Rentrée scolaire : Colère contre la mauvaise foi du gouvernement

 

Les parents sont excédés par les décisions du gouvernement prises à des heures tardives les dimanches soir… Celle annoncée in extremis la veille de la rentrée scolaire a scandalisé les internautes et spécialement les Casablancais.

 

Par Hayat Kamal Idrissi

 

Quelques minutes après l’annonce de l’annulation de la rentrée scolaire et de l’enseignement en présentiel dans l’ensemble de la capitale économique, les réseaux sociaux se sont enflammés. Facebook, Twitter, Instagram, Whatsapp… La rage gronde. Le mur de Said Amzazi, ministre de l’éducation nationale  et porte parole du gouvernement, explose sous le flux impressionnant des réactions de citoyens et de followers choqués.

Colère

« Et vous annoncez ça à 22h30 la veille de la rentrée scolaire !!! C’est irresponsable. Vous avez bien manigancé votre coup ! Vous avez attendu que l’on paye les écoles, les inscriptions et que l’on achète les fournitures scolaires pour nous dire que finalement y aura pas d’école effective. Merci ! » s’insurge un follower en réaction au post du ministre. Une colère qui s’est vite propagée en soulevant un mouvement de dénonciation de la mauvaise foi du gouvernement dans sa gestion de la rentrée scolaire pendant la crise sanitaire.

« Certes le contexte est exceptionnel et la crise sanitaire est en train d’empirer mais la mauvaise foi du gouvernement est certaine. Sinon comment expliquer le timing de cette décision à quelques heures seulement de l’ouverture des portes des écoles ? », analyse  Driss Mahboub, père de deux garçons et ingénieur en télécommunication.  Pour Zhor Chanaoui, « C’était clair dès le départ : La situation épidémique est grave et ne se prête nullement à favoriser tout type de rassemblement et encore moins d’enfants. Et pourtant vous avez fait semblant de préparer une rentrée scolaire. Pourquoi ne l’avoir pas reporté en attendant que la situation se stabilise ??? », écrit cette citoyenne sur le mur de Amzazi. De son côté  Mariem Ais, fustige : « Des décisions injustes et mal réfléchies aux dépends de l’intérêt des citoyens et de leurs enfants ! ».

 

 

Crise de confiance

Se sentant sacrifiés, des parents n’ont pas hésité à pointer du doigt le lobby des écoles privées. « On nous a mené en bateau le temps de remplir les poches des propriétaires des écoles privées et de liquider les fournitures scolaires. Puis on nous lance la veille, pas d’école en présentiel ! On nous sacrifie nous et nos enfants pour l’intérêt de quelques capitalistes », s’enrage Mohamed Maârouf, employé et père d’une fille.

Reconnaissant toutefois la gravité de l’heure, ces parents reprochent au gouvernement « les faux espoirs » qu’il a donné aux parents et surtout aux enfants. « Mes filles ont pleuré lorsque je leur ai dit qu’il n’y aura pas  d’école demain. Elles attendaient avec impatience ce jour pour renouer avec leur école, leurs camarades et pour retrouver une vie sociale normale. Elles sont terrassées et se réfugient depuis hier dans un mutisme accablant. J’en veux au gouvernement, j’en veux au Corona, j’en veux au monde entier », s’effondre Hanane Kamali, employée. Pour cette mère divorcée, l’enjeu est beaucoup plus grave : « Comment je vais faire pour assurer l’enseignement de mes deux filles alors que je dois aller travailler ? L’expérience du e-learning durant le confinement a été infernale et maintenant elle sera encore moins fructueuse car je ne serais pas là pour superviser », s’insurge dépassée Hanane.

Année blanche ?

Pour Nadia Tanji qui réagit sur le mur d’Amzazi, la mauvaise foi du gouvernement est claire. « Lorsqu’ils ont constaté que la majorité a opté pour le présentiel, ils se sont dérobés à leurs responsabilités et ont préféré les coller aux pauvres parents. Il fallait instaurer une année blanche tout simplement », indique l’internaute. Une année blanche, une réclamation qui revient d’ailleurs comme un leitmotiv sur les réseaux sociaux, comme une ultime solution au casse tête de l’enseignement au temps du Corona. Argumentaire avancé ? « Les parents doivent travailler et ne peuvent assurer l’enseignement de leurs enfants alors qu’ils payent les écoles pour ça ».

Une réclamation qui a été rejeté auparavant par Said Amzazi qui considère qu’une année blanche « serait beaucoup plus dangereuse » que les effets de la pandémie. Mais la colère grondante de la rue, le manque de visibilité, le sentiment d’insécurité et la crise de confiance ne représentent-ils pas une véritable menace pour la stabilité sociale ? « En ces « temps de bavette », Tu dors tranquille puis tu te réveille le  matin pour être choqué par une nouvelle décision du gouvernement annoncée tard le soir ; pour limiter tes libertés sans explications ni considération pour tes droits de citoyen. Le pire c’est que personne ne réagit : ni parlement, ni tribunal constitutionnel, ni associations de droits humains, ni le citoyen lui-même !!! J’annonce ici,  ma désobéissance civile individuelle contre toutes les décisions de El Othmani et de son gouvernement », annonce désabusé, ce matin, le chercheur en Droit et sciences politiques Abdellatif Agnouche sur sa page Facebook. Un simple début ?

L’avis du psy

Dr Mostafa Massid

« Cette décision a un sacré effet sur l'état psychique de l'enfant : Une grande déception et une frustration certaine qui risquent d'avoir des conséquences sur leur épanouissement ultérieur. Toutefois, essayer de les protéger désespérément contre ce ressenti négatif n’est pas sain sur le long terme. A un moment ou à un autre, les enfants devront faire face à des situations difficiles, à la souffrance ou à la frustration. Le fait de les en protéger ne fera que compliquer davantage leur vie d'adulte. Pas la peine d’essayer de leur épargner des émotions négatives,  mais plutôt leur apprendre à les gérer de façon adéquate lorsqu’elles surgissent en eux. Les enfants ont besoin d’apprendre à lutter contre les émotions négatives d’une façon saine tout en s’adaptant aux situations frustrantes. Etre privés de leur école, de la possibilité de rencontrer leurs camarades, de la sociabilité offerte dans ce cadre familier  est une épreuve à surmonter. Les parents ont un rôle à jouer dans ce contexte particulier ! »