Bantunani « Casablanca est la capitale majeure d’une Afrique qui réussit »

 

 

Deux ans après le succès de Moonkinjazz, l’artiste franco-congolais qui a élu domicile à Casablanca revient avec un nouvel opus Perspectives, dont la sortie est prévue en mars 2021 et dont deux singles « Casablanca, Sunday can wait » et « Aisha Kandisha » ont été tournés au Maroc. Un groove afro funky teinté d’électro soul qui vous emporte dans des tourbillons discos sous l'œil maternel de la basse, omniprésente, qui fait vibrer le cœur et trembler le corps.

 

 

Le guembri c’est l’ancêtre de la basse ?

 

Exactement, si on regarde les musiques tribales au Congo, il n’y rien de nouveau. Les lilas et les transes des Gnaouas ressemblent aux veillées qu’on animait dans le Congo profond. La musique apporte beaucoup de réponses là où l’homme s’oublie. La musique est universelle, j’ai toujours un mal fou à dire « Dieu » parce que je crois que la musique c’est cela. Du côté lyrique, Dieu est là !

 

Pensez-vous vraiment que la musique peut changer les choses là où les politiques échouent ?

 

Oui, c’est facile comme message, combien de chansons il y a eu sur la paix et la guerre est toujours présente. Néanmoins, aujourd’hui, il y a des artistes qui ne disent plus rien ! la musique aujourd’hui est vide de sens, on parle de réussite, de matérialisme, de blingbling, on inculque de mauvaises valeurs à la jeunesse. L’Art est la solution ultime à l’Homme et on ne peut pas vivre sans utopies ni perspectives. Il faut que les artistes se dirigent vers du sens, du texte, à l’image de Bob Marley, ou Bob Dylan ; aujourd’hui, en écoutant la radio, les chansons ne véhiculent aucun message. Il faut écrire des chansons où on peut lever le poing à l’image de mon titre « Francophonie », ce modèle un peu ethnocentrique français qui n’a pas tenu sa promesse et n’a pas servi les peuples. Il faut donc garder foi en la chanson mais il faut que les artistes portent des voix vers la consistance.

 

Quel est le message de « Perspectives » ?

 

Au-delà du sens personnel où s’entrepose l’idée de la mort, de la vieillesse, et l’usure, il y a l’importance de la consistance, de la matière et la paix est une matière qu’il faut exploiter et projeter violemment. Il faut que l’artiste cogne, il faut croire en l’Afrique, en cette perspective panafricaine. Je crois que le Maroc est le pays moteur de ce centre panafricain, la grande Afrique est possible avec des Africains. « Rising song » rappelle que chaque individu doit se lever tel un oiseau et briser les barrières (économiques et religieuses).

 

La scène c’est très important pour vous ?

 

Oui, actuellement, mon seul problème c’est l’absence de scène. Il y deux choses qui me nourrissent, l’écriture et la scène. Le fait de pouvoir improviser, décomposer ce qui a été composé en studio. La scène pour moi, c’est cela, je décompose les musiques, je les rends vivantes, tel l’esprit des jam sessions en Jazz, …pas le jazz feutré que l’on présente sans odeurs. La scène c’est une drogue pour moi, je suis très mal aujourd’hui. J’ai besoin de m’affronter au public, ça me manque.

 

Justement, l’Art en général est à l’agonie en ce moment ?

 

Oui, le sous-titre de mon nouvel album c’est : « Grimasse et misère », et la vie d’artiste n’est que ça : Grimasse et misère. Jamais la musique n’a été aussi diffusée et « streaminguée », et pourtant, nous n’avons que des pacotilles. On pense qu’avec l’avènement d’internet, la musique est gratuite, c’est cela le problème, on oublie que derrière, il y a des vies, des investissements, des implications, beaucoup de travail et énormément de musiciens.

 

LIRE AUSSI :

https://www.lobservateur.info/ensorcele-le-nouveau-single-de-enesse/