ENTRETIEN: « Le Maroc sort gagnant du Mundialito »
Moncef El Yazghi, chercheur, spu00e9cialiste de la gouvernance sportive et auteur du livre La makhzanisation du sport au Maroc (2006).

L’Observateur du Maroc. Le Maroc pourra-t-il rentabiliser son gros investissement de départ pour cette compétition ?

Moncef El Yazghi. Il est trop tôt pour juger si le Maroc sort gagnant ou perdant de cette compétition sur le plan financier. Mais d’ores et déjà, on peut avancer que le pays sort gagnant de la tenue de la Coupe du monde des clubs. À chaque fois que le Maroc présentait sa candidature pour la Coupe du monde des nations, la FIFA lui reprochait son manque d’expérience dans l’organisation des événements du type Coupe du monde des moins de 20 ans ou des moins de 17 ans. La FIFA nous donnait les exemples des Emirats arabe unies ou du Qatar qui ont réussi à organiser ces compétitions avec succès, avant de se lancer dans des candidatures pour la compétition reine. Aujourd’hui, on a réussi à décrocher l’organisation du Mundialito, sauf que des voix se complaisent à critiquer ce choix, sous prétexte que c’est une opération financièrement peu rentable. Les gains ne sont pas toujours que comptables. Pouvoir déplacer autant de public dans les stades pour voir des stars internationales du ballon rond et créer une émulation autour de cette compétition sont autant d’indicateurs de réussite.

La visibilité et la notoriété de cette compétition ont-elles été exagérées par les officiels marocains ?

Encore une fois, je pense que le Maroc gagne beaucoup en organisant cette compétition. Le pays confirme son statut de pays stable dans une région du monde traversée par des turbulences politiques. C’est un gage de confiance pour les investisseurs étrangers. L’activité commerciale dans une ville comme Agadir a connu une croissance durant toute une semaine. Il en sera de même pour Marrakech. Maintenant, j’espère que les organisateurs se sont fixés un objectif de décollage économique, à travers l’allocation d’une bonne partie du budget à la réhabilitation des deux villes organisatrices. L’exemple de l’Espagne est éloquent en matière d’investissement dans le sport. Notre voisin a organisé la Coupe du monde des nations en 1982 pour donner l’image d’un pays qui sort d’une dictature pour aller vers une démocratie. Dix ans après, Barcelone organise les JO. Seuls 10% des investissements ont été alloués aux installations sportives, le reste a été affecté aux infrastructures routières et hôtelières et à la promotion de la destination catalane. Une décennie plus tard, les chiffres sont parlants, Barcelone a triplé le nombre d’arrivées touristiques. En organisant l’Euro 2012, l’Ukraine et la Pologne ont réussi le même pari économique. Si le Maroc inscrit les deux éditions de cette compétition dans une perspective de développement économique, il sera certainement gagnant.

Au sujet de la couverture médiatique de cette compétition, le département de la Jeunesse et des sports a parlé de 120 chaînes TV. Ce chiffre n’est-il pas exagéré ?

Les droit TV de cette compétition détenus par un certains nombre de diffuseurs posent certes un problème de diffusion à travers le monde. Mais n’oublions pas que grâce Al Jazeera english, l’événement s’assure une diffusion très large dans le monde. Prenons l’exemple du match entre le Bayern et les Chinois de Guangzhou, le public de deux équipes dans ces deux pays à forte démographie a pu découvrir notre pays à l’occasion du Mundialito.

Quels sont les points à améliorer pour l’édition 2014 ?

En deux mots, la communication et la coordination. Il faut tirer les leçons qui s’imposent de l’échec de la campagne de communication locale. C’était un fiasco. Elle a été lancée en retard et sans un vrai impact. De même pour la réunion de coordination présidée par le Chef du gouvernement, qui ne s’est tenue que le 31 octobre, soit un mois avant la compétition. Enfin, le manque de coordination entre les villes et les organisateurs était manifeste, c’est ce que nous apprend la sortie de Tarik Kabbaj, maire d’Agadir.