L’Islam tolère-t-il la pédophilie ?

 

 

La dernière sortie de Hassan Kettani à propos de l’affaire du fqih pédophile de Tanger,  prête à confusion ! Si le « savant » prétend défendre la réputation d’un « collègue », il véhicule en même temps, de fausses voire de dangereuses idées. Décryptage

 

Par Hayat Kamal Idrissi

 

« Selon la charia, l’adultère ne peut être établi que par quatre témoins dont les témoignages concordent, ou par aveu. Point final. Toute autre assertion est une diffamation dont l’auteur mérite 80 coups de fouets. Le but est de protéger l’intégrité des personnes et la propreté de la société » fin de citation. Pour ceux qui ne l’ont pas encore vu, c’est en effet le texte du post « controversé » de Hassan Kettani. Jugeant que l’acte de viol en série perpétré contre les fillettes de la commune de Melloussa, est un simple adultère, le prêcheur commet un grave amalgame. De victimes, il transforme ces filles en complices du criminel qui a d’ailleurs avoué les faits.

La controverse

« C’est aberrant et complètement dénué de bon sens. Ces enfants sont des victimes des actes odieux d’un pédophile. Elles ont subi ces agressions physiques, sexuelles et psychiques de la part de quelqu’un qui disposait d’un pouvoir certain sur elles … Comment peut-on parler d’adultère dans ce cas et entrainer l’islam dans un tel débat ?! », répond Dr Mustapha Bouhandi, chercheur et professeur de religions comparées. Pour Bouhandi, les déclarations de Kettani manquent profondément de fondements et risquent d’induire le récepteur lambda de ce message en erreur.

Peut-on croire à une banalisation de la pédophilie et du viol en général dans l’islam ? Sur la toile et les réseaux sociaux, un débat commence à prendre forme sur une certaine tolérance « religieuse » vis-à-vis de ce genre de pratiques. « A aucun moment, on ne parle dans la littérature religieuse du viol et de son interdiction que ça soit pour les femmes ou les enfants et même les hommes », écrit son mur Zouhair Cherradi, influenceur facebookien.

Trêve d’amalgame

« C’est faux ! L’enfant est sacré et toute atteinte à son intégrité physique et morale est absolument interdite. Les préceptes et les textes fondateurs de l’islam, comme ceux des autres religions,  interdisent tous types d’injustice », répond Bouhandi avant d’ajouter : « Le viol et la pédophilie sont de graves injustices envers les victimes. Beaucoup de textes et de versets coraniques le confirment. « Dieu vous ordonne d’être justes et bons, de prendre soin de vos proches et vous interdit l’immoralité, l’injustice et l’indécence », ce verset de sourat Annahl est l’un de la multitude de textes fondateurs proscrivant toutes formes de violence envers autrui, et envers les enfants en particulier », argumente le chercheur.

D’après Bouhandi, il faut éviter l’amalgame entre la religion, ses fondements et son interprétation et les comportements des religieux et des adeptes. L’exemple de Kettani qui considère le viol de mineurs comme adultère est éloquent. Pire encore il fait l’apologie du silence en menaçant les dénonciateurs de représailles.

Complicité sociale

« Si des récits historiques rapportent une certaine réalité d’une époque  précise  où des « musulmans » pratiquaient de la pédophilie et du viol contre leurs esclaves, ça ne veut pas dire que l’islam bénit ces pratiques ancrées socio-culturellement », ajoute le chercheur. Cependant il reconnait  la connivence sociale lorsqu’il s’agit de dénoncer et de mettre à nu les affaires de pédophilie.  Notons qu’au Maroc, on n’en est pas à la première affaire de Fqih violeur. Si la plupart passe sous silence, par peur du scandale et de la stigmatisation des victimes, ça n’empêche pas que le phénomène existe.

« Malgré la loi de l’omerta, ce phénomène existe bel et bien. Pire encore, c’est très répandu et partout dans le Maroc. Vu que personnellement je suis passé par plusieurs mssids et dans différentes régions du pays, je vous assure que son ampleur dépasse l’entendement. La loi de silence, le déni n’occulteront pas la triste réalité d’enfants abusés et détruits avec la complicité de la société », s’insurge Mohamed Abdelouahab Rafiqui en réaction à l’affaire du fqih de Tanger. Pointant du doigt une banalisation complice de la société, le chercheur en appelle à une analyse objective de la situation loin de toute instrumentalisation idéologique. « Trêve de calculs étroits ! C’est l’avenir de nos enfants qui est en jeu ! », conclut-il.