Entretien- Mohamed Elfane: «Pour les restaurateurs, la situation devient insoutenable »

Le secteur de la restauration accuse un coup dur à cause de la pandémie du coronavirus. Les mesures prévues par le comité de veille économique pour soutenir l’activité, sont insuffisantes aux yeux des professionnels.  Le président  de la fédération marocaine de la franchise et commerce , Mohamed Elfane, lance un cri de détresse afin de sauver le secteur de l’agonie.

L’Observateur.info : Le secteur de la restauration a été impacté lourdement par cette crise sanitaire. Quel état des lieux aujourd’hui ?

Mohamed Elfane : Le secteur de la restauration représenté par plus de 100.000 unités de différentes tailles et spécialités et employant plus de 1,2 million de salariés subit les effets de la pandémie du coronavirus et des mesures restrictives instaurées. Les établissements croulent sous les pertes et les entrepreneurs sous les  dettes. Ces derniers doivent s’acquitter de l’ensemble de leurs charges : loyers, compléments de salaires, impôts & taxes, remboursement des emprunts bancaires… alors que leurs établissements sont fermés, ou subissent les réductions d’horaires voire même limités à la vente à emporter. Le constat est alarmant actuellement: plus de 80% des chefs d’entreprise, qui se retrouvent au bord de la faillite, ont connu une augmentation vertigineuse et critique en termes de taux d’endettement, de mobilisation des fonds propres, d’hypothèques des biens… 40% ont été contraints de fermer ou de cesser leur activité. Le reste des restaurateurs prendra certainement la même décision si la fermeture des établissements est prorogée. En gros, les restaurateurs  ont perdu en moyenne 50% de leur chiffre d’affaires si ce n’est plus, ont accusé un taux d’endettement additionnel de plus de 50%, ont arrêté totalement leurs projets d’investissements et ont impacté de facto l’écosystème composé d’industriels, distributeurs, imprimeurs, opérateurs en logistique…

Lors de sa onzième réunion de travail le mercredi dernier, le comité de veille économique, a annoncé la signature d’un nouveau contrat programme pour soutenir les restaurateurs. De quoi s’agit-il exactement ? Est ce suffisant? 

Les mesures prévues par le comité de veille économique pour soutenir un secteur considéré comme sinistré, permettra uniquement de sauvegarder en partie les salaires des  travailleurs. Concrètement, une indemnité de 2.000 DH sera versée aux salariés déclarés à la CNSS durant 3 mois (de janvier à Mars). Rien d’autre. Nous sollicitons aujourd’hui le comité de mettre en place des mesures tangibles à l’instar des pays étrangers, à travers des subventions pour la prise en charge partielle des charges fixes incluant loyers et masse salariale ainsi que de réelles mesures d’allégement fiscal. Un nouveau confinement sera probablement instauré à partir de dimanche prochain pour trois semaines. Normalement, la décision de la fermeture totale des restaurants au niveau de Casablanca, Rabat, Marrakech et Agadir prendra fin le 11 janvier 2021. Si elle est reconduite, ça sera la catastrophe. La situation est devenue insoutenable déjà. Et un nouveau confinement sera le coup de grâce.

Que préconisez-vous alors pour sauver ce qui reste à sauver ?

La fédération marocaine de la franchise a émis une série de propositions. La première, en cas de durcissement des restrictions encore une fois, il faut au moins maintenir l’autorisation d’exercice des restaurateurs à travers l’emporter, la livraison et le drive. Aussi, on appelle à un relèvement du montant du crédit Relance à deux mois de chiffre d’affaires au lieu d’un mois à l’instar de ce qui a été prévu pour les entreprises du secteur du transport touristique. Les franchises importent des stocks de 6 mois. Et en cas de fermeture totale, des stocks importants valorisés à des millions de dirhams seront jetés dans les poubelles avec les DLC dépassées. D’où la proposition  de l’indemnisation des stocks de marchandises périssables essentiellement pour les franchises internationales. Pour soutenir les professionnels, nous voulons également une suspension des indemnités d’éviction, une solution pour la problématique des charges locatives à travers une prise en charge d’un tiers 1/3 par l’État, un tiers 1/3 à supporter par le bailleur et l’autre tiers 1/3 par le locataire avec un abattement de plus de 75% sur toutes les taxes communales. Nous agonisons aujourd’hui. Et nous n’allons pas baisser les bras. Nous appelons alors à une réunion urgente avec à la fois le CVE, le ministère de l’industrie, du commerce, de l’économie verte et numérique et la CGEM afin de trouver ensemble des solutions nous permettant de surmonter la pire crise que le secteur est en train de vivre.