En compagnie de Adel Imam

Chronique de Mokhtar Laghzioui

Al Ahdath Al Maghribia

Quand tu te mets à table avec un homme qui s’appelle Adel Imam, tu penses aussitôt à son long parcours. Ce faisant, tu éprouves tout le mal du monde à réprimer ton sourire, même en l’absence absolue de toute parole drôle. Tu es pris par le souvenir du meilleur de ce qu’il a donné à voir, de l’excellente « Madrassat Al Mouchaghibine » au « Zaïm », en passant par ses autres grands succès. En ton fort intérieur, tu te dis, en guise de rappel et d’appel à l’éveil, que tu es en présence, pour de vrai, de celui pour qui tu avais fait le déplacement jusqu’en Egypte et marché longuement jusqu’au théâtre « Al Haram » pour payer les 100 Livres égyptiennes dont tu disposais dans le seul but de savourer les trois heures de profond et de bon rire que seul cet artiste est capable de provoquer. Tu remercies alors Marrakech et tu remercies l’homme qui a permis cette rencontre. Tu te félicites des petits moments passés dans cette même rencontre aux côtés des autres grands : Izzat Al Alaili, Youssra et Ines Dridi. Initialement, tout était préparé pour que le rendez-vous ait lieu exclusivement avec le grand Adel Imam. Mais le hasard a voulu que cela devienne une rencontre ouverte avec les acteurs égyptiens venus au Festival de Marrakech.

Une rencontre au cours de laquelle tout le monde a parlé avec la plus grande liberté, impossible à trouver dans un rendez-vous ordinaire de presse. C’était une rencontre pour l’Histoire. Nour, comme l’appellent les Egyptiens, était là aussi. Celui-là même qui suscite tout le respect de son entourage et de tous ceux parmi les femmes et hommes du cinéma qui connaissent sa vraie valeur. Nour dont il s’agit est Noureddine Sail. Mais la vraie vedette de la rencontre était…L’Egypte. Les quatre grands n’ont discouru que sur leur pays. Ils ont dit toute leur tristesse. Ils ont dit leur chagrin. Ils ont aussi dit leur foi en leur patrie et leur espoir de la voir sortir de l’obscur tunnel où elle se trouve actuellement. En somme, ils ont surtout exprimé leur amour pour cet Egypte qu’ils ne quittent jamais par la pensée. Le long de la rencontre, qui a duré exactement 1 heure et demie, ces grands n’avaient parlé que de leur pays qui est pour eux le vrai capital qu’il ne faut jamais dilapider quoi qu’il en soit. La voix de Izzat Al Alaili emplissait les lieux et Adel Imam, avec sa façon si célèbre demandait en riant : « Houa fih ih ? » (Que se passe-t-il ?). Pendant ce temps, Youssra et Ines, donnaient, elles aussi, l’exemple de deux artistes qui se soucient pour leur pays plus que tout. Adel Imam avait lancé nombre de boutades, Ines aussi. Youssra, quant à elle, est revenue sur quelques étapes de son riche parcours. Izzat Al Alaili, lui, a crié vigoureusement sa vénération de l’Egypte au point que nous avions craint qu’il se fasse du mal.

Kadhafi s’était invité dans la discussion, tout comme Saddam Hussein. Le grand Moyen- Orient leur a emboîté le pas, avec le fameux chaos créateur. Puis, des histoires ont été contées sur ce qu’on veut pour l’Egypte et pour toute la région. Les quatre artistes n’ont pas manqué de rendre hommage à la princesse Lalla Meryem qui les a conviés au dîner princier à la veille de notre rencontre avec eux. Ils ont dit de belles choses à son égard. Ils se sont également dits émerveillés par ce pays ayant une famille royale qui connaît bien la valeur de l’art, respecte les artistes et les honore d’une manière continue. Par ses blagues, Adel Imam égayait à chaque fois l’atmosphère, surtout quand il lançait : « Abdelmajid !». Cette célèbre réplique faisait rire aux éclats le personnel de service qui savourait les blagues du grand comédien. Celui-ci improvisait à la fois avec simplicité et grand art. Le dîner touchait à sa fin. Le grand Adel Imam a décliné, avec une extrême politesse, notre demande de l’interviewer. Il nous a confiés qu’il ne voulait parler ni à la télévision, ni à la radio, ni à aucun journal.

Il nous a priés de l’en dispenser. Nous n’en lui avons pas tenu rigueur surtout quand il nous a accordés 1 heure et demie en sa compagnie. Son refus est compréhensible au vu de la situation qui prévaut encore en Egypte. L’artiste craint les lectures et les contre-lectures auxquelles peuvent donner lieu ses déclarations. Il affirme qu’il n’a pas besoin de cela, surtout en ce moment. Il s’est levé, après nous avoir salués, et nous a laissés en compagnie des autres grands. Izzat Al Alaili a accepté le jeu des questions–réponses. La silhouette d’Adel Imam s’éclipsait et les yeux la suivaient avec amour. Tout ce qu’on éprouve pour l’artiste s’écrivait devant nous, alors qu’il se dirigeait vers sa chambre dans le somptueux La Mamounia où il a passé sa dernière nuit avant de regagner l’Egypte, le lendemain à 10H, laissant derrière lui un merveilleux souvenir et beaucoup de choses à dire...