Boulmane : Les douars de Oumjniba pris en otage par la neige

 

A plus de 2500m d’altitude, dominée par le sommet neigeux de Tichoukt (2796), les bourgades de Oumjniba dans la province de Boulmane expérimentent le vrai sens de l’isolement pendant l’hiver.

 

Par Hayat Kamal Idrissi

A « la capitale du froid », la neige n’a rien de romantique. Lorsque les températures chutent et les routes sinueuses  liant les bourgades de Oumjniba au reste du monde sont encombrées de neige, le temps s’arrête et la vie marque une pause en attendant des jours meilleurs.

-15 degrés

« Aujourd’hui, le thermomètre affiche - 4 degrés. Hier soir, c’était - 8 degrés », nous affirme au téléphone Hassan Achiakh, acteur associatif et élu communal à la commune rurale de Mers, province de Boulmane. Pour les populations locales « C’est un temps plutôt clément. Les autres années, pendant cette période la température descendait jusqu’à  -15 degrés », explique Achiakh. S’habituant tant bien que mal à la nature austère, les habitants de ces douars sont toutefois confrontés à de dures épreuves en cette période particulièrement froide.

« Le pire c’est lorsque les routes sont encombrées par la neige, isolant complètement plusieurs douars comme c’est le cas actuellement », décrit Hassan Achiakh. Particulièrement touchés, ces douars souffrent chaque année en cette période. Ighzouren, Sidi Omar, Ait Ichou O haddou, Ait Abdellah Oumjniba, Ighzrou Admam sont les principales bourgades cernées actuellement.

« Lorsqu’on s’est adressé hier aux services locaux du ministère de l’équipement pour déblayer les accès, on nous a expliqué que les routes non numérotées ne relèvent pas de leur responsabilité. C’est plutôt le rôle de la commune qui a, à disposition, un chasse-neige opérationnel mais qui reste inexploité », explique l’élu communal. Se trouvant à une importante altitude sur une route non numérotée et avec un accès difficile, ces douars ne peuvent bénéficier des services des chasse-neige du ministère de l’équipement. Ces derniers couvrent uniquement les routes nationales, régionales et numérotées.

 

Coupés du monde

En essayant de contacter le président de la commune de Mers dont relèvent tous ces douars, Hussein Azeghar Walen, son téléphone était  en permanence hors zone et sa boite vocale désactivée. Significatif,  lorsqu’on sait qu’un bon nombre de citoyens tentent de le contacter pour réclamer l’ouverture des routes. « Résignés, les habitants finissent par s’organiser entre eux et entreprendre des opérations « touiza » pour débarrasser des kilomètres de route, à coups de pelle en plein froid. C’est la seule façon de sortir de l’isolement, de sauver un malade, de s’approvisionner en gaz ou en denrées alimentaires et d’envoyer les enfants à l’école », déplore Achiakh.

Le quotidien des habitants, privés d'eau et d'électricité, est un perpétuel combat. «Notre douar n’est pas relié au réseau d’approvisionnement en eau et en électricité. Pour boire, il nous faut chercher l'eau à plus de 8 km. En hiver, on est obligé de nous munir d’une hache pour briser la glace qui bouche la source», raconte Mohamed Arouz, éleveur de Ighzrou Admam. Pendant la saison froide, la population se trouve souvent coupée du monde. «Ils nous arrive de passer 15 jours, parfois jusqu’à un mois en isolement total lorsque la neige encombre la route menant jusqu’au village le plus proche», précise, résigné Mohamed Arouz.

Injustice territoriale

 

Froid glacial, neige atteignant par endroits deux mètres de hauteur et voilà l’unique chemin sinueux reliant le douar au reste du monde coupé. « Nous devons systématiquement prévoir des provisions en abondance pour affronter les temps difficiles de l’isolement. Gaz, denrées alimentaires, eau… sinon c’est la catastrophe pour ces familles», explique, au téléphone Ahmed Idrissi acteur associatif et guide touristique à Tichoukt.

Mais le pire arrive lorsqu’une urgence médicale intervient en pleine période d’isolement. « Un accouchement, une urgence, un accident… lorsque ça arrive les habitants font de leur mieux pour y arriver mais ce n’est pas évident lorsqu’ils affrontent un mur de neige qui bloque les routes », explique Hassan qui exerce également comme instituteur à l’école du village.

« Nous n’avons pas le choix. C’est notre destin ! », commente, un sourire résigné aux lèvres, Mohamed Arouz. «Un destin qui pourrait tout de même être plus clément si les douars étaient reliés au réseau d’approvisionnement en eau et en électricité, si une véritable route les liait au reste du monde, s’ils sont reliés au réseau de télécommunication, si la commune dépêche  un chasse neige pour ouvrir les routes, si un internat est ouvert au village pour accueillir les élèves qui affrontent la mort par le froid pour se rendre à l’école…», s’insurge Hassan Achiakh.