L’incohérence absolue
Ahmed CHARAI

Monsieur Abdelilah Benkirane est chef du gouvernement dans le cadre d’une constitution qui lui octroie de larges prérogatives. Il multiplie les déclarations qui laissent entendre qu’il ne peut pas exercer ses fonctions librement. Ainsi, il a déclaré qu’un chef de parti touchait des commissions sur les marchés publics. Ce sont des faits délictueux d’une gravité extrême. Le rôle de M. Benkirane n’est pas de les dénoncer, mais de les porter devant la justice.

Etant personnellement membre de plusieurs ONG internationales, je me trouve démuni devant les questions d’observateurs avertis. Les sorties du chef du gouvernement posent un vrai problème. Gouverne-t-il selon la constitution ou pas ? C’est la question que posent tous les interlocuteurs. Le PJD n’est pas majoritaire, mais a eu un rôle franc et massif en sa faveur, dans le cadre d’un mode de scrutin qui fait toujours débat. Tous les Marocains, y compris ses adversaires politiques, attendaient de ce parti qu’il apporte un réel changement. Dans un contexte régional enflammé, avec l’appui d’une constitution novatrice, l’exécutif avait les moyens de faire avancer la construction démocratique. Au lieu de cela, Si Abdelilah Benkirane a préféré rester dans le rôle du chef de parti en campagne électorale permanente. Par ses déclarations, il crispe la vie politique et la réduit à un combat de coqs. Or, les Marocains ont des attentes qui dépassent de loin l’intimité du chef du gouvernement et de Chabat.

Le drame c’est que le chef de l’exécutif crée un véritable malaise. Il laisse entendre qu’il n’est responsable de rien, car il n'est pas responsable de la situation actuelle dans laquelle se trouve l'économie du pays. Il a dit, devant le parlement, qu’il refusait de donner des chiffres, parce que les Marocains savent qu’il est un homme sérieux. Et depuis, à chaque fois, il préfère s’attaquer aux opposants, plutôt que d’exposer sa politique. Nous sommes un pays très observé par les autres. Le Maroc a su dépasser la vague des contestations et est présenté comme un exemple dans la région. Pour que cela continue, il faut un minimum de cohérence. Les déficits se creusent, le chômage gagne du terrain, la dette publique est en augmentation continue, les tensions sociales s’aggravent.

Abdelilah Benkirane va-t-il se résoudre enfin à gouverner ?