Trafic animalier. Attention au vol de chiens !

 

Phénomène en constante augmentation, le vol de chiens et de chats de race alimente un trafic animalier en forte expansion.

 

Par Hayat Kamal Idrissi

 

Samedi dernier, Hanane a emmené son chien pékinois faire un petit tour dans la forêt, aux environs de Skhirat. En allant explorer un petit buisson,  le chien disparait en quelques minutes. Sa propriétaire n’en revient pas. Avec l’aide d’amis ameutés par la disparition mystérieuse, Hanane cherche son chien partout… sans résultats. Des témoins lui assurent, par la suite, que ce dernier a été emporté dans une voiture, par trois jeunes hommes.

De son côté Adil, de Salé, est effondré. Son beau chiot Husky a été volé de sa terrasse. Enlevé à sa mère, le chiot a disparu. Pas de traces et aucune  nouvelle depuis son vol il y a quelques jours. Réda, lui, est toujours sous le choc. Une bande armée de sabres a débarqué un soir au hangar où, des jeunes du quartier à Agadir, gardaient leurs compagnons. Les malfrats menacent le gardien et enlèvent les douze chiens, tous de pure race, en laissant leurs propriétaires en émoi…

Trafic animalier

Ce sont des récits différents d’un même phénomène qui est en pleine expansion. « Nous sommes inondés par les alertes et les S.O.S de propriétaires désespérés ayant perdus leurs chiens ou leurs chats.  Nous recevons quotidiennement des demandes d’aide pour retrouver des compagnons perdus mais souvent volés », nous explique Hind Moustaghfir présidente de l’Association Comme chiens et chats. Sur la page facebook de l’association, les annonces et les alertes sont légion. Même constat sur les autres pages très suivies par les amateurs d’animaux : « S.O.S animaux Maroc », « Animaux perdus, trouvés et volés au Maroc », « Pet Friendly », « Pet alert Maroc »… autant de pages et de groupes qui croulent sous le nombre impressionnant de récits de vols de chiens et de chats.

« C’est un phénomène généralisé mais nous avons remarqué d’après nos propres statistiques que les vols de chiens sont concentrés sur la zone Harhoura, Skhirat et Temara. Le taux arrive à 50% des requêtes parvenues à la page. Nous suspectons là l’œuvre d’une bande locale spécialisée dans ce type de vol », analyse Moustaghfir. Cette dernière affirme toutefois que plusieurs grandes villes sont également touchées. Casablanca, Marrakech, Rabat, Tanger… les victimes se multiplient et sont un peu partout. Un trafic animalier juteux qui cible principalement les chiens et chats de race en faisant le bonheur des voleurs mais également des revendeurs.

 

Pistes

« Dès qu’un chien est déclaré perdu, nous conseillons aux propriétaires d’aller chercher à souk Koréa et souk Lâayoune à Casablanca,  A Bab Lhad à Rabat. C’est là où se tiennent les plus grands rassemblements des vendeurs et revendeurs d’animaux perdus et volés », note les administrateurs de la page Pet Alert Maroc. L’équipe de bénévoles d’«Animaux  perdus, trouvés et volés » a organisé un dimanche, une séance vidéo en direct de souk Koréa au profit de ses followers. « C’est le grand jour du souk. Cette vidéo en direct permettra, peut être, à ceux ayant perdu récemment leurs animaux de compagnie de les identifier » annoncent les bénévoles.

Après avoir volé un chien, il faut le « liquider » le plutôt possible sur le marché. « Les plus méfiants ne s’aventurent  guère dans les souks publics. Ils préfèrent des circuits plus safe », nous explique Moustaghfir. Ventes privées ou sur internet, les revendeurs d’animaux volés trouvent toujours un moyen et un circuit pour les revendre. « Ils les proposent en vente souvent sur avito. Nous conseillons d’ailleurs de consulter le site immédiatement après un vol du genre », expliquent les administrateurs de Pet Alert. Même conseil auprès de Comme chiens et chats. Après un tour sur le site et l’application avito, on fait deux constats : 1) une offre prolifique et variée avec des chiens racés assez chers dont le prix peut dépasser les 10.000 dhs  2) Des chiens tout mignons très séduisants assez âgés sans noms ! Leurs vendeurs assurent qu’ils sont « vaccinés mais n’ont pas de carnets » !!! Une chose assez suspecte qui laisse planer beaucoup de doutes quant à la provenance de ces animaux.

 

 

Espèces prisées

Très prisés, les espèces à la mode constituent d’ailleurs le plus gros de cette offre. Chiens loups, Staff, Rottweiler, malinois, pékinois, Bichon maltais… la liste s’allonge et le trafic s’avère assez juteux.  Générant une plus importante plus-value à la revente, ces chiens représentent en effet une véritable manne financière pour les voleurs. Si le chien est bien dressé, il coutera encore plus. « Dresser un chien en général et pour la chasse spécialement demande de l’argent, du temps et de la patience. D’où l’intérêt pour les voleurs de cibler des « chiens prêts à l’emploi ». Il y a une véritable demande pour cette offre là. Les voleurs l’ont bien compris d’ailleurs », nous explique Abdelali Kawkabi, dresseur professionnel de chiens, en décrivant un véritable trafic tentaculaire. Rappelons que le trafic animalier est un phénomène mondial. Il vient en troisième place après le trafic de drogues et d’armes. C’est dire toute son ampleur.

Traumatisme

Véritable traumatisme pour son maître, le vol d’un animal de compagnie pourrait être vécu comme un drame… pour les deux. « Dix jours après sa disparition, je n’arrive toujours pas à dormir. Je ne cesse de pleurer en traquant ses souvenirs partout dans la maison. La nuit, je n’arrive pas à dormir, Honey, mon chien, était toujours à mes côtés. Je me sens amputée d’une partie de moi. Je suis morte d’inquiétude pour sa sécurité. Je n’arrive toujours pas à me remettre du choc », se confie, le cœur brisé, Hanane. Pour Neil, son désarroi prend d’autres allures. « Deux semaines sont passées depuis ta disparition ma Lana, je n’arrive toujours pas à manger. J’ai perdu goût à tout… une grande partie de moi est restée à la forêt de Bouskoura, là où je t’ai perdu » écrit, ému,  le jeune homme sur le mur de « Comme chiens et chats » en implorant de l’aide pour retrouver sa chienne labrador.

Pour éviter de telles épreuves, Hind Moustaghfir et ses collègues sont intransigeants : « Il faut veiller à la sécurité de votre compagnon ! ». Comment donc ?  « Il faut lui implanter une puce électronique avec son numéro, le garder toujours en lesse lorsque vous êtes à l’extérieure. Et surtout le castrer s’il est un mâle et la stériliser si c’est une femelle. Les voleurs imprègnent leurs vêtements par l’odeur de chiennes ou de chattes en chaleur pour attirer les mâles. Même les plus difficiles, deviennent très dociles sous l’effet de cette odeur envoutante. Il faut aussi avoir le carnet de l’animal avec sa photo et ses vaccins. C’est la seule preuve qu’il vous appartient si vous voulez déposer plainte contre les voleurs.  Alors vigilance ! », conseille Moustaghfir. A bon entendeur !