Dossier. Quel châtiment pour les pédophiles ?

 

 

Castration chimique, perpétuité, prison pour une longue durée ou carrément la peine de mort… Quel est le châtiment capable de mettre fin à la série noire des crimes sordides perpétrés par les pédophiles ?

 

Par Hayat Kamal Idrissi

 

La bête immonde a encore frappé. Adnane Bouchouf, 11 ans à peine, a été violé et tué  par un voisin, un prédateur sans pitié. Un nouveau drame et un énième crime qui se rajoute à tant d’autres alimentant des chroniques sordides d’une innocence bafouée. Une bien longue liste d’agressions et d’abus sexuels enregistrés au quotidien dans les quatre coins du pays contre des enfants sans défense.

Les quelques chiffres disponibles concernant ce phénomène font froid au dos. Plus de 935 agressions sexuelles ont été perpétrées sur des mineurs en 2015 selon un rapport de la Coalition contre les abus sexuels sur les enfants (COCASSE). Pire, ce rapport note une constante augmentation, d’au moins 31% annuellement, du nombre des abus enregistrés ces dernières années. Inquiétant ? Certes surtout si l’on apprend que 55% de ces abus ont eu lieu dans le milieu familial, là où l’enfant est censé être bien en sécurité ! Notons également cette prévalence masculine chez les victimes constituées en grande partie de garçons (635 en 2015 contre 300 filles).

 

 

Des chiffres inquiétants mais qui restent loin de la réalité étant donné qu’un bon nombre de cas n’est même pas déclaré auprès des autorités et autres composantes de la société civile, comme nous le confirme Najia Adib, présidente de l’association «Touche pas à mes enfants». Le poids de la honte et du déshonneur devient parfois plus pesant que le bien de l’enfant victime et l’atrocité du crime lui-même.

 

Peines peu sévères

 

«Les peines peu sévères prononcées à l’encontre des pédophiles participent largement à l’amplification du phénomène», s’insurge Najia Adib, avant de rajouter «Comment voulez-vous qu’un pédophile soit inquiété alors qu’il voit qu’un juge condamne un autre à un an de prison après avoir violé sauvagement un enfant ? Ce genre de peines est même encourageant pour ces prédateurs», matraque l’activiste.

La justice marocaine serait-elle trop tolérante avec les pédophiles ? D’après les associations de protection de l’enfance les peines dérisoires prononcées à leur encontre, auraient favorisé la prolifération de ces prédateurs. N’ayant de répit de dénoncer la «mollesse» de la justice marocaine par rapport aux pédophiles, Adib se joint aux nombreuses voix appelant à l’application des peines maximales. «Même pour les violeurs mineurs qui bénéficient souvent de circonstances atténuantes», explique, intransigeante, la militante associative.

Pour Souad Tiali, professeur universitaire, juriste et membre du bureau central de l’IPDF (Initiatives pour la protection des droits des femmes victimes de violence), la loi marocaine est nullement tolérante avec les abus sexuels sur mineurs et le viol d’enfants. « Au contraire la loi marocaine prévoit des peines sévères à l’encontre des pédophiles. Dans l’affaire de Al Hadi, le pédophile tueur de Taroudant la sentence de peine de mort a été prononcée vu la gravité des ces agissements. Il faut savoir que dans la loi marocaine, le fait que la victime soit un enfant est un facteur aggravant dans tout genre d’affaires», explique la juriste. Pour Maître Lamia Faridi du barreau d’Agadir, la loi marocaineest nullement tolérante avec les pédophiles. « Le problème réside dans son application. La peine de mort est prévue par l’article 474 du code pénal lorsque l'enlèvement est suivi de la mort du mineur mais c’est rare que cette sentence est prononcée». Si la loi marocaine est si « prévenante» avec les enfants, pourquoi se retrouve-t-on avec des peines «dérisoires » comme aime à les qualifier Najia Adib ?

Justice aveugle

«La plus grande problématique dans ce type d’affaire reste de prouver le crime. Il faut noter que la procédure judiciaire reste la même pour toute sorte de violence corporelle même si le viol est un crime spécial qui s’accomplit dans des conditions particulières et souvent loin des regards de tout témoin. En l’absence d’une section spécialisée et adaptée au niveau de la police judiciaire capable de prendre en charge ce genre d’affaires, les droits des victimes sont souvent bafoués», regrette la juriste.

 

 

Un état des lieux qui ne manque pas de révolter les associations de protection des enfants mais surtout les parents des victimes. «J’ai assisté à une scène déchirante au tribunal. Le père d’une fillette violée par l’ami de ce dernier a cédé à une grave crise  de démence. Il a menacé, les larmes aux yeux, de tuer le violeur de ses propres mains si le juge ne le condamne pas à une lourde peine », nous raconte ému, Dr Youssef Rabhi Belarbi, homme de loi et acteur associatif au mouvement Alternatives.  Se faire justice soi même lorsque les tribunaux ne donnent pas satisfaction aux âmes meurtries et assoiffées de revanche ?

 

Droit à la vie… du pédophile

 

«Nous ne voulons pas en arriver là. Des peines de longue durée de prison allant jusqu’à 30 ans de prison avec un accompagnement psychiatrique nous semble adéquates. Respectant l’humanité du «criminel» et la douleur des victimes et de leurs familles tout en faisant justice», rajoute Dr Rabhi Belarbi. Comme tous les défenseurs des droits humains, ce dernier insiste sur l’importance du respect du droit à la vie du pédophile malgré ses méfaits. Même son de cloche chez Souad Tiali : «C’est un être humain, un malade qu’il faut accompagner. Certes ses actes sont condamnables, mais ça n’empêche qu’il doit jouir de ses droits humains. Ni la castration chimique ni la peine de mort n’ont prouvé leurs efficacité pour limiter la nuisance pédophile», argumente la juriste.

 

Castrons-les !

 

Des arguments qui ne convainquent nullement les partisans de la castration chimique. « Ces individus ne respectent pas les droits des enfants. Ils détruisent leur vie. Ils ne méritent aucune amnistie. Seule la castration chimique est capable de les priver de « leur arme» et de les neutraliser», répond Adib qui insiste sur la privation de liberté en parallèle. «Sinon on se retrouvera avec des pervers frustrés qui trouveront une alternative dans le meurtre et autres dépravations», argumente-t-elle.

 

 

Lançant auparavant une pétition pour la castration chimique des pédophiles, l’association «Touche pas à mes enfants» passe à la vitesse supérieure. Trêve de simples réclamations, l’association fait recours à la constitution pour procéder à une refonte de la loi par la force de la volonté du peuple. «Cette pétition est notre moyen pour changer la situation, pour refouler les prédateurs et protéger nos enfants», commente la présidente. Aujourd’hui au lendemain de l’annonce de l’horrifiante nouvelle, une pétition est déjà lancée et largement partagée sur les réseaux sociaux pour collecter un million de signatures. Son objet ? Appliquer la peine de mort contre les pédophiles.

Tolérance Zéro

 

A travers les commentaires émus de citoyens profondément affectés par le sort tragique de Adnane, on peut découvrir l’ampleur du dépit et de la frustration de l’opinion publique par rapport aux sentences «légères». Aussi, détecte-t-on  ce sentiment d’insécurité et d’inquiétude de plus en plus profond chez les parents mais aussi chez les autres. «Je suis hantée par ce cauchemar: Ma fille de 7 ans violée par un pédophile. Je n’en dors plus la nuit. C’est une sorte d’épée de Damoclès pendant au dessus de ma tête : Je me sens menacée dans ma chair ! J’ai horriblement peur pour mes filles et ce sentiment d’insécurité ne fait que s’aggraver en voyant les cas enregistrés au quotidien», se livre cette mère de famille.

Pour les autres, la castration chimique reste insuffisante. Elle peut même être un motif de vengeance de la part des pédophiles qui passeront au meurtre pour compenser leur « perte». « La peine de mort «pour en finir une fois pour toute. Pas la peine de dépenser l’argent des contribuables pour ces monstres en les entretenant en prison », soutient Chaimaa Belarbi, l’une des signataires de la pétition. « Si nous n’avons pas les moyens de prévenir ces crimes, au moins ayons le courage de dissuader les criminels par la peine capitale » note maître Faridi en réponse aux rares voix appelant au respect du droit à la vie des pédophiles. De fortes gestations annonciatrices d’un  grand débat de société sur un sujet aussi délicat que douloureux. Une problématique qui au-delà du châtiment, devrait se pencher sur les origines de cette dépravation, les moyens de la prévenir et de la contenir (voir l’entretien).

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Avis du psy

Mohcine Benzakour, psycho-sociologue

« Isolons les pédophiles ! »

 

Des malades que l’on ne doit pas pénaliser mais qui sont à 100% responsables de leurs actes, les pédophiles doivent être isolés et pris en charge. C’est l’avis du psy.

 

Entretien réalisé par Hayat Kamal Idrissi