Normalisation avec Israël. Pourquoi l’Afrique devrait s'en réjouir
Le Roi Mohammed VI, recevant la du00e9lu00e9gation israu00e9lienne u00e0 Rabat

L’année 2020 s’est achevée en apothéose pour les pays arabes et pour Israël. Après des décennies de rupture, une nouvelle période de coopération et d’entente pouvait commencer. C’est bien pour Israël, c’est bien pour les pays arabes…C’est bien pour l’Afrique aussi.

Hakim Arif

En juin 2016, le gouvernement de l’islamiste Abdelilah Benkirane, pouvait encore exprimer son opposition à tout échange commercial avec Israël. Lors d’une séance au Parlement, le ministre délégué chargé du commerce extérieur Mohamed Abbou, répondait à la question d’un député sur l’importation par le Maroc de dattes israéliennes. Le sujet faisait un tabac à l’époque. Le ministre délégué avait déjà la réponse prête:  « Le Maroc n’a pas de relations commerciales avec Israël », c’est clair et net. Plus encore, disait-il, le gouvernement « est désireux de lutter contre l’entrée de tous les produits israéliens au Maroc ». La preuve?  « Le gouvernement n’a jamais accordé de licence à quiconque pour importer des dattes ou d’autres produits israéliens », finissait-il sa démonstration.

Des années plus tard, nous somme en 2020, le chef du gouvernement, l’islamiste Saadeddine El Othmani (qui a succédé à Benkirane) a signé les accords entre le Maroc et Israël lors de la cérémonie présidée par le Roi Mohammed VI, en présence du Conseiller du président américain Jared Kushner et du Conseiller à la sécurité du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, Meir Ben Shabbat. C’est une autre époque. Mais c’est aussi l’occasion pour les islamises de monter au créneau. Le Mouvement Unicité et Réforme dont est issu le parti de la Justice et du Développement du chef du gouvernement, a clairement exprimé son refus de ce qu’il appelle « normalisation » avec Israël. C’est aussi la position du parti, sauf qu’il y a une petite variation.

Intérêt général

Abdelilah Benkirane est intervenu pour défendre le chef du gouvernement et éteindre le feu qui était en train de ravager le parti. «Le temps n’est pas celui des querelles intestines. L’intérêt général de la Nation doit primer avant toute autre considération partisane», disait-il sur sa page Facebook, rappelant d’ailleurs le communiqué du secrétariat général qui a salué la décision de renouer les relations avec Israël.

Tous ces événements s’étaient déroulés avant l’annonce de la réconciliation des pays du Golfe. L’ Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, l’Egypte et le Bahrein ont enterré la hache de guerre contre leur voisin le Qatar. Cette réconciliation allait provoquer un changement important dans les positions de certains partis islamistes, sous l’influence des frères musulmans abrités et soutenus par le Qatar et qui causaient pas mal d’ennuis aux autres pays arabes du Golfe et de l’Afrique du Nord. Une première fissure dans le front islamiste renforcé aussi par la Turquie qui avait des comptes à solder avec l’Arabie saoudite et l’Egypte essentiellement. La réconciliation avec le Qatar a d’ailleurs donné à réfléchir au président islamiste turc, qui a assoupli ses positions et montré sa disposition à se rapprocher des pays qu’il ne cessait de vilipender sur des médias contrôlés par lui. Ces derniers ont d’ailleurs couvert la réconciliation avec une objectivité qui contraste avec les tons hostiles d’il y a quelques jours. Il en est de même pour la chaîne Qatarie Al Jazeera qui a également viré du côté de frères du Golfe et du Maroc. Et les Marocains ont noté, avec une joie non cachée, que la chaîne parle désormais de Sahara marocain au lieu de Sahara Occidental.

Le temps de l'Afrique

La fin de l’année 2020 et le début de 2021 étaient donc bons pour les pays arabes et pour Israël. L’Administration américaine a beaucoup aidé à créer cette nouvelle ambiance. Jared Kushner, le conseiller spécial de Donald Trump s’y est beaucoup investi.

Les bénéfices pour Israël ne vont pas se limiter aux pays arabes. C’est toute l’Afrique qui s’ouvre ainsi aux échanges économiques et aux investissements arabo-israéliens. Ainsi le Premier ministre Benyamin Netanyahu pourra faire aboutir son projet africain, longtemps bloqué par la position des pays du continent calquée sur celle des pays arabes dans leur lutte contre Israël. Cela dit, le pays n’est pas complètement absent sauf que ses échanges ne sont pas importants surtout lorsqu’on les compare à ceux avec l’Europe par exemple. Son expertise en matière de sécurité lui a ouvert des marchés intéressants, mais il dispose de plusieurs autres industries et services utiles aux pays africains. L’expertise en matière hydraulique, en énergies propres, en agriculture technologique et autres lui permettent d’élargir ses interventions dans le continent. Par ailleurs, Israël peut compter sur les liens privilégiés du Maroc avec la plupart des pays africains où il dispose d’un large réseau bancaire et de plusieurs accords de coopération aussi bien avec les pays francophones que les pays anglophones.

Les pays africains sont par ailleurs à la recherche de partenaires sérieux adeptes de l’échange égalitaire, pour faire contre-poids aux exploitations des autres pays comme la Chine notamment dont les interventions font des mécontents. En RDC, par exemple, il n’est pas rare de voir des mineurs protester contre les dirigeants chinois qui prennent trop de libertés avec les conditions de travail et les salaires. Une vidéo célèbre de l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi le montrait en train de sermonner un responsable chinois qui ferait travailler des Congolais sans les équipements de sécurité. Le gouverneur avait donné un délai strict au responsable, après quoi il fermerait l’usine.

Coopération égalitaire

L’Afrique souffre également du changement climatique qui a des répercussions sur les déplacements des populations et sur l’émigration clandestine vers l’ Europe essentiellement. Une meilleure gestion des ressources naturelles permettrait à plusieurs pays de stabiliser les populations et créer des activités économiques susceptible d’ouvrir la voie à un développement soutenu. Là aussi l’expérience marocaine en matière de gestion des sols et d’engrais peut être utile et est déjà en oeuvre dans certains pays. Pour sa part, Israël pourra contribuer par ses connaissances agricoles.

Mais là où l’Afrique aura le plus besoin du Maroc et d’Israël, c’est dans la lutte contre le terrorisme. Les deux pays sont hautement qualifiés pour aider leurs partenaires dans ce domaine. Les champs d’intervention sont très larges. Les réseaux marocains, la technologie israélienne associés à la puissance financière des pays du Golfe, enfin réconciliés, peuvent, une fois mis ensemble inaugurer une nouvelle ère pour le développement en Afrique.