Affaire résidence Flora : Qui dit la vérité ?  

 

Leurs affiches insolites ont fait le buzz en cette fin de semaine. Les clients insatisfaits d’un promoteur immobilier à Bouskoura crient à l’arnaque, tandis que ce dernier s’en défend catégoriquement. Qui dit la vérité ?

 

Par Hayat Kamal Idrissi

 

« Client insatisfait » ( zaboune t9ouleb ), les grandes affiches accrochées aux fenêtres des appartements des résidences Flora à Bouskoura ont fait le buzz le week end dernier. Les photos de la « colère » des habitants insatisfaits ont été d’ailleurs largement partagées sur les réseaux sociaux, en suscitant un véritable mouvement de compassion et de solidarité. « C’était notre dernier recours après maintes tentatives de négociation avec le promoteur. Finalement nous avons opté pour cette méthode interpellante pour dire ouvertement notre dépit par rapport aux défaillances d’un projet qui était pourtant si prometteur », nous explique S.M, mère de famille et une cliente qui fait partie des habitants en colère.

Les causes

Retard de livraison, problèmes graves du parking, plomberie défaillante, installation d’électricité  déficiente,  finition approximative… les doléances des acquéreurs sont multiples et expriment une profonde insatisfaction à plusieurs niveaux, par rapport à « un logement sensé être de haut standing comme on nous l’a promis lors de la vente », nous affirme de son côté O.M, un autre habitant insatisfait. Optant pour l’anonymat, les insatisfaits nous expliquent les détails de leur déception.

« Nous avons opté pour cette résidence à Bouskoura justement pour avoir du haut standing à un prix convenable et qu’on ne pouvait pas avoir au cœur de Casablanca. Mon mari et moi nous n’avions pas envie de contracter un crédit et c’est ainsi que notre choix s’est porté sur Flora  », nous raconte S.M qui a payé son appartement de 106 m2 à un million de dirhams.

 

 

« Un appartement de haut standing ne peut pas couter de 9000 à 9500 dhs le mètre carré. Nous n’avons jamais promis à nos clients une telle chose. Nos prospectus notaient bien : « un appartement de standing » et non pas de « haut standing » comme le prétendent les acquéreurs », précise Abdeslam Âouad Idrissi, directeur général du pole immobilier de Majmaâ Llkheer, le promoteur immobilier derrière Flora. Une réponse qui n’apaise nullement l’ire de ses clients qui, eux déplorent un « produit final » bien en dessous de leurs attentes. « Pire un produit avec de graves défaillances qui vont au-delà de la simple finition et qui touchent la structure même des appartements », s’insurge T.Y. S.M pour sa part nous affirme qu’elle dû débourser 300.000 dhs supplémentaires pour refaire toute la plomberie et l’installation d’électricité. Ceci sans parler des revêtements des murs et du sol.

Insatisfaction à tous les étages

Mêmes doléances de la part de O.M, qui lui, déplore l’explosion de fuites d’eau et d’infiltrations dans la plupart des appartements au bout de trois mois seulement. « Il n’en est rien ! Ce sont juste des accusations non fondées. Nous n’avons failli à aucun de nos engagements. Je vous invite à venir voir notre appartement témoin sur la base duquel ces gens ont opté pour notre produit ; et de faire la comparaison avec n’importe quel autre appartement. Je vous assure qu’on ne peut relever aucune différence », soutient Aouad Idrissi.

Pourtant nos interlocuteurs nous affirment que les problèmes ont commencé bien avant la livraison. « Nous avons du attendre deux voire trois ans avant d’être livrés. Un retard qui a causé beaucoup de tort à de nombreux habitants », nous explique S.M. Un retard que le promoteur immobilier explique par les complications liées à l’installation des infrastructures (Eau et électricité) dans les zones extra-urbaines et dans la périphérie de grandes villes. « Les promoteurs des zones comme Bouskoura se trouvent obligés de s’en charger et de lier les nouvelles résidences aux réseaux d’eau et d’électricité. Et ça demande du temps », répond Idrissi.

 

 

Le parking de la discorde

Mais le retard de livraison représente aujourd’hui le cadet des soucis des habitants en colère. Ces derniers, sont en rogne spécialement par rapport à la problématique du parking. Explications ? « Lorsqu’on a payé nos appartements, nous avons rajouté 40.000 dhs à la demande du promoteur, pour acquérir nos places au parking », nous expliquent les habitants.

Ces derniers font valoir leurs droits en affirmant qu’une close dans le contrat de vente spécifie clairement les termes de cette acquisition à part. « Or, une fois livrés nous découvrons que le parking est géré comme faisant partie des areas de copropriété et que même ceux qui n’avaient pas payé leurs places peuvent y accéder légalement », nous explique, avec rage O.M. Et le contrat de vente ? « Nous avons découvert que le contrat déposé au cadastre n’est pas le même que nous avons signé. Le notaire et le promoteur ont du enlever cette close lors de l’enregistrement à la conservation foncière alors que nous avons déjà payé les droits au parking », détaille S.M.

Balayant d’un revers de main les arguments des acquéreurs, le directeur général du pole immobilier nous assure que le problème du parking ne concerne nullement le promoteur. « C’est un problème  légal entre les acquéreurs et l’Etat. Le cadastre avec le topographe lors de l’élaboration du dossier technique ont procédé à la distribution des places au parking. Ceux qui ont eu des places au P2 n’étaient pas contents et ce sont eux qui mènent cette fronde contre nous », explique Aouad Idrissi.

 

 

De leur côté, les habitants ayant acquis leurs logements sur plan, estiment qu’ils sont prioritaires et ont droit à des places au P1. « Or nous tous ayant acquis  des appartement en VEFA ( Vente en état futur d'achèvement), nous avons eu droit au P2. Le P1 a été utilisé plus tard comme atout de séduction pour enrôler les clients du produit fini. Si ce n’est pas de l’escroquerie envers nous, je ne sais pas comment qualifier ce genre d’agissements  », s’emporte O.M. Pour répondre à ces accusations, le promoteur affirme avoir cédé aux réclamations des habitants en entreprenant des aménagements posthumes pour rendre le P2 plus accessible. « Des bricolages qui n’ont rien arrangé. C’était plutôt une manière de jeter de la poudre aux yeux », tacle O.M.

Danger en vue ?

Mais au-delà, de l’enregistrement à la conservation et des bonnes  places à convoiter, le parking de Flora représente d’autres anomalies bien plus graves, comme l’affirment les détracteurs de Majmaâ Lkheer.  D’après eux, le P2 du parking installé sur deux niveaux reste inaccessible. « Mal conçu, c’est quasiment impossible d’y accéder sans bousiller votre voiture surtout si elle est assez grande », note SM. « Pire après les dernières pluies, le P2 a été complètement inondé par des eaux souterraines », soutient T.Y. D’après les habitants, le promoteur a encore failli à ses engagements et a installé des pompes d’eau de qualité médiocre qui, à la première épreuve, ont cédé en aggravant l’état du P2 et même du P1. Là encore Idrissi revient à la charge et rejette toute responsabilité par rapport à cet incident. « Nous avons livré les appartements il y a deux ans maintenant. C’est le rôle du syndic de faire l’entretien et le contrôle des différentes installations. Si aujourd’hui le sous sol est inondé c’est que l’entretien a été mal fait et ce n’est nullement notre responsabilité », rejette le responsable.

Entre les doléances des habitants insatisfaits et les réponses du promoteur de Flora, la vérité reste encore perdue. Une autre affaire qui se rajoute à tant d’autres confrontant des acquéreurs déçus à des promoteurs immobiliers s’en lavant la main dès l’accomplissement de la vente. Si le recours à la justice reste une option plausible, comme le soutient Aouad Idrissi, tous les acquéreurs n’ont pas cependant  envie de trainer des années durant dans les tribunaux pour faire valoir leurs droits.