Vigilance
Ahmed CHARAI

Ce qui se passe avec le dénommé Abou Naïm n’est pas un fait divers et encore moins juridique. Le prédicateur salafiste a déclaré apostasses des personnalités parmi lesquelles deux morts : Benbarka et Jabri. Il a aussi déclaré que les femmes socialistes étaient des prostituées. Une enquête a été annoncée et il était naturel que le parquet se saisisse de l’affaire puisqu’il s’agit d’un appel au meurtre.

Cependant, il faut aller plus loin et ce dans deux directions. La première juridique, législative. Les Tunisiens ont interdit le Takfirisme par la constitution. Le racisme et l’incitation à la haine ne sont pas encadrés par une loi au Maroc. C’est un point de la plus haute importance. L’existence d’un tel texte permettrait aux autorités de sévir contre tout dérapage. La seconde direction, tout aussi importante, c’est le débat sur les frontières de la démocratie. On ne peut accepter, de manière indéfinie que des anti-démocrates utilisent l’espace public pour faire avancer leur idéologie. En France, contre un simple humoriste, ce débat existe et est même passionné.

Il ne faut pas oublier que c’est l’idéologie des Abou Naïm et consorts, qui alimente le terrorisme. L’absence de liens matériels entre les Chioukhs et les cellules démantelées ne doit pas faire illusion. L’idéologie de la haine et de l’intolérance justifie le Jihad dès lors qu’elle conteste l’Islamité du pays. Il nous faut le marteler sur tous les tons. De la même manière que l’on a vu avec Abou Naïm ce que valent les fameuses révisions.

Il nous faut donc être très vigilants parce que les signes d’inquiétude ne manquent pas. Une autre cellule terroriste a été démantelée. Des centaines de Marocains combattent en Syrie, dans les rangs des Jihadistes. Le contexte régional n’est pas des plus rassurants et les tensions ne font qu’augmenter.

Bien évidemment, l’Etat assume la plus grande des responsabilités, celle de la sécurité de ses citoyens. Mais la classe politique et la société civile doivent assumer les leurs de manière plus claire, plus offensive et surtout pérenne. Cette lutte doit devenir une priorité pour tous.

La grande incompréhension qui consiste à croire que la démocratie accepte toutes les idées a de tout temps et en tous lieux abouti à des drames. L’appel à la violence et l’intolérance ont fondé tous les fascismes, y compris ceux sortis des urnes. La première règle pour participer au débat public, c’est d’accepter la contradiction et le droit à l’expression des autres sensibilités. Ce n’est pas le cas des Salafistes qui recourent au Takfirisme comme argument de débat, tout en voulant jouer un rôle politique.

La pénalisation est la seule voie compatible avec l’Etat de droit. Il ne peut s’agir d’un débat théologique sur l’apostasie, parce que la constitution ne met pas la vie des citoyens, leur liberté aux mains des muftis auto-proclamés. Le Maroc est une démocratie pas un Etat théocratique, c’est donc au parlement de légiférer.