Amber Gallery Fine Art La vulgarisation de l’art par excellence

Entretien réalisé par kawtar firdaous

Inaugurée en 2011 à Mohammedia sur une superficie de 400 m2, Amber Gallery Fine Art est un magnifique espace dédié à l’art contemporain et aux arts plastiques. Son DG, Badr Fadli, fils d’un grand collectionneur d’art et professeur à la Faculté des sciences juridiques et économiques de Mohammedia considère l’art comme un « moyen de placement attirant et moderne ». Après avoir vécu 17 ans aux Usa où il a travaillé en tant qu’analyste financier et gérant de la galerie Le Château à Washington, il rentre au Maroc en 2009 pour ouvrir avec son père une galerie, un peu à l’image du modèle américain, « Aux Usa, il n’y a pas de ministère de la culture et pourtant, les galeries, les maisons d’enchères et les musées sont implantés un peu partout », nous confie t-il. L’objectif pour lui est de promouvoir l’art et la culture à tous les niveaux et proposer aux clients des œuvres diversifiées de grande qualité en se basant sur un partenariat et un réseau international, fondé sur

25 ans d’expérience. Une des plus belles réussites de la galerie, est sans doute l’expo inédite du peintre russe Alexei Butirskiy, grand maître du mouvement luministe.

L’Observateur du Maroc. Une galerie à Mohammedia, n’est ce pas un peu risqué ?

Badr Fadli. Ce choix n’a pas été facile surtout que la majorité des galeries sont concentrées sur Casa, Rabat et un peu Marrakech. Mon objectif est avant tout, de vulgariser l’art, un peu à l’image du modèle américain. C’est vrai, on a pris un risque, les gens sont surpris de voir une galerie dans une petite ville où il n’y a pas d’espace d’exposition, mais on est en train de construire tout doucement, une crédibilité. Notre galerie est jeune, elle n’a que 3 ans et ce n’est qu’en dépassant le cap des 5 ans qu’elle pourra atteindre sa maturité.

Comment arrivez-vous justement à vous faire connaître?

On a des clients locaux, nationaux et internationaux (Autriche, Hong Kong,…). Pour acquérir, échanger des peintures et faire connaître nos expositions, on a crée des réseaux et des partenariats avec plusieurs galeries internationales (Portugal : Galerie San Bento, Artelection, Antonio Prates et le Centre portugais de sérigraphie- Usa, Australie,…), ayant un style anglosaxon. Certaines de ces galeries m’intéressent parce qu’elles se chargent de vulgariser l’art au Maroc. Pour moi, l’art doit être accessible. Il faut acheter jeune et pas trop cher.

Comment rendez-vous l’art plus accessible ?

Pour vulgariser l’art, nous repérons de jeunes artistes émergents pour les faire connaître via notre galerie. Nous entreprenons également des actions de sensibilisation auprès des élèves d’écoles privées en organisant des visites à la galerie, des vernissages et en mettant en place des ateliers animés par des artistes (Bouchra Azhar, Zizi,…). Au Maroc, l’art est soit cher ou trop pauvre, il n’y a pas de juste milieu et les jeunes artistes sont souvent considérés comme des artistes du week-end.

Justement, comment choisissez-vous un artiste ?

Lorsqu’on choisit d’exposer un jeune artiste, on essaie d’orienter son style pour qu’il reflète le Maroc tel qu’il est, au-delà des clichés traditionnels. Les artistes -contemporains, ou figuratifs- sont souvent imprégnés par ce que font les autres et les étrangers ont souvent cette vision figée et traditionnaliste du Maroc. Or, notre pays n’est pas juste un pays de traditions, on est aussi un pays avec des mélanges. La représentation de la femme ne devrait pas se limiter à son image traditionnelle (foulard, teillère, ancien caftan,…), elle devrait la montrer aussi dans un environnement plus moderne (caftan et khmissa modernes, etc). Il faut oser choquer.

Est-ce facile pour vous d’être galeriste au Maroc ?

C’est difficile. C’est un marché émergent et très intéressant mais certains ont beaucoup plus de succès que d’autres. Et c’est dû à un manque de structures et de régulation. Les amateurs et collectionneurs d’art sont perdus. Il n’ya pas de normes pour les galeries au Maroc. N’importe qui peut prétendre être galeriste. À cause de la crise des faux, l’art a pris un sérieux coup. Les collectionneurs préfèrent acheter des artistes vivants plutôt que des morts. De plus, il n’y aucune réglementation concernant les experts qui se comptent sur les bouts des doigts, c’est secteur un peu hasardeux et il

suffit d’être dans le métier pendant 5 ou 10 ans pour prétendre devenir expert !

Quel est selon vous le profil type d’un galeriste ?

On ne devient pas galeriste du jour au lendemain, il faut connaître les artistes, les maisons d’enchères et bien se familiariser avec le milieu. Mon père par exemple a mis 30 ans à collectionner l’ensemble de ses œuvres. Il faut prendre des risques, il n’y a pas une seule galerie à Agadir, pourtant, c’est une grande ville. Il faudrait ouvrir des galeries partout: El Jadida, Khemissat, Tafilalet,…Une galerie qui marche bien, est une galerie qui, au-delà du chiffre d’affaires, arrive à proposer un art nouveau et réussit à l’imposer. Aux Usa par exemple, une galerie a exposé l’art Tifinagh de Hamid Kachmar, même si elle ne le connaissait pas ! Pour parvenir à imposer un artiste donné, il faut se démarquer des autres galeries et pouvoir se diversifier.

Est-ce plus une passion pour vous ou un business ?

On ne peut pas séparer les deux. Ça doit commencer par une passion. Prendre le risque à Mohammedia ne peut être qu’une passion. Mais pour que la passion dure et que l’aventure continue, il faut bien que le business marche.

Comment qualifiez-vous le marché de l’art au Maroc ?

C’est un marché très porteur mais il y a un vide juridique criant, que ça soit au niveau de l’authentification des œuvres ou au niveau du mécénat. De plus, vers la fin des années 90, le problème du faux avec les reproductions d’artistes comme Gharbaoui, Charkaoui, Kacimi ou même Zine lui a porté énormément de préjudice.

Comment justement lutter contre ce problème du faux ?

Nous proposons à nos clients un certificat d’authenticité sauf si ne sommes pas sûrs de l’origine de l’artiste. Pour chaque artiste vivant, nous exigeons sa signature et son empreinte. Ce n’est que de cette manière que les galeries pourraient gagner la confiance des clients. De plus, nous sommes transparents et tous nos prix sont affichés, ce qui n’est pas le cas ailleurs.