Pandémie. Les riches s'en sortent, les pauvres plongent

Selon une enquête d’Oxfam, la pandémie de coronavirus pourrait aggraver les inégalités dans la quasi-totalité des pays de la planète. Si les milliardaires ont retrouvé leur niveau de richesse d’avant la pandémie en seulement neuf mois, il faudra plus de dix ans aux personnes les plus pauvres pour se relever des impacts économiques du coronavirus.

Le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont tous exprimé leur vive préoccupation que la pandémie exacerbe les inégalités partout dans le monde, avec des effets profondément destructeurs. «L’impact sera profond, avec des inégalités croissantes provoquant des bouleversements sociaux et économiques : une génération perdue pour les années 2020 avec des séquelles qui perdureront pendant plusieurs décennies », prévient Kristalina Georgieva, Directrice générale du FMI. Ce point de vue est étayé par une enquête d’Oxfam menée auprès de 295 économistes dans 79 pays. En gros, 87% des répondants ont déclaré s’attendre à ce que les inégalités de revenus dans leur pays s’intensifient ou s’intensifient fortement du fait de la pandémie. Cela incluait des économistes dans 77 des 79 pays couverts par l’enquête. Plus de la moitié des répondants considéraient également probable ou très probable que les inégalités de genre augmentent, et plus des deux tiers partageaient aussi cet avis concernant les inégalités raciales. Les deux tiers ont par ailleurs déclaré avoir le sentiment que leur gouvernement n’avait pas de programme en place pour lutter contre les inégalités.

Les riches deviennent plus riches…

L’enquête d’Oxfam révèle également que les 1.000 milliardaires les plus fortunés ont retrouvé le niveau de richesse d’avant la pandémie en seulement neuf mois, alors qu’il faudra 14 fois plus de temps aux personnes les plus pauvres pour se relever des impacts économiques du coronavirus, soit plus d’une décennie.  Autre constat frappant, les richesses accumulées par les 10 milliardaires les plus riches du monde depuis le début de la crise, seraient amplement suffisantes pour éviter que quiconque sur notre planète ne sombre dans la pauvreté à cause du virus et pour financier le vaccin contre la covid-19 pour tous. À l’échelle mondiale, les milliardaires ont vu leur fortune augmenter de 3.900 milliards de dollars entre le 18 mars et le 31 décembre 2020. Leurs fortunes cumulées s’élèvent désormais à 11 950 milliards de dollars, ce qui équivaut aux montants dépensés par les gouvernements du G20 pour faire face à la pandémie. Les 10 milliardaires les plus riches ont quant à eux vu leur fortune augmenter de 540 milliards de dollars au cours de cette période. « À titre de comparaison, suite à la crise financière de 2008, il avait fallu cinq ans pour que la richesse des milliardaires retrouve son niveau d’avant la crise », note Oxfam.

…et les pauvres plus pauvres

« La crise du coronavirus frappe un monde déjà marqué par des inégalités extrêmes. Un monde où quelque 2 000 milliardaires détiennent plus de richesses que ce qu’ils/elles pourraient dépenser en l’espace de 1 000 vies. Un monde où près de la moitié de l’humanité doit composer avec moins de 5,50 dollars par jour. Un monde dans lequel, depuis 40 ans, les 1 % les plus riches gagnent plus de deux fois les revenus cumulés de la moitié la plus pauvre de la population mondiale. Un monde où l’écart qui se creuse entre les riches et les pauvres est à la fois une conséquence et un facteur d’exacerbation des sempiternelles inégalités de genre et raciales », souligne Oxfam. L’étude montre que du fait de ces inégalités extrêmes, des milliards de personnes menaient déjà une vie précaire lorsque la pandémie a frappé. Elles n’avaient ni les ressources ni le soutien nécessaires pour résister à la tempête sociale et économique que la pandémie a déclenchée. Plus de trois milliards de personnes n’avaient pas accès aux soins de santé, les trois quarts des travailleuses et des travailleurs n’avaient accès à aucune protection sociale (allocation chômage ou congés maladie, par exemple), et dans les pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure, plus de la moitié des travailleurs et travailleuses étaient en situation de pauvreté. Autres conclusions d’Oxfam : Le virus a mis au jour et amplifié les inégalités de richesse, les inégalités de genre et les inégalités raciales existantes, tout en s’en nourrissant. Plus de deux millions de personnes ont perdu la vie, et des centaines de millions de personnes basculent dans la pauvreté alors que bon nombre des entreprises et des particuliers les plus riches prospèrent. Le retour au monde d’avant n’est pas une option. Au lieu de cela, les citoyens et les gouvernements doivent se mobiliser autour de l’urgence de créer un monde plus égalitaire et plus durable.

En matière d’éducation, en 2020, plus de 180 pays ont provisoirement fermé leurs établissements scolaires, privant d’école près de 1,7 milliard d’élèves au plus fort de la crise. Oxfam note que la pandémie a privé les enfants vivant dans les pays les plus pauvres de près de quatre mois de scolarisation, contre six semaines pour les enfants vivant dans les pays à revenu élevé. D’après les estimations, la pandémie devrait effacer les progrès réalisés dans le monde au cours des 20 dernières années concernant l’éducation des filles, ce qui devrait accroître la pauvreté et les inégalités

Agir en urgence

En matière d’emploi et de moyens de subsistance, la pandémie a détruit des centaines de millions d’emplois. D’après l’Indice de l’engagement à la réduction des inégalités (ERI) développé par Oxfam et Development Finance International, 103 pays ont affronté la pandémie alors qu’un tiers de leur population active ne disposait d’aucune protection ou autres droits du travail comme les congés maladie. Cette désastreuse perte de revenu sans aucune protection a provoqué une explosion de la faim. D’après les estimations, au moins 6 000 personnes pourraient être mortes chaque jour de la faim du fait des impacts de la COVID-19 avant fin 2020. « Le fossé entre les riches et les pauvres atteignait déjà indéniablement des niveaux extrêmes avant la pandémie. Sans mesure d’urgence immédiate, la crise du coronavirus menace désormais d’aggraver encore les inégalités économiques dans la quasi-totalité des pays de la planète simultanément, une première depuis que ce type de données est enregistré », prévient Oxfam.