriquement et en bloc ces accusations. Il a même réclamé des tests ADN, comme nous l’affirme l’avocate.  Dans des fichiers audios partagés sur les réseaux sociaux qui nous sont parvenus via l’avocate, le présumé coupable soutient que c’est une affaire montée de toutes pièces par ses ennemis et ses concurrents. Leur objectif ? « Le destituer de son poste de président de l’organisation ». Pire, il n’hésite pas à insulter et à humilier la jeune fille en la traitant de « rat d’égout dénué de toute grâce». « Si j’ai envie de violer, au moins je vais jeter mon dévolu sur une belle jeune fille et non pas un rat d’égout que je n’arbitrais même pas de la pluie… », « Ces actrices associatives qui la soutiennent ne sont que des « prostituées » que je vais malmener. Quant aux journalistes qui leur donnent la parole, je vais tous les poursuivre !»… Des propos menaçants pour intimider la victime et ceux qui la soutiennent, mais qui paradoxalement renforcent les doutes et l’incriminent davantage.

Pour rappel, début juin, le Réseau lddf-injad contre la violence basée sur le genre émet une alerte en fustigeant le taux de viol perpétrés contre les enfants pendant le confinement. Dans un communiqué, le réseau s’inquiète surtout par rapport aux crimes non dénoncés dans des régions où la loi du silence règne encore sur ce type de crimes. Appelant l’Etat à une prise en charge intégrale des victimes (Judiciairement, psychiquement et socialement ), Injad a condamné l’impunité et a appelé au renforcement des peines contre les violeurs d’enfants.