Avoirs et biens à l’étranger : c’est mal parti !

C’est un secret de polichinelle, les Caisses de l’Etat se vident. Pour tenter de les renflouer quelque peu, le gouvernement vient de trouver une piste : faire rapatrier l’argent frais de Marocains ayant des dépôts à l’étranger qui n’ont jamais été déclarés aux services concernés. Dans cette perspective, un amendement à la loi de Finances 2014 a été adopté, certes difficilement mais adopté quand même, autorisant une amnistie en faveur des contrevenants à la règle de déclaration systématique au fisc ou à l’Office des changes de fonds ou de bien mobilier et immobiliers possédés à l’étranger. Contrevenants est ici un euphémisme puisque le gouvernement place cette mesure sous l’intitulé : Amnistie. Or une amnistie suppose que l’on criminalise de fait l’acte à amnistier. Il est vrai que des trafiquants de drogue pourraient se trouver parmi les dépositaires de fonds non déclarés dans des comptes à l’étranger, mais il y a aussi parmi eux des binationaux qui s’étaient enrichis dans l’un ou l’autre pays avant de rentrer au Maroc, sans avoir trouvé jusque-là un moyen équitable pour régulariser leur situation. Ce détail passe encore, mais ce qui vide cette mesure de son sens c’est la guerre politique qu’elle a provoquée avant même son opérationnalisation.

Le chef du gouvernement a été le premier à monter sur ses grands chevaux au Parlement pour jeter à la vindicte populaire, sans les nommer, certains gros bonnets qui possèdent illégalement des milliards non déclarés à l’étranger. Il dit portant les connaître. Au passage, Benkirane a évoqué le cas d’une personne, membre d’un parti politique, qui s’était achetée, en secret, un appartement à Paris. Se sentant directement visée et jugeant ces attaques diffamatoires à son encontre, Yasmina Baddou, appuyée par son parti, a entamé la procédure pour poursuivre Abdelilah Benikrane en justice.

Depuis, des tirs croisés sont échangés par presse interposée. On et donc bien loin de la sérénité nécessaire ayant facilité, sous d’autres cieux, le rapatriement de fonds colossaux, comme cela a été déjà le cas en 2009 en Italie, par exemple. Au Maroc, dans la cacophonie ambiante, on ne sait plus s’il s’agit bien d’une mesure gouvernementale voulant rendre un service inespéré au Trésor public ou c’est plutôt une arme politique sournoise concoctée par le PJD dans le seul dessein de se venger de l’Istiqlal. Benkirane participe à ce flou non artistique en confondant sa casquette de chef de gouvernement avec celle de chef de son parti. Pire, en voulant défendre la position de leur chef, certains Pjdistes l’enfoncent. C’est le cas de Abdelaziz Aftati qui crie sur tous les toits qu’aucune liste des contrevenants ne sera publiée. Ce député du PJD agit comme s’il était le porte-parole du gouvernement et comme si son parti pouvait parler au nom de tout le gouvernement. Or, selon nos informations, le gouvernement préparait ladite liste, avant même que l’Istiqlal ne claque la porte. Le parti de la rose le sait et somme aujourd’hui Benkirane de la publier, sachant que ce dernier ne pourra pas jamais le faire. Ce cafouillage pourrait être l’occasion rêvée pour certains de blanchir leur argent ou leurs biens mal acquis à l’étranger en profitant du taux libératoire que leur offre l’amnistie. Encore une fois, le chef du gouvernement tombe dans son propre piège.

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