Harcèlement électronique. L’enfer a une issue

 

Et oui ! Si vous êtes victime de harcèlement téléphonique ou électronique et que l’on essaie de vous empoisonner la vie, rassurez-vous ! Vous n’êtes pas condamnés à subir impuissamment. Des issues à cet enfer existent heureusement…

Par Hayat Kamal Idrissi

 

Tout commence il y a un peu plus d’un an. Au début, c’était des appels anonymes, des appels silencieux… Je décoche et pas un son. Juste une respiration régulière. Désabusée, je ne répondais plus à aucun appel anonyme. C’est devenu d’ailleurs une résolution. Puis un numéro, ne le reconnaissant guère je ne répondais pas. Je suis devenue trop méfiante. Mais le numéro insistait. Vu ma profession (journaliste), j’ai cru à une urgence, ou un changement de numéro pour un contact. En décrochant, il se prononce sans se présenter… des propos disloqués, insensés et grivois… C’est ce à quoi j’ai eu droit en guise de réponse à mes tentatives d’identification de cette personne ou au moins de ses motivations. Je coupe aussitôt, mais mon harceleur n’est pas prêt de lâcher prise.

Les appels se multiplient, se répètent, n’arrêtent plus de jour ou de nuit. Impuissante, je condamne mon téléphone en le mettant tout le temps en mode avion ; alors que c’est mon numéro professionnel sur lequel  je suis joignable pour la plupart de mes contacts. Quand il m’arrive, de le remettre en mode normal, je suis envahie par une dizaine de messages m’informant que mon harceleur a tenté de m’appeler 20 à 30 fois au cours d’une journée… Aujourd’hui au bout d’un an, je commence à m’inquiéter pour mes filles car il leur arrive de répondre à mon téléphone lorsque je suis occupée. J’ai sous-estimé son effet. Mais ce que mon harceleur me fait, commence  à m’empoisonne la vie. Je suis habitée par l’idée de démasquer son identité … C’est mon histoire avec le harcèlement téléphonique. L’absence de guillemets dans ce récit n’est pas un oubli car c’est ma propre histoire. Et c’est justement ce qui a motivé la production de cet article. Mais dans cette situation, je découvre que je ne suis pas la seule...

 

Vous n’êtes pas les seuls !

Après un appel à témoignage assez restreint, je découvre que le phénomène est tellement répandu et beaucoup de gens souffrent en silence. «En fait, j’ai fini par apprendre à cohabiter avec ça un certain moment. Durant deux ans, des appels anonymes ponctuaient ma journée mais surtout mes nuits. Parfois, elle garde le silence, d’autres elle m’insulte ou plus fascinant encore, essaie de sympathiser avec moi. J’ai jamais réussi à savoir qui était cette femme mais ce qui est sur c’est que c’est quelqu’un de malade et qui a beaucoup de patience. Ses appels m’ont couté une sérieuse relation amoureuse vu que ma compagne a commencé à avoir des doutes par rapport à ma pseudo-relation avec cette inconnue »,  nous raconte Jalal, 38 ans, fonctionnaire.

Incapable de supporter davantage cet incursion dans sa vie, il finit par changer de numéro. « Mais quelque chose me dit que mon calvaire reprendra aussitôt mon nouveau numéro trouvé. Elle ne manquera sans doute pas de moyens avec ces nouvelles applications telles number book et autres », s’inquiète-t-il.

 

Jouissance maladive

Par son témoignage, le jeune homme met en effet le doigt sur un point crucial qui donne au phénomène du harcèlement téléphonique une dimension encore plus importante et surtout inquiétante. Nullement nouveau comme phénomène, ce type de harcèlement existe bel et bien depuis longtemps. Mais la grande évolution technologique,  l’apparition de moyens de communication encore plus sophistiqués et la révolution des réseaux sociaux «favorisent en effet le grand développement  de ce type de phénomènes», comme l’affirme Daniel Corbel, psychologue. Pire encore, le phénomène fait une véritable mutation «technologique» en se déclinant sous de nouvelles et multiples formes dépassant les appels téléphoniques ou autre SMS.

Les messages écrits et audio en privé sur les réseaux sociaux, les vidéos, les images… les harceleurs redoublent d’ingéniosité pour trouver le bon canal et le moyen efficace de s’incruster dans la vie de leur victimes. Mais aussi pour frapper  là où ça fait le plus mal. « La jouissance de l’harceleur s’amplifie suivant le degré de souffrance de sa victime et, réseaux sociaux aidant, le nombre de like recueillis pour une vidéo, une photo ou une publication moquant un individu. Surtout dans le cas de cyber-violence en milieu scolaire ; là où le harcèlement traditionnel est transcendé au moyen des outils électroniques de communication entre adolescents», explique Corbel. Dans ce cas de figure, l’impact est encore plus lourd vu le jeune âge des victimes.

 

 

La loi vous protège

D’après Dr Youssef Rabhi, juriste spécialisé dans les crimes électroniques à caractère sexuel, la plupart des victimes ignorent  que la loi les protège. Et c’est ce qui les rend d’ailleurs encore plus vulnérable en face de leurs harceleurs. Selon Rabhi, une plainte auprès de la police peut déclencher une procédure susceptible de mettre fin à leur calvaire. « Ca peut même mettre « leur agresseur » derrière les barreaux pendant une période allant d’un à 5 ans » ajoute-t-il. « Il faut savoir que le harcèlement téléphonique et électronique est un délit puni par la loi. Par harcèlement, on désigne une attitude qui se caractérise par la répétition, par la fréquence d’actes, de comportements ou de propos tenus », détaille Rabhi.

Le harcèlement téléphonique consiste, en effet, à multiplier les appels contre la volonté de la personne appelée. Pareillement, le harcèlement par sms ou messages via réseaux sociaux, suppose l’envoi répété. Des actes perpétrés avec l’intention de nuire à l’état psychique ou physique  de la victime. En France, le fait d’appeler deux fois de suite une personne pour l’insulter ou la menacer est considéré comme du harcèlement téléphonique. Le harcèlement téléphonique concerne également les messages laissés sur le répondeur ou les appels muets.

 

Piéger les harceleurs

Les spécialistes conseillent d’ailleurs aux victimes de réunir le maximum de preuves avant d’aller voir la police. Ceci en enregistrant les appels malveillants  et en conservant une trace des messages. Les captures d’écran des SMS et autres messages laissés sur  Messenger sont aussi les bienvenues. Relever pour chaque appel, message vocal ou sms, le jour et l’heure (de manière précise) constitue également un bon départ pour constituer un dossier solide à soumettre à la police en cas de dépôt de plainte. « Ceci dit, une victime doit avant tout dépasser sa honte (injustifiée d’ailleurs) et ses craintes de ne pas être prise au sérieux pour franchir le pas et mettre fin à son calvaire », insiste le psychologue.