ENTRETIEN: « L’objectif est la réconciliation économique et non une chasse aux sorcières »
Mohamed Boussaid, Ministre de lu2019Economie et des finances

L’Observateur du Maroc. Pourquoi cette amnistie sur les biens et les avoirs à l’étranger ?

Mohamed Boussaid. Il faut savoir que l'amnistie décrétée par la Direction des impôts au profit des assujettis n'ayant pas honoré leurs dettes envers cette administration a rapporté en 2013 à l'Etat quelque 3,4 milliards de dirhams. Pour rappel, afin d’inciter les contribuables à payer leurs impôts, cette direction a décrété une amnistie sur les taxes générées par les retards enregistrés dans le paiement. Les résultats ont été alors satisfaisants. L’amnistie sur les biens et avoirs à l’étranger vise quant à elle la réconciliation. Elle porte uniquement sur l'année 2014. Nous voulons l’appliquer dans le respect des règles de l'art. Grâce à cet amendement, l'Etat va récupérer ses droits en permettant aux contrevenants de régulariser leur situation.

En dehors du fait que cette mesure pourrait être exploitée dans le blanchiment de l’argent sale, nombre de spécialistes et d’observateurs estiment qu’elle serait, du reste, inapplicable. Qu’en pensez-vous ?

Je précise que l’objectif du gouvernement est la réconciliation économique et non une chasse aux sorcières. Les fraudeurs sont, jusqu’à preuve du contraire, des citoyens qui ont commis une erreur et non des criminels. La mesure décidée servira, par exemple, à certains importateurs qui seraient en infraction pour la régularisation de leur situation. Nous ne parlons pas donc de blanchiment d’argent. Il y a aujourd’hui une volonté de rapatrier l’argent de l’étranger. On ne savait pas comment y arriver et la loi vient en réponse à ce besoin. Nous estimons qu’en l’absence de poursuites administrative et pénales, et en respectant le principe de la confidentialité, beaucoup vont jouer le jeu.

Certaines estimations avancent le chiffre de 5 milliards de DH comme gain de l’amnistie sur le rapatriement des avoirs et biens à l’étranger. N’est-ce pas utopiste comme chiffre ?

Il y a au moins trois différents rapports sur les avoirs à l’étranger. Le montant diffère d’un document à l’autre et l’écart est énorme. Donc nous nous sommes fixés un objectif que nous devons atteindre. La conception de l’opération elle-même est basée sur l’efficacité. Trois principes en sont les piliers. D’abord la simplicité au niveau de la forme à travers la fixation de taux faciles à capter et pas trop dissuasifs. Ensuite, l’un des points majeurs du texte a été la préservation de l’anonymat et son traitement confidentiel. C’est pour cette raison que les banques ont été mandatées pour centraliser toute la procédure déclarative et délivrer des quittances libératoires. Il est même précisé dans le texte que cette opération est couverte par le secret bancaire tel que prévu dans les dispositions relatives au secret professionnel que stipule l’article 79 de la loi 34-03 sur les établissements de crédit et organismes assimilés. L'administration n'aura pas les noms et les personnes concernées paieront leur contribution chacun directement auprès de sa banque. Donc il n'y aura pas de liste de fraudeurs. D’ailleurs, les banques qui gèrent les grands comptes sont en train de mettre en place le dispositif nécessaire pour la mise en place de cette mesure. L’autre principe important à mon égard c’est plutôt la communication ciblée.

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