« Le Green Energy Park est le fruit de l’intelligence collective marocaine »

Badr Ikken, Directeur Général IRESEN

 

Passionné par l’innovation, Badr Ikken a les yeux qui brillent quand il s’évertue à partager sa passion avec des jeunes du Maroc et d’ailleurs qu’il rencontre au sein du Green Energy Park. Un « bijou » dont il parle dans cet entretien avec grande fierté.

Entretien réalisé par Fatima-Zohra Jdily

 

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : Qu’est-ce qui caractérise le Green Energy Park par rapport aux autres centres de recherche ?

Badr Ikken : Nous sommes très fiers de ce projet de plateforme de recherche dédiée aux technologies solaires et la recherche appliquée. C’est un véritable pont entre le monde académique et le monde socio-économique. Nous avons ici la possibilité de tester des technologies, de les optimiser, de les valider. Il y a des FabLab (ndlr, laboratoire de fabrication) et des laboratoires de prototypage électronique pour pouvoir, justement, développer de nouveaux produits qui vont pouvoir être ensuite commercialisés. Donc c’est une plateforme permettant de passer de la recherche à l’innovation.

Nous en sommes très très fiers parce que c’est le fruit d’un partenariat entre l’Université Mohammed VI Polytechnique et l’Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles. Cette intelligence collective a permis la création de cette structure unique en son genre au niveau continental, intégrant plusieurs laboratoires de recherche de pointe. Les installations dont dispose le Green Énergie Park permettent de proposer des travaux pratiques aux étudiants de l’Université Mohammed VI Polytechnique, mais aussi à toutes les Universités du Royaume et également aussi à nos partenaires.

Le Green Energy Park est-il ouvert aux étudiants subsahariens ?

Il y a de nombreux étudiants et ingénieurs de pays subsahariens qui viennent ici pour être formés, suivre des travaux pratiques et effectuer des recherches. C’est ce qui permet également à nos jeunes d’acquérir le savoir et le savoir-faire nécessaires pouvant leur permettre d’innover et de passer de la recherche à l’innovation, puis ensuite au marché. Nous nous trouvons à Benguérir au cœur de cette la nouvelle ville verte. Il y a la magnifique Université Mohammed VI Polytechnique qui a développé un écosystème autour d’elle. Cet établissement d’excellence a intégré différents centres de recherche et différentes plateformes qui commencent déjà à incuber de nouvelles solutions technologiques qui sont 100% marocaines et africaines. C’est pour nous une réelle fierté.

Nous avons été honorés par l’inauguration de la plateforme en janvier 2017 par Sa Majesté le Roi que Dieu l’assiste. Elle s’inscrit dans le cadre de la dynamique et de la Vision Royale pour développer les énergies renouvelables et les technologies propres. C’est un instrument évoluant dans un environnement favorable pour nos jeunes, pour qu’ils puissent développer de nouvelles technologies africaines pour l’Afrique, voire réaliser le rêver de créer la ville intelligente de demain.

Quelle est la capacité d’accueil du Green Energy Park ?

Le Green Energy Park peut accueillir de 150 à 200 ingénieurs, chercheurs et doctorants. Nous accueillons annuellement plus d’une centaine de stagiaires qui viennent des différentes universités du Royaume. C’est une plateforme de recherche qui est ouverte à toutes les Universités. Les jeunes ont la possibilité de venir développer encore plus leur expertise, pouvoir voir, toucher et travailler sur différents équipements solaires, photovoltaïques, thermodynamiques et sur les sujets relatifs aux réseaux intelligents, à la gestion de l’énergie. C’est ainsi que nous allons les encourager pour qu’ils deviennent des responsables, des dirigeants d’entreprises ou des entrepreneurs innovants.

L’écosystème créé à Benguérir est celui du savoir, du savoir-faire et de l’innovation. Je suis vraiment ravi de voir qu’après 10 ans d’existence de l’IRESEN, grâce au travail acharné et l’engagement de jeunes ingénieurs et chercheurs marocains, avec le soutien de notre ministère de tutelle en charge de l’Énergie et le Groupe OCP, et le partenariat très fort avec l’Université Mohammed VI Polytechnique, un bijou a été créé au service du monde académique, mais qui va accompagner fortement aussi le monde socio-économique.

Pourrait-on voir des bijoux similaires dans d’autres régions du pays ?

C’est ce que nous avons déjà commencé à faire puisqu’il y a de nouvelles plateformes qui sont en cours de construction et de développement. Le modèle créé à Benguérir avec son écosystème est également en train d’être dupliqué même à l’extérieur de notre pays, dans des pays frères africains. C’est le cas notamment en Côte d’Ivoire où nous sommes en train de finaliser la construction d’un Green Energy Park local, similaire à celui de Benguérir. La nouvelle plateforme va permettre aux étudiants ivoiriens et aux entreprises ivoiriennes de développer aussi de l’expertise et de commencer à utiliser des technologies marocaines et à s’en inspirer. C’est tout l’esprit de la vision et de l’approche Royale en faveur de la coopération Sud-Sud.

Que représente pour vous, personnellement, le Green Energy Park de Benguérir ?

Pour moi, c’est le fruit de l’intelligence collective, de l’ingéniosité, du sens très développé, des potentialités innovantes de nos jeunes et plus généralement des Marocains, de toutes nos forces vives. Elle est l’illustration du passage d’un concept à la création d’une structure de recherche qui est, aujourd’hui, en train d’incuber des entreprises, de développer de nouveaux produits.

Je terminerai par cet exemple quasi anecdotique. Je vous ai montré tout à l’heure le produit hautement technologique que sont les Smart Flowers. C’est une installation solaire en forme de fleur sur un surplus de 3 mètres de diamètre, qui a été développé par un designer autrichien. Elle a été fabriquée en Europe avec beaucoup de technologies et des investissements de plusieurs millions d’euros. Lorsque nous étions en train de l’installer ici dans le cadre d’un projet de partenariat, il y avait un technicien qui suivait nos programmes d’installation. Il nous a alors demandé si nous étions prêts à installer à la même place une installation similaire qu’il allait essayer de fabriquer. Effectivement, il l’a fait avec des matériaux locaux et des moteurs et des différents composants qu’il a trouvés localement. Sa solution fonctionne aussi au solaire pour l’éclairage et c’est là un exemple très inspirant. Il a suffi que ce créateur soit soutenu, un tant soit peu, pour qu’il donne la preuve de son génie. Cette histoire nous montre qu’il est important qu’on se soutienne encore beaucoup plus les uns les autres et qu’on crée un environnement favorable pour lever les obstacles. Je suis sûr qu’ensuite, nos jeunes pourront aller très loin et contribueront à faire de notre pays un pays phare en ce qui concerne les énergies renouvelables et l’innovation.

 

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