Méfiez-vous des boissons énergisantes !

 

 

Revigorantes, boosteuses, tonifiantes… C’est ainsi que les boissons énergisantes sont présentées dans les campagnes publicitaires. Mais derrière ces belles promesses de regain de tonus, se cachent des effets secondaires dangereux. Paroles de spécialistes !

 

Par Hayat Kamal Idrissi

 

Aux bureaux, dans les rangs des étudiants et des élèves, dans les bars et boites de nuit, les boissons énergisantes sont de plus en plus populaires. « Potion magique » aux prétendues vertus revigorantes, ces boissons servent à braver les coups de barre au travail, à l’école, à l’université ou lors de sorties festives.

Une réputation de boosteur qui en fait le succès auprès d’un grand nombre de consommateurs «constitués majoritairement de jeunes âgés entre 16 et 35 ans », nous explique Dr Khadija Bouasria, diététicienne.

Dangereux engouement

En vente libre dans les super marchés, chez l’épicier du quartier, dans les airs de repos, les coffee shop, les discothèques et même dans les salles de sport, plusieurs marques de boissons énergisantes se partagent le marché national. D’après les données de l'Association marocaine de la protection et d'orientation du consommateur (AMPOC) (datant de 2010) plus de 5 millions de canettes de boissons énergisantes sont commercialisées au Maroc, y compris celles issues de la contrebande.

C’est dire le succès de ces boissons qui, malgré leur grande consommation à l’échelle mondiale, n’ont jamais cessé de soulever la polémique ailleurs. « Le voisin français a longtemps résisté avant d’autoriser la commercialisation des boissons énergisantes en 2009 », note Dr Bouasria. De son côté, le gouvernement britannique projetait, en 2018, d’interdire leur commercialisation ; ceci en sachant que plusieurs distributeurs ont déjà proscrit leur vente aux enfants de moins de 16 ans.

Une forte réticence que la praticienne  explique par le danger que ces boissons représentent pour la santé humaine et spécialement pour celle des enfants. « Présentées le plus souvent comme « naturelles », ces boissons industrialisées contiennent des extraits de plantes tels le ginseng et le guarana. Ce dernier est réputé pour ses pouvoirs stimulateurs du corps et du cerveau », détaille Dr Bouassria.

 

Caféine et taurine, dose explosive

Mais ce n’est pas tout ! D’après Pr Houriya Mestaghanmi, chercheuse biologiste au Laboratoire de physiopathologie et génétique moléculaire à la Faculté des sciences Ben M’Sik, ces boissons sont loin d’être inoffensives. « S’ajoute à ses composantes, une quantité importante de caféine ( De 50 à 140 mg par 250 ml ) qui se retrouve doublement intégrée vu la présence du guarana », décortique la scientifique. Elle met d’ailleurs en garde contre la forte consommation de caféine susceptible d’augmenter la tension artérielle, de causer une grande irritabilité, d’entrainer des palpitations, l’agitation, l’anxiété, l’insomnie, l’irritation de l'estomac et la diarrhée.

Ayant déjà réalisé une enquête auprès de 600 personnes casablancaises durant quatre mois, l’équipe de Pr Mestaghanmi a exploré la fréquence de consommation des boissons énergisantes par rapport aux autres boissons, la fréquence de consommation par semaine en fonction de l’âge, du sexe et de l’indice de la masse corporelle avec la prévalence de l’obésité. L’étude s’est intéressée également aux motifs de leur consommation, les effets ressentis et leur association au tabac, à l’alcool, aux drogues et aux médicaments. « La taurine est un autre ingrédient controversé qui  s’ajoute à cette liste noire et qui peut être nocif pour la santé et spécialement pour les jeunes sujets », s’alarme la chercheuse. Acide aminé présent dans certains aliments, la taurine est utilisée à outrance dans les boissons énergisantes.

« A forte dose, la taurine peut perturber le fonctionnement de la glande thyroïde et engendrer de nombreux effets secondaires comme l'hyperactivité et certaines anomalies du comportement telles les crises psychotiques » note pour sa part Dr Bouasria. « Spécialement lorsque les boissons énergisantes sont prises en association avec des drogues et boissons alcooliques », revient-elle à la charge.

Liaisons dangereuses

Des affirmations inquiétantes surtout que bon nombre de consommateurs marocains s’adonnent à cette dangereuse combinaison à haut risque. D’après  l’étude menée par l’équipe « Nutrition, Métabolisme et Toxicologie » du Laboratoire de physiopathologie et génétique moléculaire de la Faculté des sciences Ben M’Sik, un grand pourcentage de consommateurs déclarent avoir consommé ces boissons en association avec du tabac, des drogues ou de l’alcool. « D’autres interviewés les consomment en association avec des médicaments : vitamine, minéraux, antalgiques ou psychotropes », ajoute Pr Mestaghanemi.

« Cette combinaison est d’autant plus dangereuse que l’effet excitant des boissons énergisantes vient inhiber l’effet détendant de l’alcool, d’où une surconsommation (plus que d’habitude) de ce dernier », insiste Bouaasria. Des propos qui sont confirmés par Mestaghanemi, qui elle, va plus loin en indiquant une forte relation de cause à effet entre la consommation des boissons énergisantes et l’alcoolisme.

Sachant que les boissons énergisantes sont sur-dosées en vitamines, spécialement le complexe B, on peut facilement imaginer les retombées de telles associations. D’après la chercheuse, dans certaines boissons disponibles sur le marché national, l'apport maximal tolérable par journée est dépassé de loin. Des propos qui laissent pensif par rapport à la commercialisation libre de substances contenant des composantes qui doivent être consommées, en principe, sur avis médical ou au moins sous surveillance.

Overdose de sucre

Même constat concernant le dosage en sucre. A force de vouloir « produire de l’effet » immédiatement, les producteurs n’ont pas la main légère sur le sucre. Pire, ils n’hésitent pas à dépasser leurs confrères les producteurs de boissons gazeuses pour titiller les goûts des consommateurs. Quoi de mieux que le goût sucré pour fidéliser ?

On retrouve ainsi de 7 à 9 morceaux de sucre par canette de 250 ml. « Cela représente plus de 160 calories. C’est une très grande quantité de sucre qui sera consommée d’une traite et qui pourra être doublée avec d’autres canettes ouvertes. surtout que de plus en plus de gens et spécialement d’enfants commencent à en boire comme alternative aux boissons gazeuses », analyse Bouasria.

Toute cette quantité de sucre n’est pas anodine. Toujours d’après la diététicienne, le risque de diabète s’en trouve largement augmenté sans parler de la prévalence à l’obésité. Des risques prouvés par l’étude menée par l’équipe de Hourya Mestaghanemi. Si les spécialistes estiment qu’une demi-cannette peut être tolérée par jour, ils ne cachent pas pour autant leur réticence par rapport à ce qui se passe réellement.

Présentées sous forme de cannettes non « refermables », le consommateur est encouragé à boire sa boisson en entier. Ceci s’il n’est pas tenté d’en reprendre plus ; surtout lors des périodes de grand stress (Examens pour les étudiants …) ou en milieu festif comme c’est le cas dans les discothèques où les boissons énergisantes viennent couper vodka et autre téquila.

Conseils

Tant d’effets secondaires qui devraient dissuader plus d’un de consommer cette « Potion magique » bourrée de danger et qui est pourtant commercialisée librement au Maroc. Dernier conseil toutefois aux consommateurs, par nos spécialistes : « Privilégiez les aliments naturels. Si vous êtes victimes d’un coup de barre, une collation riche en protéines et en sucres lents ou un bon jus regorgeant de bienfaits de chez la « mahlaba » du coin chargera bien vos batteries. Sinon un thé ou un simple café pourraient vous rouvrir vos yeux… sans courir pour autant de risques ! ». A bon entendeur !