Amina Bouayach. « La peine de mort n’est pas dissuasive »

Choquée et attristée par la mort tragique du petit Adnane, la présidente du Conseil national des droits de l’Homme se penche sur les questions de la peine de mort et des agressions sexuelles au Maroc.

 

Attentif à l’actualité dans notre société, le CNDH a suivi avec intérêt le vif débat, dans l’espace public et sur les réseaux sociaux, à propos de la Peine de Mort et la question du viol et de la pédophilie.

Si les récentes affaires du petit Adnan  et de la petite Naïma ont poussé une bonne partie de des Marocains à réclamer la peine de mort pour les meurtriers, le CNDH lui, réitère sa position visant à l’abolir et appelle le gouvernement à voter la résolution du Moratoire contre celle-ci lors de l’Assemblée Générale de l’ONU en Décembre 2020 ; en mise en œuvre de l’Article 20 de la Constitution du Royaume.

Le CNDH rappelle que l’application de la Peine de Mort est anticonstitutionnelle et se réfère pour cela aux articles 20 et 22 de notre constitution qui stipulent que « Le droit à la vie est le droit premier de tout être humain. La loi protège ce droit » et qu’il « ne peut être porté atteinte à l'intégrité physique ou morale de quiconque, en quelque circonstance que ce soit et par quelque personne que ce soit, privée ou publique».

 

« L’application de la peine de mort est inefficace »

 

Pour Amina Bouayach, « la Peine de Mort n’a jamais eu d’effet dissuasif, et ne fait au contraire, que nourrir le cycle de violence dans lequel la société, qui a érigé la logique de vengeance comme cadre pénal, est piégée.

 

C’est donc la lutte contre l'impunité par un système judiciaire efficient et un code pénal adéquat où des peines proportionnelles sont appliquées de manière prévisible, qui aident à faire baisser le taux de criminalité, et non l'application de peines de manière aléatoire et sporadique.

 

« La peine de mort ne résout pas le problème du viol » !

 

Pour ce qui est du viol, Amina Bouayach rappelle que, « même si la Peine de Mort venait à être appliquée, cela ne réglerai en rien la problématique du viol et de la pédophilie au Maroc, car les dispositions légales y afférents, sont ambigües, confuses et non prévisibles, et l’application de la loi non-systématique ».

En effet, selon l’article 486, le code pénal ne définit le viol que dans le cas où «  un homme a des relations sexuelles avec une femme contre le gré de celle-ci. Tout autre cas de figure, qu’il s’agisse d’enfants mineurs des deux sexes, ou de viol d’un adulte de même sexe, est qualifié dans le code pénal marocain « d’attentat à la pudeur ». Considéré comme un délit quand il est commis sans violence, et donc passible d’une peine à la réclusion entre 2 à 5 ans et comme un crime lorsqu’il est commis avec violence, le terme « attentat à la pudeur » n’a aucune définition dans le code pénal.

Le CNDH précise Amina Bouayach, avait appelé, dans son mémorandum relatif à l'amendement de la loi 10-16 du Code pénal à modifier la définition du viol afin qu’elle puisse englober toutes les formes d’agression sexuelle, indépendamment du sexe de la victime, de celui du violeur, de leur relation ou de leur statut, ainsi que « d’alourdir les peines en cas de viol ou d’inceste, notamment lorsqu’il s’agit d’enfants mineurs ou incapables d’exprimer leur consentement, le but étant de mettre fin à l’ambiguïté et à l’impunité qui sont souvent associées à ces deux crimes ».

Et comme le terme « d’attentat à la pudeur » ne traduit pas la gravité du crime commis, et parce que la définition du viol est « trompeuse », il serait plus judicieux de substituer à ces deux  termes celui « d’agression sexuelle » englobant toutes les formes d’agression ou de violence à caractère sexuel, quelles qu’en soient les circonstances, « afin de permettre une protection optimale des victimes ».

Ceci traduirait un vrai changement de paradigme dans l’interprétation et  l’application de la Loi, lequel considérerait, justement, l’agression sexuelle comme une atteinte à l’intégrité physique et non comme une violation de l’ordre familial comme c’est le cas aujourd’hui, conclut Bouayach.

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