Suicide / Covid-19 : Liaisons dangereuses

 

La nouvelle vague de contamination au Coronavirus sévissant au Japon, impacte lourdement la santé mentale des Japonais. Un inquiétant taux de suicide est enregistré actuellement. Si un reconfinement est toutefois instauré dans notre pays, serons-nous épargnés ?  

 

Par Hayat Kamal Idrissi

 

Le Japon fait face à la pandémie mais aussi à ses lourdes retombées psychiques. Le pays a en effet enregistré une hausse de 15 à 20% du taux de suicide par rapport à 2019 à la même période. Un phénomène qui se féminise vu la grande hausse ( 40%) enregistrés chez les femmes en général et 75% chez celles âgées de moins de 30 ans, comme le révèlent les dernières statistiques mensuelles japonaises.

Des résultats que les observateurs expliquent par l’aspect précaire des emplois occupés par les suicidées japonaises. Privées des allocations chômage à cause de leur statut professionnel, ces femmes ont été appauvries davantage suite à la propagation de la pandémie. D’après les données d’une association de prévention à Tokyo, le pays a déjà enregistré une telle vague de suicide suite à la catastrophe de Fukushima en 2011. Tenant le coup dans un premier temps, les japonais ont fini par céder. Six mois plus tard, le taux de suicide a fait un phénoménal bond qui a perduré dans le temps. « Ce phénomène inquiétant est en train de se reproduire... », assure-t-on auprès de cette association.

Entre la peur d’être contaminé par le virus, les freins culturels empêchant les japonais de parler de soi et la peur de la stigmatisation, les citoyens japonais préfèrent couver leur mal en silence loin de toute assistance. Une attitude qui aggravent la situation de nombreux dépressifs surtout parmi les rangs des jeunes et moins jeunes.

Au Maroc

Au Maroc, on est loin d’être épargnés. Tout le monde se rappelle de la vague de suicides enregistrée durant l’été 2020. Après de longs mois de confinement, certains ont préféré mettre fin à leur calvaire en se suicidant. Les médias ont largement partagé des récits de suicides parmi les rangs des enseignants, des jeunes filles, des pères de famille en chômage et d’autres gens privés d’aide financière en cette période de crise.

« Qui dit confinement dit isolement. Ce dernier a des effets nocifs sur le psychisme et sur l’humeur », assure Dr Mostafa Massid, psychologue clinicien. D’après le spécialiste, les contacts sociaux limités, voire absents, risquent d’entrainer des conséquences somatiques et psychologiques graves.  « Le repli sur soi, l’humeur dépressive, l’anxiété, les ruminations, les troubles du sommeil et d’appétit sans oublier les réactions hostiles envers soi et envers autrui » énumère le praticien.

Pour Soukaina Zerradi, psychologue clinicienne, les professionnels de la santé mentale ont pu constater auparavant les retombées du confinement qu’elles soient psychiques ou relationnelles. « Si la pandémie a mis mal en point l’économie, conjuguée au confinement, elle a plombé le moral des citoyens », assure-t-elle.

Spectre du suicide

D’après Zerradi, le citoyen est cerné. Au-delà de la crainte de la maladie, beaucoup de personnes ont perdu leurs emplois ou ont vu leurs revenus réduits. « L’isolement, le sentiment d’insécurité financière, le manque de visibilité par rapport à l’avenir et le sentiment d’impuissance peuvent approfondir le mal être de plusieurs personnes », analyse la clinicienne.

« Les idées suicidaires ne seront pas loin avec même des passages à l’acte dans les cas extrêmes », met en garde la spécialiste. Simple présage ou déduction pragmatique ? Ce qui est certain, c’est que la race humaine est en train de vivre l’une des épreuves les plus difficiles de son Histoire. Sa survie dépend essentiellement  de sa capacité à s’adapter à la situation, psychiquement en premier.