Qui est responsable ?
Ahmed CHARAI

L’ensemble des quotidiens nationaux ont publié la photo de Nabil Ben Abdellah, ministre de l’Habitat, recevant des soins à Assa, après avoir fait l’objet d’un jet de pierres lors d’un meeting. Selon quelques informations, non confirmées, les suspects seraient des séparatistes. Rappelons qu’il s’agit d’un territoire non contesté, sur le plan du droit international. Mais au-delà, il faut se rappeler que le chef du gouvernement a été assiégé dans sa voiture de fonction par des diplômés chômeurs, qu’auparavant le siège du parti de l’Istiqlal a été saccagé par les mêmes diplômés, que le ministre de la Santé a été attaqué à l’intérieur du parlement, etc. A Fès, des salafistes ont désigné à la vindicte intégriste Assid, l’intellectuel amazigh, Driss Lachgar, le premier secrétaire de l’USFP et Latifa Ahrar, l’artiste et ce publiquement lors d’un meeting. Nous sommes face à des comportements irresponsables, loin d’être des actes isolés. Il y a une violence à la fois verbale et physique qui s’invite dans le débat public.

C’est inadmissible ! Le pire c’est que les réactions ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les partis politiques devraient être unanimes dans l’indignation, ce n’est pas le cas. Les directions préfèrent regarder ailleurs dès lors qu’il ne s’agit pas de l’un des leurs. C’est un manque de conviction démocratique flagrant, le propre de celle-ci étant de rejeter la violence, sous toutes ses formes, dans le débat public. Les autorités, en particulier judiciaires, ont leur part de responsabilité. Il n’y a eu, jusqu’à présent, aucun procès pour les faits cités plus haut, alors qu’il s’agit, non pas d’actions politiques, mais de délits de droit commun, répréhensibles au regard de la loi. Cette normalisation avec la violence est porteuse d’un péril certain.

Tous ceux qui ont des revendications, souvent légitimes par ailleurs, tous les contestataires pensent être fondés à recourir à la violence. C’est tout simplement l’anarchie que l’on laisse s’installer. Par ailleurs, l’inaction de la force publique passe non seulement pour un encouragement à de tels actes mais pour une démission de l’Etat. Celui-ci, en manquant à son devoir de faire respecter la loi, perd l’image de la puissance publique qui est à la base du contrat social. La construction démocratique n’est pas une autoroute tracée. Le meilleur moyen de la compliquer, encore plus, c’est de composer, de se montrer complaisant avec la violence ou tout autre acte délictueux. La classe politique dans son ensemble et les pouvoirs publics doivent y prendre garde.